Accueil > Université (problèmes et débats) > Les réformes à l’échelle européenne > L’avis de l’OCDE sur le système français de recherche et d’innovation. Une (...)

L’avis de l’OCDE sur le système français de recherche et d’innovation. Une évaluation du plan "Programmes d’Investissements d’Avenir

jeudi 3 juillet 2014, par Hélène

Ou comment les "experts" détruisent nos métiers ...

Lire sur le site

Le rôle essentiel de l’innovation dans la croissance économique et l’augmentation du bien-être est aujourd’hui largement reconnu. Des entreprises et des institutions publiques fournissent des produits nouveaux qui accroissent le niveau de vie des consommateurs et permettent des créations d’emploi. En vue de soutenir ce processus, les autorités publiques visent à maintenir un cadre général propice à l’innovation et investissent dans des
institutions spécifiques qui peuvent faciliter celle-ci.
La théorie des systèmes nationaux d’innovation (SNI) conceptualise
les acteurs, les activités et les résultats en lien avec la recherche et l’innovation. Il existe entre les différents acteurs, activités et résultats
des relations multiples et complexes qui justifient une analyse en termes de « 
système » (voir le graphique
1). Le concept de SNI est notamment présenté en détail dans OCDE et Eurostat (2005). Les acteurs sont les individus, caractérisés par leurs compétences et leurs motivations, les universités, les organismes publics de recherche, les organismes de transfert, les entreprises, les start-ups (type spécifique d’entreprise qui mérite un examen séparé), l’État dans toutes ses
composantes (gouvernement, agences, autorités territoriales) et les acteurs étrangers, qui dans un monde ouvert exercent une influence forte sur le système national. Les interactions entre ces acteurs sont de nature multiple
 : transferts de connaissances, coopérations pour la production de connaissances nouvelles, transactions commerciales de différentes
sortes, liens de pouvoir etc.

Ce sont les comportements des acteurs–fonctions de leurs capacités et des incitations auxquelles ils font face–et les interactions entre ces acteurs qui déterminent la performance globale du SNI, c’est-à-dire sa capacité à produire la science, l’innovation et les compétences qui peuvent servir la croissance économique et fournir la réponse aux défis sociétaux. Une étude du SNI consiste donc à analyser les différents acteurs, leurs capacités
et leurs incitations à réaliser certaines activités, les relations qui les lient et les mesures institutionnelles et politiques qui déterminent ces comportements, ces liens et ces résultats.

L ’étude vise notamment à identifier les goulots d’étranglement ou les dis-
fonctionnements au sein du système qui réduisent ses performances et à examiner les solutions politiques qui pourraient améliorer son
efficacité. Une telle approche systémique a été mobilisée dans des analyses récentes produites par le gouvernement français, telle « Une nouvelle donne pour l’innovation », publiée en novembre 2013 ....

p23 résumé
L’économie française connaît un déficit de croissance depuis plusieurs années, en lien avec une compétitivité-prix et hors prix dégradée. [...]

Les RH de la France sont caractérisées par une dualité : d’un côté, une minorité de personnels spécialistes ou généralistes très bien formés, aptes à développer et mettre en oeuvre les innovations ; d’un autre côté, une fraction importante de la population peu ou mal formée, qui reste à l’écart de l’innovation. Ceci provient du fait que les formations universitaires générales sont insuffisantes. Le renforcement de la qualité et de la pertinence des formations universitaires implique de mettre en place les incitations appropriées pour les universités et pour les enseignants-chercheurs et de revisiter les missions des divers acteurs et filières qui forment l’enseignement supérieur français.(souligné par Hélène)

p31 Evaluation et recommandations
Le nouveau contexte qui a progressivement émergé appelle donc des qualités nouvelles pour le système de recherche et d’innovation des pays qui se positionnent à la frontière scientifique et technologique, et au regard desquelles le SFRI et l’action du PIA pourraient légitimement être évalués. Ce système doit être :
- Flexible, capable de réallouer les ressources rapidement : du côté de l’État, qui doit donc développer des financements par projet (dont l’orientation est révisable très rapidement) aux côtés des financements récurrents et s’appuyer sur les universités, plus flexibles en termes d’allocation des ressources que les OPR,...
- Concurrentiel et coopératif, moins cloisonné : les acteurs, publics et privés, sont moins dans des « silos », ils interagissent densément ; cela concerne notamment les relations entre la recherche publique et les entreprises.
- Ouvert sur la société et le marché : réactif à la demande d’une multitude de consommateurs, [...]
Doté d’un enseignement supérieur qui fournit une formation solide à de vastes contingents de jeunes pour élargir la capacité d’innovation de l’économie et équipe les futurs chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs des capacités d’initiative et d’innovation requises par la nouvelle dynamique.
- Piloté stratégiquement, mais flexible dans sa mise en œuvre. Dans cet environnement diversifié et changeant, l’État ne peut plus appliquer un modèle de « command and control ». Il doit accepter une certaine flexibilité et autonomie des agents et mettre en place des incitations adéquates pour les orienter. De cette gouvernance plus complexe découle un besoin renforcé de transparence et d’évaluation.


