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Le Discours des Voeux du président au Monde la (sic) Connaissance et de la Culture, 19 janvier 2011

jeudi 20 janvier 2011

Pour lire en intégralité le discours des voeux du président

Pour lire uniquement le passage, vers la fin de son intervention, où il dit "un mot" des universités et de la recherche et sa fascination pour la télévision :

"Je voudrais en terminant, parce que je ne veux pas abuser de votre patience, dire un mot des universités et du monde de la recherche, en remerciant Valérie PECRESSE. Je suis engagé dans la vie politique depuis bien longtemps et je n’ai jamais vu un programme de gauche ou de droite qui ne commençait pas par le mot autonomie. Le mot dégainé était immédiatement rengainé à la première manifestation d’opposition. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela représente pour moi, comme Président de la République, le fait que 90% de nos universités aujourd’hui, sur la base du volontariat, sont devenues autonomes.

Je voudrais dire à nos compatriotes : regardez la capacité du monde universitaire à se réformer, à s’approprier l’autonomie, à multiplier les projets ; et regardez cela comme une preuve d’optimisme extraordinaire, sans drame.

Je demande à la ministre, en la remerciant une nouvelle fois, de poursuivre le chemin de l’autonomie. Il ne faut pas s’arrêter. Est-ce que les personnalités qualifiées doivent ou non pouvoir voter pour le président des universités ? Ma réponse est oui. Est-ce que l’on doit tenir compte de la performance dans les financements ? Ma réponse est oui. Continuez à avancer. Il n’y a pas de raison que les Français, lorsqu’ils rêvent aux universités de leurs enfants, rêvent Etats-Unis, rêvent Espagne, rêvent Grande-Bretagne et ne rêvent pas France. Je suis très heureux quand des jeunes étudiants français partent étudier à l’étranger, mais je voudrais qu’ils partent pour de bonnes raisons, pas pour des mauvaises, pas parce qu’ils se disent en France, ce n’est pas possible. Naturellement, revenant à Luc CHATEL, si cela marche pour les universités, mais cela doit marcher aussi pour nos établissements, les lycées. Et si dans notre pays on faisait confiance aux enseignants, en leur laissant un peu d’autonomie ? Je suivrai très personnellement, Luc, l’expérience de recrutement d’une équipe pédagogique dans les quartiers les plus difficiles. Parce que, comment bien enseigner si l’on n’est pas volontaire pour enseigner ? Comment bien enseigner, si simplement on se retrouve dans un établissement difficile parce que l’on est le plus jeune, dans le grade le plus bas ? Est-ce que c’est raisonnable de continuer comme cela ? Est-ce que transcendant nos divisions idéologiques, politiques, on ne peut pas se tourner vers l’avenir ?

Enfin, je voudrais terminer en parlant de deux petites polémiques, en disant d’abord que dans le monde qui est le vôtre, dans la famille qui est la vôtre, je trouve au fond que c’est plutôt une bonne nouvelle pour la France d’être capable de s’enthousiasmer pour des sujets qui, ailleurs, passeraient profondément inaperçus. Et je voudrais dire que sur la question de la Maison de l’Histoire, cher Frédéric, faut-il que l’on aime l’histoire dans notre pays pour avoir assisté à ce foisonnement de tribunes passionnées et souvent passionnantes. Faut-il une Maison de l’Histoire ? Y a-t-il un risque d’histoire officielle ? Y a-t-il un risque de récupération ou d’histoire pour les uns ou pour les autres ? Moi, je trouve cela plutôt sain qu’il y ait ce débat. Je félicite Frédéric MITTERRAND d’avoir mis en place le Conseil scientifique. Je suis persuadé que tout ceci appartient au passé, et que, désormais, nous n’aurons tous qu’une seule ambition : donner au plus grand nombre de nos concitoyens, et notamment aux plus jeunes, l’amour et la passion de l’histoire. En tout cas pour moi, c’est le seul objectif que je poursuis. Je suis fasciné de voir que, dès que la télévision fait une émission qui a un rapport avec l’histoire, les téléspectateurs sont au rendez-vous. Je trouve que l’on aura gagné le jour où vous vous serez appropriés cette Maison de l’Histoire. Qu’elle vive avec le plus d’ambition possible."

Auparavant le président s’était adressé aux enseignants pour leur dire avant tout ... son absence de tabous :

" Je voudrais ensuite m’adresser aux enseignants qui font un métier extraordinairement difficile, peut-être plus difficile qu’il ne l’était il y a 50 ou 60 ans. Pourquoi ? Parce que, pour des raisons qui tenaient à l’histoire sociale et politique de notre pays, les enseignants de la première moitié du XXe siècle, n’éduquaient qu’une partie d’une classe d’âge. Aujourd’hui les enseignants, les maîtres doivent éduquer, et c’est un progrès, toute une classe d’âge. Beaucoup plus diverse, donc beaucoup plus difficile.

