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Faut-il avoir peur de la CPU ? (communiqué du bureau de la CPU, 3 février 2009)
mercredi 4 février 2009, par
Les réactions au projet de modification du décret du 6 juin 1984 sur le statut des enseignants-chercheurs invitent à lire attentivement ce projet et les argumentaires en faveur de son retrait : défense du statut national des enseignants-chercheurs pour les uns, refus d’une déconcentration vers les universités des avancements pour d’autres, refus de l’évaluation ou de la modulation des services. Néanmoins, tous ces argumentaires ont en commun la crainte des présidents d’université (et parfois des conseils d’administration). Les notions de « toute puissance », d’« arbitraire » ou d’ « absence de contre-pouvoir » sont régulièrement évoquées. Sont-ils donc devenus si puissants ces présidents d’université depuis la Loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) ? Le président est pourtant un enseignant-chercheur, chercheur ou assimilé, élu par les membres élus du conseil d’administration (eux-mêmes élus par l’ensemble de la communauté universitaire), et non nommé par le Ministre ou le Président de la République comme le sont les directeurs des Ecoles, petites et grandes, ou des organismes de recherche. Certes, l’infaillibilité « présidentielle » n’existe pas, mais pourquoi le président d’université deviendrait-il forcément irresponsable, une fois élu ?
Depuis la Loi LRU, aucune affectation dans une université ne peut être prononcée si le président émet un avis défavorable motivé. Mais ce droit qualifié parfois de « veto » existait déjà dans les universités pour les directeurs d’instituts ou d’écoles internes, sans que personne n’y ait jamais rien trouvé à redire. Bien au contraire et nombreux sont les personnels et les étudiants qui considèrent qu’au sein des universités, le mode de gestion de ces instituts et de ces écoles, ainsi que leur conseil, sont un modèle à suivre.
La Conférence des Présidents d’Université demande depuis longtemps que le décret de 1984 soit modifié pour le mettre en conformité avec la réalité du métier d’enseignant-chercheur au début du 21ème siècle. Que soit prise en compte la globalité des missions, y compris l’encadrement des stages et les enseignements assurés à distance, pour l’accompagnement pédagogique des étudiants en situation de handicap, des étudiants salariés ou en cours de VAE. Que puisse être pris en compte officiellement l’engagement dans les relations internationales, dans les relations avec les entreprises, dans l’animation et la gestion pédagogique des filières de formation. La modification du décret de 1984 est également nécessaire pour que les modulations de services déjà pratiquées dans un grand nombre d’universités entrent, enfin, dans un cadre réglementaire. Ces modulations indispensables permettront de régulariser de nombreuses pratiques et situations que les évolutions du métier d’enseignant-chercheur ont rendues inévitables, et que les textes statutaires ne reconnaissent pourtant pas encore. D’où viennent donc les craintes sinon de la peur de voir imposer arbitrairement une augmentation du service d’enseignement, comme s’il s’agissait de la seule activité de l’enseignant-chercheur. Or le projet de texte actuel, loin de renforcer le pouvoir du président et du conseil d’administration, l’encadre en fixant un minimum de service (42h de cours magistral), l’impossibilité d’attribuer un service supérieur au service statutaire si « les activités d’un enseignant-chercheur sont favorablement évalués par le CNU » (donc par les pairs) et « la possibilité pour un enseignant-chercheur de demander un nouvel examen » du service proposé auprès du conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) et du conseil scientifique (CS). Où est donc le pouvoir exorbitant du président de l’université, avec tant de garanties et de recours ?
En raison des différences entre disciplines, la CPU s’est engagée à établir une charte des meilleures pratiques, en concertation avec les représentants des grands domaines de formation et de recherche (notamment les conférences de doyens et directeurs) et avec la Conférence Permanente du CNU, pour s’assurer que la modulation des services permettra effectivement de prendre en compte la diversité des tâches, qu’elles seront effectivement toutes évaluées, et que les équilibres entre ces différents types d’activité seront appréciés à l’intérieur du cadre général des 1607h annuels de la Fonction Publique, et pas exclusivement exprimés par une variation du nombre d’heures d’enseignement. Où sont donc les abus redoutés dans l’exercice de la fonction de président ?
Les présidents d’université ont constaté que plusieurs des mesures contenues dans le projet de modification du décret de 84 entraîneront des charges supplémentaires pour les établissements, notamment l’équivalence entre les travaux pratiques et les travaux dirigés. Ces charges nouvelles, associées aux actuelles suppressions et aux redéploiements d’emplois constituent un contexte problématique pour la mise en œuvre de la modulation des services, contexte qui incite à la prudence, car cette dernière ne doit pas être appliquée dans une perspective de gestion comptable. La CPU a donc rappelé avec insistance que ces nouvelles charges doivent être spécifiquement financées et que ces suppressions ne doivent pas se renouveler. Ces positions sont-elles cohérentes avec l’accusation de toute puissance des présidents ?
Quant aux avancements des maitres de conférences et des professeurs, actuellement la moitié relève d’un contingent national sous la responsabilité du Conseil National des Universités et l’autre moitié correspond à un contingent local, sous la seule responsabilité de l’université et sans motivation écrite. Or, que propose le décret, sinon mieux encadrer le « pouvoir » de l’exécutif ? Si la totalité des avancements sera in fine confiée à l’université, cette dernière devra en effet motiver ses propositions et pour au moins la moitié respecter la liste des classements publiés par le CNU. Une instance nationale de réexamen des situations est en outre prévue pour ceux qui n’auront pas été promus localement après avoir été à deux reprises classés nationalement. Le président et le conseil d’administration seront-ils donc si puissants ?
Les présidents pensent que le niveau local (équipes pédagogiques et de recherche en tout premier lieu) est le bon niveau d’appréciation de la façon dont un universitaire accomplit aujourd’hui son service, dans le contexte spécifique de son université, et que cela n’est nullement incompatible avec un statut national et une instance nationale d’évaluation. Les présidents d’université sont d’abord des universitaires soucieux de l’indépendance de l’université et des universitaires, mais aussi soucieux de permettre à tous d’exercer leur métier avec la liberté indispensable à la transmission des savoirs et à la production des connaissances. Ils n’ignorent pas qu’ils reviendront de manière plus intensive à l’enseignement et à la recherche à l’issue de leur mandat de quatre ans (renouvelable une fois) et n’ont aucun désir, pas plus qu’aucun de leurs collègues, que leur propre liberté d’enseigner et de chercher soit encadrée de façon arbitraire.
Le Bureau de la Conférence des Présidents d’Université :
Lionel COLLET, Président
Simone BONNAFOUS, Vice-présidente
Jacques FONTANILLE, Vice-président