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La LPPR patachonne dans nos têtes - Dossier, janvier 2020

mardi 14 janvier 2020, par Mariannick

Lire aussi les différents articles parus dans Université Ouverte ici.

Et le SNES-UP a fait une synthèse des parutions


• Motion de la 70ème section du CNU en réaction aux rapports préalables du futur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche

Les membres de la 70esection du CNU ont pris connaissance des éléments contenus dans les rapports préalables au futur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
Les membres de la 70esection du CNU sont opposés à la suppression de procédures qui garantissent l’équité de traitement des personnes : qualification, modalité de recrutement, définition du service et attribution des promotions.
Les membres de la 70esection du CNU indiquent leur profond désaccord avec l’idée selon laquelle il puisse être envisagé un recours important à des recrutements d’enseignants non chercheurs ou à des recrutements sur la base de nouveaux contrats de travail qui dérogent aux dispositions statutaires. De telles mesures auraient des effets néfastes pour l’enseignement comme pour la recherche, effets qui seraient renforcés par les clivages engendrés entre les personnes recrutées selon différents statuts.
Les membres de la 70esection du CNU dénoncent la préconisation de la suppression de la référence aux 192 heures équivalent TD pour définir le service d’enseignement et la prise en compte des heures complémentaires, ainsi que de la clause d’accord des intéressé.e.s pour la modulation des services. Ils rappellent l’engagement des enseignants-chercheurs pour assurer les enseignements prévus dans les maquettes de formation. Ils s’opposent à de telles mesures mettant en danger à la fois les activités d’enseignement et de recherche.
La 70e section du CNU réaffirme l’interfécondité enseignement-recherche comme principe d’une formation universitaire de qualité. Elle dénonce la quantité importante et croissante du travail invisible et donc non rémunéré des Enseignant.e.s-Chercheur.e.s, en particulier celle des tâches administratives improductives qu’ils réalisent en lieu et place de personnels compétents, et cela au détriment de leur mission prioritaire d’enseignement et de recherche.
La 70e section du CNU rappelle son attachement aux missions du CNU qui garantissent un traitement national, collégial et impartial des différents aspects de la carrière des Enseignant.e.s-Chercheur.e.s. Elle conteste la remise en cause du statut des Enseignant.e.s-Chercheur.e.s et des fonctions du CNU. Elle appelle l’ensemble des collègues à la vigilance et à la mobilisation pour s’opposer à toute tentative de déstabilisation du cadre des activités d’enseignement et de recherche à l’université.


• Gouverner par les inégalités : l’ESR « en marche » – communiqué commun ASES/AFS

13 janvier 2020

L’Association des sociologues de l’enseignement supérieur (ASES) et l’Association française de sociologie (AFS) se mobilisent aujourd’hui, à l’image de nombreux syndicats, départements, laboratoires, revues et associations savantes, contre la perspective d’un projet de Loi de Programmation pluriannuelle de la Recherche (LPPR).

Malgré sa technicité apparente, la nature des mesures préconisées dans les trois rapports préparatoires (fin du CNU, mise en place de la modulation de service sans accord préalable, des tenure tracks, de CDI de projets, etc.) souligne à quel point il ne s’agit pas d’une réforme isolée, propre au fonctionnement de la recherche ou relevant du seul statut des enseignants-chercheurs. Elle s’inscrit au contraire dans la continuité de toutes les lois précédentes (LRU et ORE en tête) qui ont visé depuis maintenant plus de dix ans à réorganiser l’enseignement supérieur et la recherche et à faire, selon les mots d’Antoine Petit, PDG du CNRS, du darwinisme social et de la compétition de tous contre tous, le principe d’organisation majeur de nos professions, mais aussi comme fil conducteur des parcours de nos étudiant.e.s.

