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L’anglais règne dans les facultés bataves - Vincent Doumayrou, Le Monde Diplomatique, juillet 2014

vendredi 18 juillet 2014, par Mariannick

« Nous sommes ridicules », clamait le 10 avril 2013 Mme Geneviève Fioraso, ministre française de l’enseignement supérieur et de la recherche : nos universités ne proposent « pas assez de cours en anglais ». Depuis le début des années 1990, les Pays-Bas recommandent justement l’usage de la langue de Shakespeare dans les formations supérieures. Leurs résultats invitent-ils à les suivre ?

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En 1989, M. Jozef Ritzen, alors ministre travailliste de l’éducation des Pays-Bas, déclara que les universités devaient donner plus de cours en anglais. Le scandale suscité par l’idée d’une telle atteinte à la culture du pays fut tel que le Parlement adopta une loi faisant du néerlandais la langue d’enseignement officielle.

Aujourd’hui, ce qui avait alors tant affligé l’opinion est dans une large mesure devenu réalité. L’usage de l’anglais demeure certes limité au niveau des licences, ainsi que pour les masters d’enseignement appliqué. Mais il devient désormais majoritaire pour les masters universitaires, les plus prestigieux, hissant les Pays-Bas au premier rang dans l’Europe non anglophone pour le nombre de formations en anglais. Les masters de sciences de la vie, d’ingénieur et d’économie arrivent en tête des formations concernées.

Divers facteurs locaux expliquent cette évolution : une économie très ouverte, une langue d’origine germanique et assez proche de l’anglais, partagée seulement avec la Belgique flamande et le Surinam, ce qui rend peu réaliste une politique de rayonnement international. La connaissance de l’anglais se diffuse déjà largement aux Pays-Bas, l’organisme Education First classant le pays troisième sur soixante en la matière. En droit, le néerlandais ne dispose pas de statut constitutionnel ; la loi du 8 octobre 1992 en fait la langue d’enseignement, mais les dérogations qu’elle prévoit vident le principe de sa substance.
Règne de l’approximatif

Ce choix permettrait de transmettre une science « internationale par définition », prétendent les thuriféraires de l’anglais tout-puissant. Jamais les humains n’avaient disposé d’un idiome aussi mondialement diffusé. « Si on est gentil sur ce qu’on entend par “anglais” », précise le journaliste Christopher Caldwell.

En réalité, la promotion de la langue de Shakespeare reflète avant tout la mise en concurrence des universités au sein d’une économie de la connaissance qui « se caractérise par la commercialisation à (...)