La question de la place des enseignants dans notre société, de leur formation, cher Luc CHATEL, et de leur rémunération, est centrale. Pas pour ce gouvernement, pas pour la droite, pas pour la gauche, pas pour la majorité ou l’opposition, elle est centrale.

Comment voulez-vous que nous ayons un système satisfaisant quand si peu d’enfants dans une classe se disent, en regardant leur maître : « j’aimerais un jour être à sa place ». Pardon de poser la question avec une telle franchise, mais elle se pose quand même ! Le maître d’école d’autrefois, —n’ayons pas une nostalgie qui serait déplacée, et sans doute trop facile —, mais dans l’autorité « naturelle » qui était la sienne, il y avait quand même le fait que tant d’enfants dans sa classe se disaient : « la réussite, un jour, cela sera de faire comme lui, d’être moi aussi sur l’estrade et de dispenser un savoir ».

La question est incontournable, elle va bien au-delà de la technique. Et je voudrais, présentant mes vœux aux organisations syndicales, à celles qui sont là comme à celles qui ne sont pas là - ce qui est parfaitement leur droit, d’ailleurs- leur dire qu’il nous revient maintenant de réfléchir autrement. Non plus en termes de quantité, mais en termes de qualité.

J’ai voulu la « masterisation » de la formation des enseignants. Je sais que cela a provoqué débats, polémiques. D’ailleurs, qu’est-ce qui ne provoque pas débats et polémiques ? Mon idée était la suivante, et je remercie Luc CHATEL de l’avoir mis en œuvre : avec une année de formation universitaire en plus, nous pouvions, à la suite de ce qu’a très bien fait Xavier DARCOS, augmenter la rémunération des professeurs.

Je pense, vois-tu Luc, qu’il faut que nous remettions sur le chantier certains éléments de cette formation. Passer des IUFM à l’université, passer d’un niveau licence à un niveau master, ne suffit pas. Il y a notamment toute la question de la formation pratique. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de reconnaître que l’on doit améliorer en permanence notre système. Et je vous le dis, mon souci au fond, c’est de mettre devant nos enfants des professeurs mieux formés, connaissant mieux leurs matières et mieux préparés à l’enseignement d’une classe d’âge, tellement diverse et parfois si difficile.

Avec la question centrale du niveau de rémunération. Il n’y a pas de tabou. Depuis 2007, j’ai veillé, avec les deux ministres de l’Education successifs, Xavier DARCOS et Luc CHATEL, à ce que la rémunération de nos professeurs soient considérablement augmentée : un milliard d’euros de plus par an. Mais c’est le chantier de l’avenir. Le chantier de l’avenir, ce n’est pas celui du nombre, même si ce que je dis n’est pas consensuel. Il faut quand même que vous sachiez une chose : depuis le début des années 90, il y a 600 000 enfants de moins et il y a 45 000 enseignants de plus. La réponse ne peut pas être celle uniquement du niveau des effectifs. La réponse, c’est celle de la qualité de formation et de la qualité de rémunération.

Je porterai ce débat, pour difficile qu’il soit, parce qu’il est central. Tout le monde se passionne pour les programmes, et je voudrais dire combien je soutiens l’initiative remarquable de Luc CHATEL sur l’introduction de la philosophie au lycée. Je souhaite qu’elle se développe, après tout, c’est peut-être notre réponse à ce qu’appelait de ses vœux Edgar MORIN, avec la politique de civilisation.

Mais aussi passionnante que soit la question des programmes et des enseignements, on ne pourra réussir la mission éducative de la France qu’en parlant davantage de la formation des enseignants et de leur rémunération, avec un objectif, l’objectif de l’excellence. La France doit se réconcilier avec l’objectif de l’excellence. L’objectif républicain, c’est celui d’attirer tout le monde vers le haut, ce n’est pas d’abaisser le niveau pour que chacun puisse avoir la moyenne. Ce sont des sujets considérables, et je m’opposerai à toute diminution du niveau. S’il faut que tel ou tel enfant, sujet tabou, mette plus de temps pour arriver au niveau, je préfère qu’il mette plus de temps qu’un autre et qu’il arrive au même niveau d’excellence que les autres, plutôt que de laisser à penser à chacun que ce qu’il compte c’est de passer, de franchir l’épreuve et que pour franchir l’épreuve, on baisse la barre. Non, cela n’est pas la République. La République, elle est dans l’excellence, elle n’est pas dans l’abaissement du niveau."