Accueil > Revue de presse > Le Point en pointe contre les universitaires - Blog C’est classe ! de (...)

Le Point en pointe contre les universitaires - Blog C’est classe ! de Véronique Soulé, 24 février 2009

mercredi 25 février 2009

Pour lire l’article sur le blog de V. Soulé.

Les universitaires ont aussi leur honneur. Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point, vient de l’apprendre à ses dépens. Choqué par son édito, Olivier Beaud, juriste en pointe dans la contestation, a décidé d’arrêter net sa collaboration avec l’hebdomadaire (lire sa lettre ouverte à la fin).

Dans sa tribune du 5 février (également reproduite ci-dessous), le patron du Point n’y allait pas avec le dos de la cuillère. Il accusait les universitaires mobilisés d’avoir "chevillée au corps l’idéologie du père Peinard" et d’être "réactionnaires au sens propre du terme". Et de juger leur mouvement "consternant".

En fait, Franz-Olivier Giesbert (FOG) reprenait là les arguments entendus dans les ministères : les universitaires et les chercheurs sont des gens frileux ; l’Etat dépense beaucoup pour eux mais leurs résutlats ne sont pas brillants ; ils ne travaillent pas énormément et se notent les uns les autres ; aussi sont-ils très hostiles à une "vraie évaluation" qui les boosterait et débusquerait les paresseux.

Olivier Beaud, professeur à Paris II-Pantheon-Assas , la première université juridique de France, fait partie de ces juristes prestigieux et discrets qui n’ont pas l’habitude de défiler ou de faire grève. Il s’est cette fois engagé très loin dans le mouvement. Il a notamment signé une analyse fouillée, et qui fait référence, de la réforme initiale - le texte est aujourd’hui « retravaillé », en clair refait - du statut des enseignants-chercheurs.

Le problème est qu’il collabore régulièrement au Point. Il a donc trouvé un peu saumâtre d’y voir publié un tel réquisitoire - "du poujadisme anti-intellectuel" selon lui. D’autant qu’il n’a pu y répondre. Dans un premier temps, FOG avait donné son feu vert à une réponse collective d’O. Beaud et de collègues de Paris II. Mais le texte a été jugé trop long, il fallait couper... Refus des auteurs. Olivier Beaud décide alors de claquer la porte.

PS : suivent le courrier adressé par O. Beaud à F.O. Giesbert et l’édito du Point.

1. La lettre du 20/02/2009

Monsieur,

Dans le Point du 5 février (n° 1899), vous avez publié un éditorial intitulé "l’idéologieu du père Peinard" qui était une attaque en règle contre les universitaires protestant contre les réformes en cours sur le projet de de statut et la "masterisation" des concours.

Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été très choqué par le contenu et le ton de cet aticle qui donnait au grand public une image caricaturale du milieu universitaire et de notre métier. Le mot qui vient à l’esprit pour le caractériser est celui de "poujadisme anti-intellectuel".

C’est pour cette raison que, sollicité par plusieurs de mes collègues de l’université de Paris II, également outrés par votre éditorial, j’ai co-signé une lettre de protestation collective. Vous m’avez fait savoir préalablement à l’envoi de cette lettre que vous étiez d’accord sur l’idée même d’une sorte de droit de réponse. Mais lorque nous vous avons adressé notre texte par courriel, le 12 février 2009, vous avez alore exigé, pour le publier, des coupures tellement substantielles que nous les avons refusées. Nous avons préféré publier intégralement aileurs, ce qui fut fait, le week-end suivant, dans la version électronique du Journal du Dimanche.

Il va de soi que vous pouvez exprimer vote désaccord avec le mouvement de protestation des universitaires. Mais dès lors que vous l’avez fait avec la radicalité des propos tenus dans votre éditorial, il est plus suprenant que vous "censuriez" une réponse qui restait courtoise sur la forme, même si on pouvait la juger ironique. Une telle inégalité est choquante car votre attaque est restée finalement sans réponse dans votre journal. Par ailleurs, il ressort de cet épisode que nos positions sont totalement divergentes sur la question universitaire. Etant de ceux qui sont parmi les plus impliqués dans le combat visant à faire retirer le projet de décret statutaire, je suis contraint d’en tirer les conséquences.

Après avoir mûrement réfléchi, j’ai décidé de cesser désormais toute collaoration avec le journal que vous dirigez. Je ne rédigerai donc plus les billets sur le droit constitutionnel que Mme Pierre-Brossolette publiait dans la rubrique "France". Croyez bien que je regrette profondément cette décision. J’avais, jusqu’à présent, bénéficié d’une totale liberté dans cette chronique et beaucoup apprécié la faculté qui m’était offerte d’exposer au public, de façon didactique, des questions constitutionnelles d’actualité.

Sachez bien, enfin qu’on ne peut pas à la fois solliciter les universitaires comme experts, quand on a besoin de leurs lumières, et les vilipender comme des fonctionnaires fainéants et épris de conservatisme dès qu’ils s’opposent à des réformes qui abaissent leur statut et portent atteinte à leur identité professionnelle.

Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs

Olivier Beaud

2. l’édito du Point du 05/02/2009

L’idéologie du père peinard

Dans quelle décennie du siècle dernier sommes-nous retombés ? La France est toujours telle qu’en elle-même l’éternité la fige : cabocharde et conservatrice.

Le conservatisme français se pare le plus souvent d’oripeaux prétendument révolutionnaires et prend une posture de gauche pour refuser les réformes qui pourraient troubler son confort.
C’est ce qui se passe aujourd’hui avec le consternant mouvement contre le décret de Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur, changeant le statut des enseignants-chercheurs. Pensez ! Ils risqueraient d’être soumis à une véritable évaluation et, pis encore, à une concurrence entre les universités.

D’où l’appel à la grève illimitée d’enseignants ou de chercheurs qui, derrière leur logomachie pseudo-révolutionnaire, ont souvent, chevillée au corps, l’idéologie du père Peinard. La France est un des pays d’Europe qui dépense le plus pour son système éducatif, avec les résultats que l’on sait. Il faut que ce fiasco continue, et tant pis pour nos enfants, qui, inconscients des enjeux, se feront de toute façon embringuer par des universitaires, réactionnaires au sens propre du mot.

Ce que démontre ce navrant épisode, c’est que les réformes de ce genre passeraient peut-être mieux si elles venaient de la gauche. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’il y ait une gauche, une vraie, capable de penser l’avenir du pays.

En attendant, s’il veut pouvoir remettre les pendules à l’heure à tous les étages de la société française, le pouvoir serait bien inspiré de s’en prendre aussi à la poignée de goinfres, anciens demi-dieux de la finance, qui, après avoir grugé tout le monde, sont repartis les poches pleines. Ne pourrait-on pas les leur faire un peu ?

Franz-Olivier Giesbert