Car dans le cas du réagencement des modes de financement de la recherche comme dans la loi ORE, ce sont les inégalités qui sont érigées non pas comme un dysfonctionnement des services publics ouverts à tous et toutes, mais comme un instrument acceptable et revendiqué de régulation de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’ASES a, depuis 2017, souligné à de nombreuses reprises l’inanité de la plateforme Parcoursup. Elle fait de la sélection l’alpha et l’oméga du travail des universitaires, dont la relation avec les étudiants ne repose plus en premier lieu sur l’établissement d’une relation pédagogique, mais sur un fastidieux et moralement insupportable travail de classement et de tri. Ce que l’on demande aux enseignants-chercheurs, ce n’est plus de veiller à la qualité de leur cours ni même au « bien-être » des étudiants, c’est ni plus ni moins un travail de « commensuration », c’est-à-dire d’étalonnage des individus à l’égard d’un standard de compétences ou de « valeurs » sur le marché du travail (appelés attendus). Les analyses de la réforme de l’entrée à l’université ont fait l’objet des États généraux de la sociologie organisés lors du dernier congrès de l’AFS en août 2019 en partenariat avec l’ASES.

Aujourd’hui, le comité de suivi de Parcoursup publie son deuxième rapport annuel sur le fonctionnement de la plateforme. Il y reconnaît lui-même que ce travail d’évaluation attendu des universitaires ne relève en aucun cas d’un quelconque « principe méritocratique ». En constatant l’existence de candidatures très hétérogènes, par exemple celles issues de personnes en reprise d’études (qui doivent être examinées par le biais de Parcoursup), le comité reconnaît ainsi qu’il est difficile (par exemple) de « comparer un candidat salarié de quarante ans et un jeune bachelier de l’année ».

Car cette politique de gouvernance par le darwinisme s’accompagne de nouveaux modes de légitimation rhétoriques, qui — paradoxalement — abandonnent jusqu’à l’idée même de mérite. C’était déjà le cas de Parcoursup, qui repose non pas sur un quelconque « idéal » méritocratique de reconnaissance des « talents », mais sur la nécessité de réguler les « flux » des étudiants vers certaines filières et certaines institutions jugées ajustées à… leur filière d’origine, ce qui contribue immanquablement à davantage boucher l’horizon de leurs possibles. C’était également le cas des mesures dites « Bienvenue en France » de 2019 visant l’augmentation des frais d’inscription à l’étranger, dont le but était également la « régulation » du flux des étudiants issus de pays désignés « indésirables ».

La suite ici.

• Motion adoptée par le Conseil d’administration de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Le 8 janvier 2020.

Face au projet lié à la publication annoncée de la Loi de programmation pour la recherche, les membres du Conseil d’administration de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne tiennent à réaffirmer avec force les principes incontournables pour garantir, dans le cadre du service public de l’ESR, le bon fonctionnement, le rayonnement et l’excellence de ses missions de recherche et d’enseignement.

Soucieux de préserver une université ouverte à tous et de lutter contre toutes les formes de précarité des personnels, le Conseil d’administration réaffirme son attachement aux statuts pérennes des enseignants-chercheurs (Professeurs et Maîtres de conférences), des enseignants et des chercheurs et s’oppose au développement de toutes les formes de contractualisation. Il réaffirme la nécessité de trouver les moyens pérennisés pour permettre la création de postes de titulaires (pour les EC et les BIATTS) et la revalorisation des traitements de l’ensemble des personnels. Il affirme encore sa volonté de défendre les cadres nationaux de qualification et d’évaluation et s’oppose à la modulation des services.

Le Conseil d’administration s’oppose avec conviction à toutes les formes de libéralisation et de marchandisation de la recherche et de l’enseignement liées aux injonctions des appels à projets qui méconnaissent nos libertés académiques ainsi qu’à l’ensemble des textes déjà adoptés dégradant les conditions de travail.