Encadré 1.1. (p36) La France dans le Tableau de bord de l’Union de l’innovation
Le « Tableau de bord de l’Union de l’innovation » (UE, 2014), publié chaque année par la Commission européenne et qui est une référence pour nombre d’observateurs en Europe, classe la France dans la catégorie des « innovateurs suiveurs », c’est-à-dire les pays qui s’écartent peu de la moyenne de l’UE pour l’indicateur synthétique d’innovation. La France se classe 11e des 27 pays membres pour cet indicateur, très proche de la moyenne de l’UE. Les « innovateurs leaders » dans ce classement sont les pays d’Europe du Nord et l’Allemagne. Aux côtés de la France, les suiveurs incluent les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni. La France est mieux classée en ce qui concerne les RH (7e), la performance scientifique mesurée principalement par les publications (8e), le financement public et le capital-risque (8e), mais beaucoup moins bien pour ce qui est de l’investissement des entreprises (14e), l’entrepreneuriat et les liens entre entreprises (14e) et les innova-teurs, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) (14e). L’hétérogénéité des indicateurs composites peut cacher certaines réalités spécifiques, dont l’analyse requiert l’examen des indicateurs individuels. Ainsi, en matière d’enseignement supérieur et de recherche, le bon rang de la France est dû à un degré élevé d’internationalisation (part d’étrangers parmi les doctorants), qui contraste avec une part dans les publications scientifiques les plus citées inférieure à la moyenne de l’UE. La France est relativement bien classée pour les dépenses en capital-risque (rapportées au PIB), mais sensiblement moins bien classée pour l’innovation dans les entreprises. Elle est aussi bien marquée en ce qui concerne les dépôts de marques communautaires et dépôts de dessins et modèles (« design ») – les PME introduisant des produits ou procédés nouveaux – et pour les exportations de services intensifs en savoir. Au-delà du caractère hétérogène de ces différents indicateurs, il apparaît que la France est plutôt mieux placée (sans être parmi les leaders) pour les indicateurs d’enseignement supérieur, de recherche et de financement que pour les indicateurs d’innovation.


Recommandations pour l’enseignement supérieur : (p39)
- Poursuivre la politique de promotion de l’excellence dans l’enseignement en lien avec la recherche tout en donnant une place plus grande à l’enseignement dans la vaste majorité des universités, qui ne sont pas impliquées dans la recherche de niveau international mais peuvent trouver dans leurs atouts spécifiques (scientifiques, économiques) de véritables avantages comparatifs.
- Soutenir le développement de formations universitaires professionnelles et l’accroissement de la qualité et la pertinence (par rapport à la demande sociale et économique) des formations universitaires générales, y compris dans les sciences humaines et sociales.
- Donner une place plus grande dans les universités à l’enseignement d’activités susceptibles de rendre les étudiants plus innovants et entrepreneuriaux (travaux personnels ou plus encore, de groupe).
- Accroître l’autonomie des établissements à tous les niveau (pleine responsabilité dans la gestion des personnels enseignants et non enseignants, liberté de recrutement des étudiants, capacité à collecter des ressources propres, autonomie plus forte dans la définition et la délivrance des diplômes, etc.) et poursuivre la montée en puissance de l’évaluation à tous les niveaux.

Recommandations pour la recherche : (p41)
- Poursuivre et approfondir la politique de sites du MESR, qui place les universités d’excellence au cœur de la recherche. Il faut notamment compléter l’intégration des UMR dans les sites concernés, en donnant un mandat unique de gestion à l’université (décision prise au début des années 2000 et pratiquement pas appliquée). À l’exemple du PIA, les dépenses de recherche doivent être concentrées sur l’excellence, ce qui permettrait aux autres chercheurs de contribuer directe-ment à la qualité de l’enseignement universitaire.
- Rehausser le financement sur projets, car ils sont un levier privilégié pour pro-mouvoir excellence. Il faut notamment plus d’appels thématiques (plutôt que blancs) afin d’orienter effectivement la recherche selon les priorités nationales. Il faut réfléchir à une adaptation du statut des personnels dans les OPR où l’allocation des financements et celle des personnes ne correspondent plus.
- Poursuivre l’évaluation régulière de la recherche publique et la rendre plus effective, par exemple avec obligation de reporting des organismes évalués auprès de l’AERES (maintenant Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur [HCERES]). Il faut l’étendre aux enseignants-chercheurs.

