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Attendus de la licence en Droit : dialogue avec Sandrine Clavel - Yann Bisiou, Le Sup en Maintenance, 1er février 2018

dimanche 4 février 2018, par Martine

J’ai critiqué les pré-requis et autres attendus à plusieurs reprises sur ce blog. Sandrine Clavel, professeur de droit et présidente de la conférence des doyens de droit et science politique qui a participé à la définition des attendus pour la licence de Droit a bien voulu répondre à mes questions et commentaires. Je l’en remercie et vous invite à lire cette chronique à quatre mains.

Y. Bisiou : "être ouvert au monde", " Pouvoir travailler de façon autonome et organiser son travail" ... la publication des attendus a suscité des réactions, parfois de la moquerie, de la part de certains collègues. Quel est l’apport de prescriptions aussi générales et, parfois, aussi subjectives ?

S. Clavel : Il est tellement plus facile d’être critique que constructif, surtout lorsque l’on juge le travail des autres... Je répondrai donc simplement deux choses. D’abord, ce travail a été réalisé dans un cadre contraint, pré-défini par le Ministère, et les « attendus » répondent à un cahier des charges qui nous avait été donné. Ensuite, j’aimerais bien que nos collègues voient plus loin et s’interrogent sur l’esprit de la réforme. Pour la première fois, un gouvernement a le courage de prendre à bras-le-corps la question de l’entrée à l’université, et de dire aux lycéens : attention, ce n’est pas simplement parce qu’on veut, qu’on peut. Même si notre système reste un système ouvert - et j’insiste au préalable sur ce point, car il n’y a pas de volonté de « sélection » contrairement à ce que j’entends souvent -, il intègre désormais un paramètre important : est-ce que le candidat a les qualités requises pour réussir, est-ce que toutes les chances sont de son côté ? Et plus important encore, cette question se pose dans une double optique. Une optique d’orientation -car oui, peut-être que certains lycéens renonceront à candidater à certaines formations après ce vrai temps de réflexion que leur ménage la réforme, et je ne vois pas en quoi cela est un problème (en tout cas si cette autocensure ne répond pas à une forme de « déterminisme social » qui serait un vrai problème) ; et une optique de remédiation -car si certains décident au terme de cette réflexion de s’engager néanmoins dans une voie alors qu’ils n’ont pas le profil idoine, il leur sera proposé un véritable accompagnement. On me taxera peut-être d’angélisme, et évidemment que la réforme n’est pas parfaite. Mais est-ce pire que de ne rien faire ? Quelles sont les propositions concrètes que les pourfendeurs de la réforme formulent, alors que nous savons tous que le système actuel est en bout de course ? Moi je prends volontiers ce que l’on nous donne, à savoir la possibilité de tenter quelque chose. Nous ajusterons progressivement, en espérant surtout que les moyens promis nous seront attribués.

Y. Bisiou : Vocabulaire soutenu, concepts, locution latine, les rédacteurs n’ont pas cherché la simplicité dans l’exposé des attendus. Le style est plus proche de celui des dossiers d’accréditation que des flyers destinés à des jeunes de 17 ans. Est-ce volontaire ?

S. Clavel : Je ne suis pas d’accord avec le constat. Quand je lis les attendus pour le droit (je ne me prononcerai pas pour les autres filières), je ne vois pas ce qu’il y a de difficile à comprendre. D’ailleurs, certains les critiquent car ils seraient simplistes. Il faudrait savoir ! En revanche, ce que je constate, c’est que la généralité des attendus rend leur appréhension concrète (et non conceptuelle) très difficile pour les candidats. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place le fameux « questionnaire d’autoévaluation » sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Son objectif est de « concrétiser » les attendus, de proposer une traduction appliquée des attentes. Tout le monde comprend le concept de « aptitudes à l’expression écrite et orale ». Mais quel est le niveau véritablement attendu ? Faut-il savoir faire une phrase sujet-verbe-complément, ou faut-il savoir utiliser le subjonctif ? Par ailleurs, nous avons aussi tenté d’expliciter le sens des attendus, pour les lycéens, sur notre site. Sur Parcoursup, nous avions 3500 caractères en tout, donc nous avons fait au mieux dans ce cadre contraint. Sur notre site, nous ne sommes pas limités, donc nous prenons le temps d’expliquer pourquoi l’attendu est formulé, en nous projetant sur l’usage qui sera fait, à la Faculté, de la compétence attendue.

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