• Motion de la CP CNU, 7 janvier 2020

Motion sur le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR)
La commission permanente du CNU, réunie le mardi 7 janvier 2020 à Paris en vue de l’installation de son bureau, rappelle son attachement aux missions nationales du CNU, instance garante d’équité, d’impartialité, d’expertise et de collégialité dans l’appréciation des différents aspects de la carrière des enseignants-chercheurs.

L’assemblée s’alarme de certains éléments évoqués dans les rapports préalables au futur projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche : la suppression de la procédure de qualification, de la clause d’accord des intéressés pour la modulation des services, de la référence aux 192 heures (équivalent TD) d’enseignement et donc de la rémunération des heures complémentaires, ainsi que la création de nouveaux contrats de travail d’exception aux dispositions statutaires. Si elles devaient obtenir force de loi, ces dispositions équivaudraient à une remise en cause du statut d’enseignant-chercheur et des fonctions du CNU.L’assemblée demande instamment que la CP-CNU soit désormais associée à la réflexion sur la future loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
NPPV : 0 ABST : 0 CONTRE : 0 POUR : unanimité des présent.


• CNRS 8 novembre 2019

La CPCN s’exprime sur l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche

Motion de la CPCN : projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche .

La conférence des présidentes et présidents de sections et commissions interdisciplinaires du Comité national (CPCN)a pris connaissance avec grand intérêt des rapports des trois groupes de travail mis en place par la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour conduire la réflexion préalable à l’élaboration du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). La CPCN est également attentive aux débats qui se sont désormais engagés sur ce sujet et entend y apporter sa pleine contribution. La CPCN constate la grande convergence entre le diagnostic établi par les groupes de travail et celui du Comité national sur le caractère très préoccupant de la situation de la recherche publique en France : financement d’ensemble très insuffisant, érosion des effectifs de personnels scientifiques, faiblesse des moyens financiers et infrastructurels alloués aux personnels pour la réalisation de leurs missions, niveau très bas de leurs rémunérations, dégradation de leurs conditions de travail et diminution inquiétante du temps disponible pour la recherche, fonctionnement insatisfaisant des dispositifs d’aide ou d’incitation à la recherche partenariale et à l’innovation.

Prenant acte de ce diagnostic partagé, la CPCN souhaite réaffirmer que les propositions formulées par le Comité national réuni en session extraordinaire le 4 juillet dernier, qui font l’objet d’un consensus large au sein de la communauté scientifique, répondent aux principales fragilités du système national de recherche. Elles vont ainsi dans le sens de l’intérêt de la Nation et des objectifs assignés à la LPPR, tels qu’ils sont rappelés dans la préface des rapports des groupes de travail : « réussir la reconquête scientifique de la France avec une recherche fondamentale d’excellence, mettre la recherche et l’innovation au cœur des nouveaux modèles sociétaux et positionner la France en acteur incontournable de la construction d’une Europe forte de la recherche et de l’innovation ».

La CPCN souligne qu’en dépit de la dégradation importante et rapide de sa situation en termes démographiques, organisationnels et financiers, la recherche publique française continue d’attirer et de recruter des scientifiques de très haut niveau, au plan national mais aussi au plan international comme l’atteste, par exemple, le fait que le quart des jeunes chercheurs et chercheuses ayant rejoint le CNRS en 2019 ne sont pas de nationalité française. Il faut donc redonner à l’ensemble de celles et ceux qui produisent la recherche française —chercheuses et chercheurs, enseignantes-chercheuses et enseignants-chercheurs, ingénieures et ingénieurs, techniciennes et techniciens —la possibilité d’exprimer pleinement leurs talents.La LPPR doit donc préserver et conforter les atouts du système national de recherche, et notamment le principe du recrutement au plus près de la thèse sur des postes permanents de fonctionnaires, principe dont il est démontré qu’il constitue un facteur essentiel d’attractivité. Outre un réinvestissement majeur en termes de moyens financiers et humains, la LPPR doit viser à recréer des conditions d’organisation et de fonctionnement qui soient propices à l’activité de recherche et à l’expression de la créativité des scientifiques, ce qui passe notamment par la stabilité des environnements de travail, la sérénité des collectifs et la liberté de recherche ainsi que par un allègement très significatif des contraintes bureaucratiques de la vie académique qui se sont multipliées de manière très préoccupante au cours des dernières années. Elle doit enfin favoriser les dispositifs de recherche partenariale et d’innovation qui ont fait leurs preuves, réformer ceux dont l’efficacité est insuffisante —en particulier le crédit d’impôt recherche —et créer des conditions favorables au développement des recherches partenariales « public-public » et « public-société civile ». Ces conditions sont essentielles pour répondre aux défis auxquels sont confrontées les sociétés contemporaines en matière, par exemple, d’environnement, de santé ou d’inégalités.

