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Avec cette logique de concurrence... la grande majorité sera perdante - Entretien avec Alain Beitone par Catherine Walgenwitz, La Marseillaise, 4 février 2018

lundi 5 février 2018, par Pèire Bertas

Alain Beitone, l’ancien professeur de classes préparatoires anime le collectif Ré-inventons la gauche et ouvre le débat sur l’école comme enjeu social et politique.
A l’heure des grandes réformes, le 8 février prochain*, le collectif Ré-inventons la gauche lance un grand débat sur l’école. Le temps de poser les enjeux des grands bouleversements à venir.

Alors que la gauche a été emportée par la vague Macron, à Marseille, vous Ré-inventez la gauche avec un collectif qui a choisi d’agir sur les questions d’éducation. Pourquoi une telle démarche ?

Le collectif est né pendant la présidentielle et les législatives en lançant deux appels successifs pour l’unité sous forme de pétition. Dans cette mouvance le 18 novembre nous nous réunissions dans les locaux de la Marseillaise autour de la question de l’avenir de la gauche. Notre conviction était de dire qu’il ne pouvait y avoir d’alternatives sans unité de toute la gauche. Persuadé qu’il fallait mener des actions, c’est notre collectif qui a lancé un recours contre la ville de Marseille contre les PPP (financement par le privé de la construction d’écoles publiques). Actuellement le mouvement autour des PPP est en train de s’élargir. Ce partenariat est une façon de faire poser le problème de la responsabilité locale sur la logique de privatisation. C’est un enjeu général. Le problème du rapport public-privé engage la mairie et les marseillais sur un projet à 1 milliard. A partir de l’école, il s’agit de prendre des positions communes aux enseignants et aux parents pour interpeller les élus locaux.

Quel lien y a-t-il entre les décisions publiques locales et les réformes qui touchent actuellement l’enseignement ?

Il nous semble qu’il nous faut un travail de réflexion de la gauche sur de grands enjeux. La réflexion politique comme syndicale sur l’école est actuellement insuffisante. Une logique de réponse au coup par coup sur les attaques, mais sur le fond quel est l’enjeu ? Pour Parcoursup, c’est une logique de sélection à l’université, de mise en concurrence.

Chaque université va définir ses propres attendus. C’est typiquement une logique de dérégulation par le marché. La réforme du lycée est une composante du passage à la concurrence du second degré. Le ministre de l’Education a clairement dit que d’ici quelques mois il aura réformé la formation et le recrutement des enseignants. Son modèle ce sont les écoles privées sous contrat, où les chefs d’établissements recrutent eux-mêmes les enseignants. On voit essentiellement la réforme du lycée comme une composante de cette logique de régulation de l’école par le marché.

Est-ce que ces réformes ne permettent pas à l’Etat de se dégager de sa responsabilité vis à vis de la jeunesse ?

Ces réformes sont cohérentes. Il faut faire comprendre qu’avec cette logique de concurrence, il y aura des gagnants et des perdants. La grande majorité sera perdante. Car si tel établissement sélectionne les bons profs et les bons élèves, il y aura un tri social. Quand l’université va fixer des attendus, il y aura des disparités entre universités. Cela se met déjà en place. Dans le logiciel fichier Excel de Parcoursup figure l’établissement d’origine de l’élève et le classement de l’établissement en fonction de ses performances et cela peut très bien être un critère de sélection pour les universités.

Les parents pourront faire les choix qu’ils veulent au primaire : Freinet, port de l’uniforme. Ensuite au niveau du collège commencera le tri. Au lycée, les élèves choisiront des options : les majeures et les mineures, mais toutes ne conviendront pas aux universités. Les attendus de Staps (fac des sports) se limitent à recruter les seuls élèves de filière scientifique. L’idée a depuis été abandonnée. Il y a bien une logique de hiérarchisation des élèves, des établissements. C’est la même logique que celle du classement des hôpitaux publié dans les journaux.

L’idée que nous mettrons en débat le 8 février est que cette logique est mortifère. C’est la fin de l’école comme creuset de la citoyenneté démocratique.

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*Jeudi 8 février à 18h30, Salle des Rotatives, 19 cours d’Estienne d’Orves dans le 1e arrondissement de Marseille.