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Sorbonne Université : du "mariage de raison" au "mariage d’amour" - extraits d’une enquête AEF, Anne Mascret, 22 septembre 2014

lundi 22 septembre 2014, par PCS (Puissante Cellule Site !)

Ce doit être cela que l’on désigne comme l’"amour vache"

Le calme après la tempête. Sorbonne Universités ne fait plus parler d’elle depuis plusieurs mois, depuis la sortie tonitruante de Paris-II du périmètre du PRES en septembre 2013 (lire sur AEF). Le président Thierry Tuot nie toute déstabilisation : "Nous travaillons sur le fond simplement, ce qui ne fait pas de bruit."

"Jean Chambaz [président de l’UPMC] et moi-même avons été élus en 2012 sur le projet d’intégration de nos établissements dans Sorbonne Universités, le débat a eu lieu et a été tranché à ce moment-là", estime Barthélémy Jobert, président de Paris-IV Sorbonne. "Nous avons également rencontré les personnels dans toutes les composantes à l’automne et à l’hiver derniers, plusieurs réunions des instances ont été organisées et on a fait circuler tous les documents", ajoute Jean Chambaz.

Un discours que contestent formellement les adversaires du président de l’UPMC, élus sur les listes "Réinventons l’université", qui disent tous les syndicats [1] très opposés à la Comue et qui affirment par exemple que "le débat sur l’alternative Comue/association n’a jamais eu lieu".

"Il n’y a aucune adhésion des âmes et des coeurs à la Comue car le débat a été totalement confisqué", estime Jean-Marie Maillard, élu au conseil scientifique de l’UPMC. Les présidents eux-mêmes admettent qu’il reste, "comme ailleurs", à ce que "les communautés s’approprient davantage le projet et en ressentent l’impact dans leurs activités".

Contrairement à d’autres regroupements, SU ne compte qu’une seule école, privée, l’Insead. Des contacts avaient été pris initialement avec l’Essec (lire sur AEF), lesquels n’ont pas abouti. Hubert Gatignon, représentant de l’Insead dans les instances de Sorbonne Universités, voit deux raisons à ce rapprochement pour son établissement : "la nécessité d’être intégré dans le système d’ESR français et européen", et le fait que "le développement de la recherche en gestion ne peut que s’enrichir de la collaboration avec d’autres disciplines". C’est la présence de cette école qui irrite le plus les opposants à la Comue : "Il est parfaitement anormal qu’une structure privée ait son mot à dire sur une distribution d’argent public et même s’en attribuer, et qu’elle puisse récupérer le tampon des diplômes délivrés par Sorbonne Universités", ’insurge Jean-Marie Maillard.

L’Insead, arrivé par hasard, mais indispensable pour l’idex. L’Insead avoue s’être retrouvé là un peu par hasard. "En 2010, Jean-Charles Pomerol, alors président de l’UPMC, cherchait à se développer à Singapour. Nous avons organisé une réunion et c’est à cette occasion que nous avons entendu parler de la logique de regroupement ! Nous avons ensuite rencontré le président Vogel et sommes devenus membre associé", relate Hubert Gatignon.

Un déséquilibre entre membres qui complique la gouvernance. En revanche, la difficulté de SU, même si ses membres s’en défendent, reste le déséquilibre entre eux, le regroupement étant dominé par l’UPMC en termes de budget et d’effectifs. En effet, la Comue totalisait en 2013 un budget global de 680 millions d’euros, dont 472 pour l’UPMC, 121 pour Paris-IV et 91 pour Paris-II. Les deux tiers des produisants des unités AA+ sont dans les équipes de l’UPMC (2 250 environ, contre 650 à Paris-IV, 300 au MNHN et 100 à l’UTC).

"Aujourd’hui, c’est même au nom de la taille de l’UPMC que les dirigeants ont imposé dans les statuts de la Comue le scrutin indirect, pour soi-disant ne pas effrayer les plus petits ! C’est quand même un comble de confisquer la démocratie universitaire pour de telles considérations", s’indigne Hélène Pelczar, élue d’opposition au CA de l’UPMC.

Reste à savoir si la construction actuelle parviendra à convaincre le jury des idex à la fin de la période probatoire, en 2016, sachant que Sorbonne Universités s’était engagée à construire une "université unifiée". "Les présidents nous tiennent aujourd’hui un discours contre la fusion alors qu’ils ont soutenu le contraire au moment des idex. Il est légitime de se demander à quel moment ils disent la vérité", note Jean-Marie Maillard. Joël Pothier, biochimiste à l’UPMC et syndiqué à SUD-Éducation, ajoute qu’il aurait "presque préféré la fusion à la Comue, car la fusion aurait permis de conserver un minimum de démocratie alors que la Comue est une voie sans retour, avec un CA non élu au suffrage direct, qui se transfère lui-même des compétences".

Hélène Pelczar est elle aussi dubitative : "On nous tient en CA un discours rassurant sur la Comue, ’Faites-nous confiance, on s’arrangera sur les transferts de compétences’ Mais que vaut l’engagement d’un président, sa parole, face à la loi ?", s’interroge-t-elle.

Paris-IV est porteur du SIAL (service interuniversitaire d’apprentissage des langues), qui "permet à tous les personnels et étudiants de la Comue de bénéficier d’un enseignement de langues innovant, aussi bien en présentiel qu ?à distance". "C’est un outil de formation dont la base a été constituée sur nos ressources, augmentées de fonds venus de l’idex, mais dès l’origine au service de toute la communauté de SU", poursuit le président de Paris-IV.

"Ce discours est complètement pathétique : on ne tue pas la démocratie universitaire pour mettre en place des cours d’anglais à Paris-IV", s’agace Jean-Marie Maillard.

Des appels à projets transdisciplinaires. En matière de recherche toujours, SU a également lancé le programme "Convergences", destiné à financer des projets aux interfaces des disciplines. "Sur le dernier appel à projets, nous avons encore eu 40 propositions pour 16 lauréats, ce qui est extrêmement sélectif", se réjouit Thierry Tuot. Le MNHN se félicite de participer aujourd’hui aux trois quarts des appels à projets "Convergences", et d’en être le porteur pour un quart. "Cela montre la mobilisation de la communauté scientifique du Muséum et sa grande pratique de l’interdisciplinarité."

Un discours qualifié d’ "idéologique" par les opposants : "Tous projets retenus dans le cadre de l’idex n’ont pas le moindre fondement scientifique. Les gens proposent à la va-vite des projets à cheval sur deux sites ou deux disciplines pour être dans l’air du temps et bénéficier de financement, mais cela n’a aucun sens", indique Hélène Pelczar. Elle ajoute que "cela casse en outre les vraies collaborations qui existaient entre les chercheurs, notamment celles avec Paris-VII, Orsay ou l’ENS".


[1Les élus sur les listes "Réinventons l’université" ont, en fait, dit précisément "tous les syndicats à l’exception, bien sûr, du SGEN-CFDT" .