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« Le recteur, le taux de boursiers et la concertation » : une fable moderne - Mariannick Dagois pour SLU !, 7 juin 2018

jeudi 7 juin 2018

La loi ORE [1] énonce ceci :
« V.-Pour l’accès aux formations autres que celles mentionnées au VI, lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, l’autorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, en fonction du rapport entre le nombre de ces bacheliers boursiers candidats à l’accès à cette formation et le nombre total de demandes d’inscription dans cette formation enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I. […]
« Les pourcentages prévus aux premier et deuxième alinéas du présent V sont fixés en concertation avec les présidents d’université concernés.

En français facile, ça signifie que le recteur [2] ne fixe rien du tout, il se borne en réalité à faire une division : il calcule son pourcentage minimal de boursiers en comparant le nombre total de dossiers déposés — s’il y a plus de dossiers que de places — et le nombre total de lycéens boursiers ayant demandé cette formation !
En principe.
Par exemple, s’il y a 1000 dossiers déposés dont 100 dossiers de boursiers, il « fixera » le taux de boursiers à 10%, et la « concertation » avec les présidents d’université concernés se bornera à vérifier si le compte est bon. Et à faire un dernier tour de moulinette à l’algorithme pour intégrer ce pourcentage au classement déjà opéré sur les dossiers par les commissions d’examens [3].

Et c’est là que l’autocensure joue à plein : le tableau ci-dessous dressé par une collègue [4] pour l’accès en Droit en Île-de-France, ne montre pas des recteurs élitistes mettant le centre de Paris à l’abri de hordes de boursiers descendues du 9-3, mais des lycéens qui ont bien compris où est leur place sociale !
Chacun chez soi, et les vaches sont bien gardées.

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Droit IdF

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Le seul soupçon de mixité sociale pourrait venir, par exemple, de l’obligation faite à Paris 5 (au hasard) d’inscrire en Droit 5% de boursiers même si son classement initial n’en prévoyait aucun.

Le « classement » des universités franciliennes du tableau ci-après est en fait un reflet du nombre de demandes des boursiers.

taux de boursiers

Affirmer partout dans les médias [5] qu’on favorise la mixité sociale en « privilégiant » les boursiers —par un retour du national centralisateur par la voix des recteurs après l’« autonomie » des algorithmes locaux— , alors que les lycéens ne sont que des pions dans le grand jeu de la concurrence entre universités n’est pas la moindre des hypocrisies que les thuriféraires de Parcoursup nous ont infligées.

Mariannick DAGOIS pour SLU !
7 juin 2018 [6]


[1LOI n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants

[2L’autorité académique, c’est lui.

[3Les commissions d’examens des vœux ont vu arriver ces pourcentages obligatoires deux jours avant la remise des résultats de Parcoursup.

[4Marie-Paule Coutot, INED

[5Comme Frédérique Vidal sur Twitter : « La loi #ORE permet aux étudiants boursiers d’avoir accès à toutes les filières, sélectives comme non sélectives. Ceci est une nécessité pour remettre en route l’ascenseur social de notre pays »

[6Merci à Léonard Moulin pour sa relecture et la mise à disposition de son graphique.