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« Ce gouvernement de premiers de cordée révèle son absolue ignorance de ce que représente le travail des autres », Cécile Boulaire, Bastamag, 3 avril 220

samedi 11 avril 2020, par Elie

Enseigner à distance n’est pas une sinécure, au contraire de ce que semblent croire certains membres du gouvernement. Cécile Boulaire, maître de conférences à l’université de Tours, réagit aux propos insultants de Sibeth Ndiaye et raconte comment elle tente de compenser un peu la rupture pédagogique liée au confinement.

Depuis 10 jours, en tant que directrice de département et de filière universitaire, je me dois de relayer à mes collègues les injonctions, toujours plus pressantes, en faveur de la « continuité pédagogique ». Je le fais en mettant toujours en garde, depuis le début, sur l’effet de puissant mirage de ce mantra. Il n’y a aucune « continuité pédagogique », nous vivons au contraire la plus violente rupture pédagogique que notre université ait jamais connue, elle qui n’est pourtant pas avare de grèves, blocages et autres « printemps des chaises » (ceux de 2009 comprendront…).

Une fois de plus, avec ce slogan que chacun répète à l’envi, ce gouvernement de chargés de com’ au petit pied brutalise la langue et la démonétise – on se souvient par exemple des « filières en tension », formule inventée au moment de lancer APB puis Parcoursup, manière honteuse de désigner les filières d’enseignement totalement engorgées d’étudiants parce que les recrutements de profs, depuis 10 ans, sont largement en-dessous des besoins d’encadrement de la jeunesse. Et là, en une formule maladroite, la porte-parole du gouvernement révèle avec éclat ce que ces gens pensent, au fond, de nous les enseignants : tout ça, c’est du pipeau, parce que pour eux, en vrai, on ne travaille pas.

Qu’on soit bien clairs : nos conditions de travail n’ont absolument rien à voir avec celles des soignants qui vivent une situation épouvantable, eux qui nous disaient déjà avec désespoir qu’ils s’inquiétaient de l’état de l’hôpital. Elles ne ressemblent pas non plus à celles des salariés et précaires qui sont, quotidiennement, exposés à une maladie qu’on ne sait pas encore guérir – commerçants, employés de la grande distribution, livreurs –, ni à celles des agriculteurs qui ne voient pas comment il vont pouvoir récolter et préparer les prochaines récoltes, encore moins à celles des sans-abris qui n’ont nulle part où se « confiner ». Je n’écris pas ce billet pour me plaindre, mais pour qu’on cesse de faire passer le travail pédagogique, toujours invisible, pour une élégante manière de se tourner les pouces.

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