Motion adoptée à l’unanimité par les 46 présidentes et présidents des sections et commissions interdisciplinaires du Comité national de la recherche scientifique.


Des réponses et de la suite dans les idées

Blog de François Massol ici.

  • Un texte signé par un collectif de chercheurs dans les colonnes de Libération, “Le CNRS ne doit pas jouer les pompiers pyromanes” ;
  • Une émission récente sur France Culture “Évaluer les chercheurs en fonction de leur productivité : le milieu scientifique français inquiet à l’approche d’une nouvelle loi” ;
  • Un texte de François-Xavier Fauvelle paru dans le Monde, “Monsieur le PDG du CNRS, savez-vous ce que votre darwinisme fait à la recherche ?” ;
  • Un texte de Antoine Chambert-Loir “Le cauchemar de Darwin — à propos d’une tribune d’Antoine Petit, pdg du CNRS” ;
  • Un texte inédit d’Alice Lebreton Mansuy ;
  • Une tribune de Michel Veuille dans Libération (extrait)

Avec ses projets dispersés qu’on ne voit pas aboutir, le jeune Darwin n’aurait guère plu au CNRS, et surtout pas tel que le voit Antoine Petit. Ambition intellectuelle. Refus du spectaculaire. Réflexion patiente à l’écart de l’acharnement compétitif. Certes, nous ne sommes plus à l’âge des rentiers et il n’y a plus de place au XXIe siècle pour un gentleman-scientist. Mais c’est de l’éthique de Darwin qu’il est question, et non du confort dont il jouissait, et sa conception de la recherche est aux antipodes de celle qui nous est proposée aujourd’hui.
La politique prônée par le PDG du CNRS est connue. Elle est déjà appliquée dans plusieurs pays, où elle produit une science-spectacle et engendre beaucoup de fraudes scientifiques. Une politique de manipulation institutionnelle des chercheurs

  • Une page qui en compile d’autres sur le sujet
  • Un extrait du discours prononcé par Nicolas Galtier lors de la remise de sa médaille d’argent du CNRS en Décembre 2019 :

[…] Et puis un jour en 2018, quelqu’un a Shanghai a décidé de classer les universités pas seulement globalement, mais aussi par thème. Et là on s’est rendu compte qu’on était premiers mondiaux, devant Harvard, devant Stanford, devant Cambridge, devant tout le monde. Et pourtant, à Montpellier, pas un d’entre nous n’arrive à la cheville des grands pontes de Harvard, Cambridge ou Stanford en termes de CV, de bibliométrie, ou de financement. Non, ce qui fait notre force, c’est qu’on est nombreux, cohésifs, et surtout convaincus que c’est en mettant chacun en position de contribuer au mieux qu’on ira vers les meilleures réalisations collectives, et qu’on aura un vrai impact, ce qui est le cas je crois. Je pense que vous aurez compris le sens de mon message :
instaurer plus de compétition encore entre chercheurs, précariser cinq personnes pour glorifier la sixième, tout cela n’améliorera pas notre production, au contraire cela la dégradera presque à coup sûr. C’est en tout cas l’opinion d’un Darwiniste, premier de la classe à Shanghai. […]