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Lettre de l’AURDIP et BRICUP à la Chancelière de l’Université de l’Illinois suite à l’annulation d’une position universitaire pour le Dr. Steven Salaita - Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine, 9 août 2014

lundi 11 août 2014

Mise à jour du 15 août : Une pétition de soutien peut être signée ici.

à Ms Phyllis M Wise, Chancellor

University of Illinois at Urbana-Champaign

Madame la Chancelière,

Le British Committee for the Universities of Palestine (BRICUP) et l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP), représentant des universitaires de Grande-Bretagne et de France qui recherchent une solution juste à la crise palestinienne, sont profondément troublés par l’information de Inside Higher Education selon laquelle votre institution, après avoir publiquement confirmé le recrutement du Professeur Steven Salaita comme maître de conférences titulaire (associate professor with tenure) à la suite de l’examen complet usuel, a maintenant annulé sa nomination. Selon cette même information, vous avez pris cette décision en raison de tweets du Professeur Salaita et d’autres déclarations publiques de sa part concernant l’offensive israélienne récente à Gaza.

Si cette information est exacte, votre action reviendrait à licencier un membre titulaire de l’université sans examen ou indication de motifs. Nous sommes particulièrement perturbés par le fait que l’expression protégée par la constitution d’opinions qui n’ont été diffusées ni au nom de l’université, ni à ses frais, puisse avoir servi de motivation au renvoi du Professeur Salaita.

Ayant soigneusement examiné les tweets mentionnés, nous avons été incapables d’y découvrir quoi que ce soit qui excède les limites de discours fermement exprimés et parfois satiriques, ou quoi que ce soit qu’un examinateur raisonnable et impartial pourrait considérer comme injurieux ou raciste. S’il y avait eu des questions à propos de la "civilité" ou de la "collégialité" du Professeur Salaita de nature à pouvoir compromettre son travail comme enseignant ou chercheur, nous imaginons difficilement qu’elles n’auraient pas été soulevées et discutées bien plus tôt dans la procédure de recrutement par le comité qui a vérifié son travail de recherche et son enseignement. Mais ni le "decorum", ni la "civilité", d’évaluation extrêmement subjective dans tous les cas, n’ont d’incidence sur le droit essentiel à la liberté d’expression. Blâmer ou censurer le discours politique restreint sérieusement l’étendue et la nature des expressions et des sujets autorisés à un universitaire participant à la sphère publique.

Le plus alarmant peut-être vient des informations selon lesquelles votre licenciement du Professeur Salaita serait une réponse aux pressions d’individus ou d’organisations opposés à ses points de vue politiques. De plus en plus, aux États-Unis (et en Europe), des individus ou des organisations interviennent dans les questions universitaires, affirmant défendre les sensibilités ethniques ou religieuses des étudiants contre des opinions qu’ils trouvent répréhensibles. Nous considérons ces interventions, qui ont l’effet de paralyser la liberté d’expression, comme des empiètements sérieux sur la liberté de recherche intellectuelle et de discussion qui est fondamentale dans la vie universitaire. Quiconque cherche à limiter la libre et entière expression d’une opinion, ou la représentation de perspectives auquel il ou elle est hostile, foule aux pieds un principe de la vie académique si fondamental que l’université serait sans lui inimaginable.

Si, comme nos informations l’indiquent, votre renvoi du Professeur Salaita est dû à de telles pressions, vous aurez manqué à votre devoir de défendre la liberté académique. Si votre décision était fondée sur le fait que le Professeur Salaita ait exprimé ses opinions dans la sphère publique, ou sur le contenu de ses opinions, vous avez empiété sur ses droits comme membre de la communauté universitaire et sur ceux que lui donne le premier amendement à la constitution américaine. Nous vous exhortons à revenir sans délai sur cette décision péremptoire et à vous excuser publiquement de la peine et de l’anxiété que vous avez causées au Professeur Salaita et à sa famille.

Bien à vous,

Jonathan Rosenhead, Professor Emeritus, London School of Economics, and chair, British Committee for the Universities of Palestine (www.bricup.org.uk)

Ivar Ekeland, président d’honneur de l’Université de Paris-Dauphine et président de l’Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (http://www.aurdip.fr)

A lire sur site de l’AURDIP.