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L’hôpital : pierre de touche du new public management - Tribunes, 30 août 2020

dimanche 30 août 2020, par Mariannick

1. « L’université risque un réveil brutal, comme celui que l’hôpital vient de vivre »
Le Monde, 10 août 2020
Établissant un parallèle entre le système hospitalier et le système universitaire et de recherche, touchés tous deux par la même logique de transformation et de rentabilité, Pierre Gilliot, directeur de recherche et Stéphane Viville, praticien hospitalier, rappellent dans une tribune au « Monde » qu’au même titre que la santé, la connaissance est un bien commun.

2. « La santé et la justice sont aux prises avec le péril de la standardisation »
Le Monde, 27 août 2020
Les deux systèmes subissent un tournant gestionnaire et une standardisation qui compromettent les règles du métier et la qualité du service rendu, s’inquiètent, dans une tribune au « Monde », le psychiatre Christophe Dejours et la magistrate Marie Leclair.

3. En février, SLU déjà… « L’université comme l’hôpital » Tribune dans Le Monde

Tribune. de Pierre Gilliot et Stéphane Viville « L’université risque un réveil brutal, comme celui que l’hôpital vient de vivre »

Le gouvernement nous impose une énième réforme de la recherche, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dite LPPR. Ce texte fut examiné, le mercredi 22 juillet, en conseil des ministres en pleine période estivale, mais aussi en pleine pandémie qui a contraint à la fermeture des facultés et des laboratoires, empêchant concertations et débats. Cette loi s’inscrit dans un processus débuté il y a près de quinze ans.

Nous souhaitons établir ici un parallèle inquiétant entre les évolutions qu’ont subies le système hospitalier public et l’enseignement supérieur et la recherche. Nous craignons qu’une crise similaire à celle du Covid-19 ne révèle, comme elle l’a fait pour l’hôpital, l’état de notre système universitaire et de recherche. La même stratégie de transformation leur a été appliquée, à savoir, des changements instillés à petites doses, préservant ainsi l’apparence de ces structures. Mais l’accumulation des réformes en a profondément modifié leur fonctionnement et leurs objectifs.

Ces nombreuses réformes de l’université et de la recherche se sont traduites par une floraison de nouvelles instances en charge de leur gestion. Nous sommes ainsi passés d’un système de financement récurrent de la recherche, envié par tous nos voisins, y compris américains, géré principalement par le CNRS et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à un système, inspiré des Etats-Unis, de financement sur projets.

[…]
L’université risque un réveil brutal, comme celui que l’hôpital vient de vivre ces derniers mois, avec un paroxysme lié à la crise du Covid-19. On a vu un système de soins qui, bien qu’en gardant les apparences de l’organisation qui faisait son efficacité, a placé des objectifs financiers avant la santé. Un système qui a remplacé une gestion étatique, mais efficace, par des agences incapables de faire face à une crise majeure, qui a paupérisé et démoralisé l’hôpital public et ses acteurs, qui a surchargé des médecins et des personnels de santé de tâches administratives en les éloignant de leurs missions de soignants.

Lire l’ensemble de la tribune ici. (abonnés)


Tribune. de Christophe Dejours et Marie Leclair « La santé et la justice sont aux prises avec le péril de la standardisation »

La crise sanitaire déclenchée par l’apparition du Covid-19 a mis en lumière, en France, les fragilités du système de santé, fragilités que nombre de personnalités politiques s’accordent maintenant à voir comme le regrettable résultat des politiques néolibérales mises en œuvre depuis plusieurs décennies.

La justice a subi le même tournant gestionnaire. Cette mutation, censée pallier les effets de sa pauvreté endémique face à l’augmentation des contentieux, atteint en réalité l’institution dans le cœur de ses missions, avec les mêmes risques de détérioration de la qualité du travail et de la santé des professionnels. Il apparaît donc pertinent de tirer les enseignements de la crise de l’hôpital public pour réfléchir aux moyens de sauver l’institution judiciaire des logiques qui ne cessent de l’affaiblir elle aussi, menaçant l’équilibre des pouvoirs et, par là, la démocratie.

Les transformations qui ont affecté l’institution hospitalière et, plus généralement, le système de santé en France sont caractérisées par la volonté de maîtriser l’évolution des dépenses par un accroissement du contrôle du travail.

L’application des principes de la « nouvelle gestion publique » [le new public management, développé au plan international à partir des années 1980] vise un accroissement de la productivité qui passe par l’industrialisation des soins. Celle-ci tend à fonder la pratique professionnelle sur le respect de normes standardisées et quantifiées, retirant au professionnel la possibilité de décider lui-même ce qu’est la « bonne pratique », et sanctionnant les pratiques déviantes.

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Pour mémoire, SLU a publié le 10 février 2020 une tribune dans Le Monde (avec un autre titre)
« L’université comme l’hôpital »

L’université comme l’hôpital

[…] Comme à l’hôpital, les professionnels de l’enseignement supérieur travaillent désormais au sein d’une institution totalement désorganisée, épuisée par quinze années de réformes successives. Répondant à l’injonction de se hisser dans des classements internationaux aux critères absurdes, des laboratoires d’excellence, des équipements d’excellence, des formations d’excellence ont surgi dans le paysage universitaire. Tel un rat de laboratoire, le chercheur erre dans un labyrinthe de guichets à la recherche de financements. Il rédige des projets, des rapports de projets en cours, des évaluations de projets, des bilans de projets. Il recommence quand il a terminé. Vissé derrière son ordinateur, sur lequel il cherche dans quelle fenêtre « innovante » il pourrait s’inscrire, il réduit de jour en jour le temps consacré à la recherche et à ses étudiants.

Comme à l’hôpital où, à côté de plateaux techniques coûteux, on manque de simples compresses, ces nouvelles structures concentrent l’essentiel des moyens financiers, au détriment de la plupart des unités de recherche et d’enseignement dont les dotations ont diminué, dont les locaux sont délabrés, dont les fournitures les plus élémentaires se tarissent. Comme à l’hôpital, la destruction des collectifs de travail est à l’œuvre dans la mise en concurrence généralisée des personnes et des équipes, dans la course au projet innovant, dans une réorganisation institutionnelle incessante.

Comme à l’hôpital, l’introduction de « mesures de qualité », de « critères d’excellence » et « d’indicateurs de réussite » a fait redoubler le travail et a introduit l’esprit du marketing dans des activités qui n’ont pourtant rien à voir avec la vente et la concurrence. On s’est mis à reporter sur des tableurs des unités de mesure soi-disant pertinentes – nombre d’articles publiés ou nombre de mois consacrés à telle activité – en perdant totalement de vue le caractère intangible des activités humaines dont il est question. L’évaluation généralisée n’est plus destinée à établir la vérité scientifique mais tend à devenir une mesure de « performance ».

Comme à l’hôpital, la notion même de service public est en recul constant tandis que les pratiques managériales progressent. Les universités sont les plus grands employeurs de contractuels de toutes les institutions étatiques au point que, dans certaines d’entre elles, ce sont des enseignants sous contrat qui assurent l’essentiel des enseignements des trois premières années de licence. Dans l’administration coexistent des fonctionnaires sous-payés et jamais promus, des contractuels précaires et quelques agents bien rémunérés, là où le marché privé est trop concurrentiel pour qu’on puisse les recruter au tarif de la fonction publique. Comme à l’hôpital, l’université connaît turnovers, démissions, surmenage et désaffection.