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Lettre ouverte à Madame Valérie Pécresse

par Madame Trin (université de Paris IV)

lundi 10 décembre 2007, par Laurence

Lettre ouverte de Madame TRIN de l’université de Paris IV à Madame Valérie PECRESSE

Madame la Ministre,

Je vous écris cette lettre. Elle se veut une réponse au courrier que tous les personnels ingénieurs, administratifs, techniques et des bibliothèques des universités ont reçu par voie électronique ce matin 28 novembre 2007. Vous nous présentez la réforme actuelle de façon rassurante comme devant aboutir à des « universités renouvelées, et refondées par une loi équilibrée ».

Je me souviendrai de ce jour. Il pourrait bien sonner le glas de mon service dès le 1er janvier 2009, date d’application de la « globalisation » souhaitée par le président actuel de l’université. Je travaille depuis 36 ans à l’université de Paris IV Sorbonne. Malgré 3 postes non pourvus, j’assure avec 4 collègues la paie des personnels émargeant au budget de l’Etat et l’indemnisation des chômeurs (au total 1451 agents).

En ma qualité d’élue FO au conseil d’administration, j’ai tenté d’expliquer lors de la séance du 28 septembre, les conséquences de la « globalisation » lorsque le président Jean-Robert Pitte a voulu en faire adopter à la sauvette l’application anticipée. Il m’a retiré la parole, en affirmant que « je polluais le débat ».

En ma qualité de chef du service des traitements, j’ai eu ce soir la visite des inspecteurs généraux chargés d’auditer l’université, après que « le président ait fait savoir au ministère qu’il était candidat pour être un des premiers audités ».

Cette inspection affirme ne pas être venue pour effectuer un contrôle, cependant elle cherche à établir des « ratios d’efficience de la paie » à partir du nombre de mouvements opérés chaque mois et en fonction du nombre d’opérateurs, comme si la saisie informatique effectuée la dernière semaine de chaque mois, devait suffire à traduire toute l’activité du service, en occultant le rôle capital du contrôle des pièces justificatives et du respect de la réglementation.

Leur conclusion est simple : « les services de l’université sont désintégrés, ils utilisent beaucoup trop de papiers, or dans un monde moderne, il est logique qu’il y ait des interfaces au sein d’un système intégré et que les supports soient dématérialisés ».

Aucun des nombreux arguments contradictoires avancés à partir d’exemples concrets, n’ont pu détourner la mission de l’objectif qui lui a été fixé. En dehors de l’informatique, de la fusion des fichiers et des services (voire plus tard des universités), point de salut ! D’une façon ou d’une autre, le service paie des agents de l’Etat devra disparaître :

-  soit en étant intégré dans l’Agence comptable, puisqu’ avec le transfert de la masse salariale, tous les traitements des fonctionnaires seront imputés sur le budget de l’université et non plus sur le budget de l’Etat. (L’inspection a souligné que l’obligation de souscrire à cette « globalisation » avait été demandée par une organisation syndicale, sans la nommer, mais chacun sait qu’elle est imputable au représentant de l’UNEF qui lors de la consultation précipitée, en ignorait probablement les conséquences, à moins que cette organisation ne s’en soucie guère au nom d’un égalitarisme insensé, ce qui serait bien plus grave).

-  soit ce service devra se fondre dans les missions du service du personnel enseignant d’une part et dans celles du service du personnel IATOS et de bibliothèque d’autre part, cette « gestion intégrée devant permettre d’apporter des économies d’énergie et une plus grande fiabilité ». Les preuves contraires ont été réfutées systématiquement par des remarques telles que : « il faut vivre avec son temps », comme s’il s’agissait d’une querelle entre les modernes (réformistes prometteurs d’une meilleure productivité, nécessitant une évaluation constante) et les anciens (rétrogrades à la nostalgie dépassée, source d’inefficacité).

Autre sujet n’entrant pas dans le champ des « missionnaires de la globalisation », les conditions de travail des collègues :

-  primes de fin d’année de moitié inférieures à celles demandées malgré 3 personnes absentes et non remplacées, et malgré des crédits restant inemployés,

-  recours hiérarchique resté ce jour sans suite bien qu’il ait été envoyé à votre ministère en RAR le 26 mars dernier par la contractuelle du service, entrée à l’université il y a 7 ans, qui s’est vu refuser le paiement de ses heures supplémentaires. Le président de l’université a en effet prétendu le 31 janvier 2007 « qu’aucun règlement d’heures complémentaires ne peut intervenir compte tenu de la réglementation actuelle ». Le montant réclamé s’élève à 837,30€, le salaire net de cette collègue s’élève, après 7 ans de bons et loyaux services, à 1 148.41€ dont 2,29€ de supplément familial. Travaillons plus, nous gagnerons……. des belles promesses !

N.B. Le président de l’université avait auparavant empêché le conseil d’administration de se prononcer sur l’attribution de primes aux contractuels rémunérés sur le budget de l’université (1/3 des effectifs dont 60% perçoivent le SMIC). Il a d’abord refusé d’inscrire la question à l’ordre du jour, sous prétexte qu’elle n’avait pas été envoyée dans les délais, (alors qu’il soumet régulièrement des décisions en séance). Puis il a retiré la question de l’ordre du jour du conseil suivant, en s’appuyant sur l’affirmation de la représentante du Recteur selon laquelle « il ne pouvait y avoir d’indemnité sans texte », comme pour les titulaires, ce qui est contraire aux avis du Conseil d’Etat et de la Comptabilité publique. Le président avait refusé de communiquer ces avis avec la convocation, aux membres du conseil.

- Considérant que vos mises en chantier et vos bonnes intentions ne sont pas crédibles face aux pouvoirs locaux renforcés que votre loi met en place sans réel contrepoids,
- Considérant que dans un service public digne de ce nom, la qualité des services rendus doit primer sur la quantité des opérations enregistrées et que cela devrait s’imposer à l’hôpital comme à l’université,
- Considérant que la voie électronique ne doit pas être utilisée à sens unique sans droit de réponse et que l’informatique ne doit pas devenir un instrument asservissant et déshumanisé, encore moins un outil de contrôle totalitaire,
- Considérant que le respect de la réglementation et des droits des agents de l’université, n’est pas même garanti par un recours auprès des instances ministérielles qui, soit ne répondent pas, soit se défilent en permanence en invoquant la sacro-sainte « autonomie »,
- Considérant que ma voix peut éclairer le débat sur la réforme de l’université qui à Paris 4, a été refusé mais qui s’instaure malgré tout,
Considérant que la résistance à une façon de penser unique est un devoir,

Je prends la liberté de vous écrire cette lettre et de la diffuser.

Marie-Albine TRIN