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"Les étudiants en ordre dispersé derrière les enseignants-chercheurs", Le Monde, 26 février 2009

jeudi 26 février 2009

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C’est l’un des enjeux de la mobilisation des enseignants-chercheurs contre la réforme de leur statut : les étudiants se mobiliseront-ils assez pour accentuer le rapport de force en leur faveur ? Alors que Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a proposé une rencontre aux syndicats et aux présidents d’universités, vendredi 27 février, pour rediscuter des orientations du décret, les manifestations prévues jeudi donneront la mesure de l’engagement étudiant. Pour l’heure la mobilisation apparaît très variable d’une université à l’autre. Aperçu de la situation sur quelques campus.

A Lyon, les vacances n’ont pas entamé la détermination des étudiants. A renforts de tracts et de banderoles, des assemblées générales se tiennent depuis la rentrée, lundi 23 février. La poursuite de la grève a été votée à Lyon-I et Lyon-II ; à Sciences Po, les cours ont été bloqués mardi 24 février ; à Lyon-III, d’ordinaire plus frileuse, la grogne a aussi gagné les bancs des amphis. "On observe une dynamique commune avec des taux de participation rarement atteints lors d’"AG" : 600 à Lyon-I ou entre 300 et 400 à Lyon-III, c’est du jamais vu", souligne Juliette Garnier, présidente de l’UNEF à Lyon. "Le mouvement doit se structurer pour qu’un regroupement d’étudiants des universités lyonnaises s’opère", précise Jules Legendre, étudiant en histoire à Lyon-II.

A Toulouse, l’université scientifique Paul-Sabatier est à la pointe de la mobilisation. Après des barrages filtrants mardi matin, auxquels quelques étudiants ont participé au côté des enseignants-chercheurs, des assemblées générales séparées se sont tenues.

Celle des étudiants s’est transformée en mini manifestation lors de l’inauguration d’une cité universitaire voisine. "Nous avons apostrophé le recteur sur la situation sociale catastrophique d’un étudiant sur cinq", raconte Romain. Ce militant de Sud-Etudiants, bien implanté à Toulouse, évoque une "mobilisation naissante", encore en retrait derrière celle des enseignants.

Le fossé est encore plus sensible à l’université Toulouse-Mirail. Sur ce campus, longtemps réputé le plus politisé de la ville, les enseignants ont créé la surprise en votant la grève avant les étudiants.

Les organisations étudiantes, divisées, peinent à décider de la conduite à tenir et à établir des revendications spécifiques. A l’université des Sciences sociales, seul un petit noyau d’enseignants de l’Institut d’études politiques a organisé des actions de protestation, comme la retenue des notes d’examen. Une action peu populaire chez les étudiants. "Les profs nous demandent de les soutenir, mais ils n’étaient pas avec nous l’an dernier quand on faisait grève contre la hausse des frais d’inscription", explique un petit groupe de 2e année devant la cafétéria. Les syndicats étudiants organiseront une "AG" jeudi, quelques heures avant la manifestation.

A Paris, les étudiants du site Tolbiac de Paris-I, habituellement très réactifs, paraissaient bien calmes en début de semaine. Lundi, la conférence organisée dans le cadre de "grève active" des enseignants ne rassemblait qu’une quarantaine d’étudiants dans un amphi de quatre cents places. Elle était pourtant consacrée à "La condition étudiante : hier, aujourd’hui et demain".

De fait, a reconnu Christophe Charle, le professeur d’histoire qui l’animait, "le décret sur les enseignants-chercheurs, ça les touche lointainement. Il y a un décalage entre leurs attentes et cette crise qui ne les touche pas au premier chef." Il ne faut pas se fier aux apparences, nuance Vincent Bordenave, pour l’UNEF : "Les étudiants viennent aux manifestations ! Jeudi dernier, ils étaient 3 000 dans le cortège."

A Nantes, une assemblée générale de 2 000 étudiants s’est tenue lundi et a reconduit le blocus de l’université pour la quatrième semaine. Dès le début février, les étudiants ont emboîté le pas aux enseignants-chercheurs, se coordonnant rapidement et multipliant les actions. Mardi matin, 200 étudiants se sont rendus au Medef pour y animer une conférence. Ils ont trouvé portes closes. Ils y sont retournés l’après-midi à 500 et ont été accueillis par un cordon de policiers. Ils ont ensuite bloqué les "trams" et pénétré dans les lycées en entraînant des élèves dans leur mouvement.

A Nancy-II, les actions étaient encore disparates avant la manifestation de jeudi : occupation nocturne "super cool" de l’établissement, manifestation silencieuse devant la gare, opération restau U gratuit.

Mais la mayonnaise prend petit à petit. Le spectre de "frais d’inscription à 3 000 euros", qui ne fait pourtant pas partie des projets du gouvernement, est brandi par un étudiant qui invitait hier ses camarades à s’approprier le mouvement. Un autre argument fait flores chez les étudiants qui demandent l’abrogation de la loi sur l’autonomie : ils dénoncent l’inégalité grandissante entre les universités.

Benoît Floc’h, Arnaud Guiguitant (à Lyon), Monique Raux (à Nancy), Frédéric Testu (à Nantes) et Stéphane Thepot (à Toulouse)