Recommandations pour le transfert de connaissances : (p42)
- Renforcer les incitations au sein des universités et des OPR notamment pour que les chercheurs se tournent vers la valorisation et n’en restent pas exclusivement à des publications scientifiques. Cela implique d’inclure des indicateurs de transfert dans les dossiers de carrière des chercheurs.
- Veiller à clarifier et harmoniser l’ensemble des dispositifs de transfert, en évaluant précisément le champ et les effets de chacun, en consolidant ou en supprimant les dispositifs les moins efficaces et en clarifiant les prérogatives de chacun. La gestion de la propriété industrielle offre de ce point de vue des défis particuliers. Il faut certes finalement mettre en œuvre le mandat de gestion unique (incluant le droit de céder le brevet), mais aussi clarifier les rôles et les droits respectifs des différents acteurs, par exemple les SATT et les IRT).
- Professionnaliser et donner les incitations adéquates aux institutions et personnels en charge de la valorisation : il s’agit là d’activités de marché pour lesquelles les acteurs doivent avoir les qualifications et l’expérience correspondantes et agir au mieux selon les signaux reçus, notamment du marché. La constitution des SATT est de ce point de vue une avancée sur laquelle il faut capitaliser.

Conclusions sur le PIA (plan investissements d’avenir) (p 52)

Après la mise en oeuvre au cours des quinze dernières années d’un certain nombre de réformes importantes et la mise en place d’un plan – le PIA – ayant un poids financier considérable pour appuyer ces réformes, le SFRI a sensiblement amélioré sa capacité à répondre aux défis économiques et sociétaux actuels dans un contexte technologique et global nouveau. Le système a gagné en ouverture et en flexibilité. Il s’est toutefois heurté à des limites d’autant plus apparentes que la compétitivité de l’économie française se dégradait au cours des années 2000. Au moment de la mise en place du PIA en 2010, le SFRI avait déjà engagé sa mue. Cependant, le caractère incomplet et parfois peu cohérent des réformes et le manque de financements pour celles-ci tendait à réduire la capacité du système à remplir ses missions : produire à la fois de l’innovation radicale pour les domaines de pointe et de l’innovation incrémentale dans les autres domaines où la France excelle par ailleurs, sans qu’ils soient nécessairement fondés sur la haute technologie.
L’enjeu à l’horizon 2020 est de finaliser la mue du SFRI, en sélectionnant parmi les mesures en place celles qui accroissent l’ouverture et la flexibilité du système, tout en supprimant ou réorientant les autres afin de simplifier et donner une plus grande cohérence aux politiques de recherche et d’innovation. La poursuite du PIA au service de ces objectifs devra accompagner efficacement le renforcement de la compétitivité des entre-prises à travers les mesures économiques plus larges (réduction des déficits publics et de la pression fiscale, assouplissement et ouverture des marchés des produits et du travail) engagées. Les conditions seront alors en place pour que les acteurs économiques accrois-sent leur investissement dans les activités d’innovation, pour que de nouvelles entreprises innovantes renouvellent le tissu productif français et pour que l’innovation aide à satis-faire les besoins sociétaux et environnementaux. Le PIA doit contribuer à donner les modèles politiques et l’assise financière nécessaires à la poursuite de cet agenda. À l’inverse, un retour vers le SFRI « ancienne manière » aboutirait à stériliser les investissements publics engagés dans la recherche et l’innovation ...

Gouvernance des organismes publics de recherche (p131)

Les organismes réunissent sous une seule autorité différentes fonctions qui dans d’autres pays sont réparties entre plusieurs entités : l’orientation (programmation) de la recherche, son financement, son exécution et son évaluation dans leurs domaines respectifs. Le modèle le plus courant au plan international est celui d’une recherche pilotée par le ministère (ou les ministères dans leurs domaines respectifs) sous le contrôle du Parlement, financée pour une part significative de façon concurrentielle par une agence spécialisée (ou plusieurs) et exécutée par des équipes positionnées au sein des universités. On retrouve ce modèle, dans diverses variantes, dans tous les pays leaders de la recherche mondiale en Amérique du Nord, Europe du Nord, etc. Les raisons de ce découplage des fonctions renvoient d’abord à la volonté de fixer les orientations de la recherche au niveau politique selon les priorités économiques et sociales, et aussi à des conflits d’intérêt potentiels générés par l’exercice commun des différentes prérogatives. Si l’agenda de la recherche est déterminé par ceux qui l’exécutent – les chercheurs – alors les considérations purement scientifiques peuvent prendre le pas sur les considérations extrascientifiques (demandes de l’économie et de la société). De plus, les disciplines en place risquent de se maintenir au détriment de domaines émergents, car ils bénéficient d’une communauté de chercheurs déjà constituée et donc influente. Le financement doit être séparé de l’exécution pour des raisons similaires, et aussi parce qu’un financement concurrentiel sur projets fait appel à des compétences spécifiques. ...