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Quelle université voulons-nous ? - Université Debout (collectif en lutte de l’université de Bourgogne) - 14 décembre 2016

mercredi 14 décembre 2016, par Laurence

Le "plan social" à l’université de Bourgogne a provoqué la naissance d’un collectif de lutte. A la suite d’une AG inter-UFR, mardi 6 décembre, le texte ci-dessous a été écrit, qui affirme les principes de l’université "que nous voulons" et analyse les logiques destructrices des missions universitaires d’enseignement et de recherche à l’oeuvre actuellement. Dijon est un exemple parmi d’autres de ce que les SHS sont en première ligne.

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Loin d’être en crise ou en faillite, notre université se porte bien ! Elle accueille toujours plus d’étudiants, son offre de formation était jusqu’à présent diversifiée, de qualité et son campus agréable. Nous affirmons que l’argent ne manque pas. Ce qui place de plus en plus d’universités françaises dans une situation de déséquilibre inquiétante, en termes d’offre de formation notamment, ce sont des politiques d’établissement soumises à l’idéologie financièrement et intellectuellement ruineuse de la compétitivité et de l’excellence à tout va. Dans ce contexte, on en arriverait presque à penser que la non compensation par l’État du Glissement Vieillesse Technicité (à l’origine de l’augmentation de la masse salariale) ou de la hausse du point d’indice des grilles salariales – deux des principales charges qui grèvent les finances – font office d’aubaine pour les « gouvernances » universitaires. Ces orientations ministérielles forment un prodigieux écran de fumée qui nous ferait presque oublier que l’orthodoxie budgétaire si encensée est en fait à géométrie variable : les cordons de la bourse se tendant et se détendant au gré de priorités d’établissement déterminées par un petit nombre de gestionnaires déconnectés des véritables missions universitaires.

À l’université de Bourgogne, après des dizaines de milliers d’heures d’enseignement déjà supprimées depuis la rentrée 2016 et alors que de nouvelles coupes de même ampleur sont attendues pour la rentrée prochaine, comment ne pas s’interroger sur l’absolue nécessité à engager des centaines de milliers d’euros en publicité, relations publiques, réceptions, voyages et déplacements, en primes diverses, en grands équipements, programmes « d’excellence » pharaoniques et subventions contestables ? Plutôt que d’amputer nos offres de formation au risque de fragiliser notre mission essentielle – qui plus est dans un contexte local marqué par un taux d’échec en Licence supérieur à la moyenne nationale –, nous devrions collectivement réfléchir aux moyens de réduire les coûts de fonctionnement de notre établissement.

Loin des calculs gestionnaires à courte vue et contraires à nos missions d’enseignement et de recherche, nous voulons pour demain une université réaliste et ambitieuse ! Nous la voulons critique, et non complaisante face aux idéologies dominantes et aux innovations frénétiques ou irresponsables. Nous la voulons égalitaire, mobilisée pour l’accueil de toutes et tous – y compris les personnes handicapées trop souvent marginalisées. Attentive au pouvoir des mots, à l’écoute des étudiants qui s’y forment et des enseignants qui la servent, cette université-là ne se laisserait pas séduire par les sirènes de l’« excellence » et du « tout-numérique » qui placent toujours plus de personnes et de manières de penser sur le bord de la route.

Alors que se multiplient les tensions socio-politiques, que partout en Europe des idéologies dangereuses occupent le débat politique, l’université doit être une sentinelle. Contre toute conception naïve du progrès et de la science véhiculée par l’« économie de la connaissance », nous défendons l’idéal d’une université ouverte sur la cité, capable de former des citoyens éclairés, méfiante face à toute tentative d’instrumentalisation des savoirs. A l’heure où s’engagent à nouveau d’amples regroupements administratifs d’une complexité croissante et d’un coût exorbitant, laissant la plupart des universitaires de plus en plus démunis face à des instances bureaucratiques qui leur échappent et s’autonomisent, l’urgence est de définir des priorités, d’annoncer des choix clairs qui sont d’abord des choix politiques. Nous affirmons et répétons que les missions d’enseignement et de recherche doivent être jugée prioritaires, qu’en aucun cas les heures d’enseignement ne peuvent servir de variable d’ajustement d’un budget déficitaire. Les heures d’enseignement doivent absolument relever d’une forme de patrimoine collectif inaliénable et enfin être sanctuarisées pour garantir la pérennité de formations élaborées au cours de longues années de débats et d’échanges.

Pour répondre aux contraintes budgétaires qui pèsent sur notre établissement, nous demandons à l’équipe dirigeante de mettre à plat la situation financière de l’université, de la rendre transparente et lisible. Nous lui demandons que soient drastiquement réduites des lignes budgétaires non prioritaires en situation contrainte, comme celles qui relèvent de la pure communication et d’une politique de prestige dispendieuse et excluante dont la raison d’être au sein de l’université est hautement contestable.