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Désertez la recherche ! annulation d’une thèse sur la vidéo surveillance - Libellud, 20 septembre 2014

mardi 30 septembre 2014, par Louise Michel

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Étudiants » », désertez la Science !

Cet après-midi, à 14h dans les bâtiments de l’INP-Grenoble, au GIPSA-Lab (Grenoble Image Parole Signal Automatique) M.Nguyen soutiendra sa thèse : « L’identification du visage en contexte de vidéosurveillance », sous la direction d’Alice Caplier. Si nous sommes là aujourd’hui, c’est pour dire à M. Nguyen que nous ne sommes pas d’accord avec ses travaux, ni avec ceux de ses collègues. Nous ne voulons pas du monde que construisent les scientifiques et les chercheurs.

Quand les thésards bossent pour la police
Le travail de M. Nguyen s’inscrit dans la continuité des thèses menées au GIPSA-Lab depuis plusieurs années : « Analyse d’images en vidéosurveillance embarquée dans les véhicules de transport en commun  » (2006) ; « Contribution à la reconnaissance de visages à partir d’une seule image et d’un contexte non contrôlé » (2010) ; « Repousser les limites de l’identification faciale en contexte de vidéosurveillance » (2012) ; « Développement de leurres et de contre-mesures pour les systèmes biométriques de reconnaissance faciale  » (en cours).

Ce n’est pas au bien commun que travaillent Nguyen et ses amis. Ils développent et perfectionnent au contraire les outils technologiques qui permettront de contrôler, surveiller et contraindre demain la population : biométrie, reconnaissance faciale, croisement automatique des informations avec les fichiers de la police – ou ceux des publicitaires –, logiciels permettant de repérer les « comportements suspects », d’isoler et de suivre un individu au milieu d’une foule en mouvement, de traiter simultanément les données de milliers de caméras en réseau afin de fournir des réponses automatiques.

Ces dernières années, des recherches sur la reconnaissance faciale menées dans le cadre du projet Bio-Rafale (impliquant le Gipsa-Lab, IBM, la préfecture de police de Paris et Ministère de l’Intérieur), ont été expérimentées dans plusieurs stades dont le Stade des Alpes à Grenoble. Il s’agissait de repérer à l’entrée les supporters de foot interdits de stade. Après les supporters, à qui le tour ? En 2011, les supporters de foot
égyptiens apportaient leur soutien à la Révolution, en prenant part aux affrontements place Tahrir contre la police du régime. Quel sort auraient-ils connu si les sbires de Moubarak avaient disposé de ces technologies ?

La vidéosurveillance dite « intelligente » instaure un régime de suspicion généralisée, soumet chacun d’entre nous à une surveillance permanente, anonyme et automatisée et fournit à l’État et à la police des armes d’une puissance inédite. Elle contribue à l’avènement d’une société totalitaire. C’est à cela que travaillent les chercheurs du Gipsa-lab.

Progrès techno-scientifique, regrès social et humain
« Tout progrès scientifique accompli dans le cadre d’une structure sociale défectueuse ne fait que travailler contre l’homme, que contribuer à aggraver sa condition. » disait André Breton, un poète surréaliste. Dans la société qui est la nôtre, celle du capitalisme mondialisé, scientifiques et chercheurs n’œuvrent pas à un monde meilleur. Ils sont au service du pouvoir et de la guerre économique. L’utilité de leurs travaux se mesure en point de PIB.

A Grenoble et ailleurs, des milliers de recherches comme celles de Nguyen sont menées chaque année. Elles portent sur la biométrie et la vidéosurveillance intelligente au Gipsa-Lab, sur les implants neuro-électroniques et la manipulation cérébrale à Clinatec, sur la miniaturisation des mouchards RFID au CEA-Leti. Elles servent à concevoir la camelote électronique (téléphones portables, écrans plats, tablettes...) qui emplira dans 2 ans les décharges des pays pauvres. Elles produisent des logiciels pour piloter les missiles ou les drones de combat, pour perfectionner les robots-traders et accélérer le rythme des transactions boursières. Elles mettent au point les produits toxiques (pesticides, nanoparticules, déchets nucléaires) que
les industriels répandent dans l’environnement, l’eau, l’air, les aliments. Avec à la clef : cancers, stérilité, parkinson etc. Elles servent au développement de l’industrie nucléaire, nous condamnant à vivre avec ses déchets pendant des dizaines de milliers d’année. Elles préparent un monde de folie et de démesure technoscientiste
 : elles fantasment la création d’une nature artificielle grâce à la biologie de synthèse,
rêvent d’intelligence artificielle, de sélection et de manipulation génétique et d’être humain augmenté.

Les sciences humaines sociales ne sont pas en reste. Parce que le public (nous, vous) est de plus en plus réticent à ces innovations, les labos de psycho, socio, philo sont appelés au secours. Leur rôle est de produire dans nos têtes les discours et les représentations qui assureront aux entreprises high tech un marché docile, des ventes et des commandes, de la croissance et soi-disant des "emplois". Ils appellent cela
« l’acceptabilité ».

L’organisation de notre société autour du triptyque Université-Recherche-Industrie ne profite qu’aux privilégiés. S’il n’y a plus de boulot, c’est d’abord et avant tout parce que main dans la main, scientifiques et industriels remplacent les humains par des machines. Dans les écoles et à l’université, les profs cèdent bientôt la place à des écrans et des ordinateurs Dans les supermarchés les caissières disparaissent. A la
poste, à la CAF, dans les bibliothèques, dans les restos U, vous n’avez plus d’autre choix que de vous adresser aux automates.

La science bouleverse jusqu’à l’organisation de la ville. Voyez la technopole grenobloise. Les ingénieurs et cadres à hauts revenus, attirés à Grenoble par le cadre de vie (le ski, la montagne) construisent une ville pour les riches. Les loyers explosent en centre ville et à proximité de la Presqu’île scientifique, reléguant depuis 40 ans les pauvres dans les quartiers sud de l’agglomération. S’ils ont de la chance ils pourront tout de même s’employer dans un de vos labos : ils seront agents d’entretien, femmes de ménage, ou agents de sécurité.

Ne sauvons pas la recherche !

N’ayant aucune honte, certains de vos collègues, chercheurs et scientifiques, organisent en ce moment une marche corporatiste pour quémander de meilleures conditions de travail et davantage de moyens pour faire leur sale boulot. « Sciences en marche » que ça s’appelle. Leurs revendication : des sous, des sous, des sous ! Qu’importe leur rôle néfaste au sein de la société : la science n’a pas d’odeur.

Leurs modèles : la Corée du Sud, Israël, la Chine. Admirez ces pays qui investissent plus de 3 % de leur PIB dans la R&D ! Il y fait si bon vivre.

Étudiants, les travaux que vous menez au sein de vos laboratoires nuisent à la société dans son ensemble. Vous ne pourrez pas vous cacher éternellement derrière la prétendue neutralité de la Science : vous êtes responsables des applications qui découlent de vos travaux, et qui transforment radicalement la vie de millions d’autres personnes.

Refusez de collaborer avec la machine. Contre le regrès techno-scientifique : prenez le parti du progrès social et humain. Démissionnez ! Videz les laboratoires !

Le temps perdu pour la recherche est du temps gagné pour la liberté. Lisez et faites lire : « Pourquoi j’ai quitté le CEA » ; « Progrès techno-scientifique et regrès social et humain ; « La société de contrainte et ses instruments »

Libeludd, libertaires, luddites