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"Tensions de plus en plus vives dans les universités", par Sylvestre Huet, Libéblogs, Sciences², 13 mars 2009
vendredi 13 mars 2009, par
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Un vent mauvais souffle sur l’université. Semi-reculs, atermoiements, provocations (lire ici le mensonge de Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée)... le gouvernement joue le pourrissement de la contestation dans les universités et les laboratoires.
La recherche de formes plus visibles de contestation, susceptibles d’interesser les médias, se traduit par des opérations délicates à gérer, comme le Printemps des chaises - blocages temporaires des établissements, ou les votes de blocage comme à Rennes.
Si la plupart des contestataires persistent avec intelligence à user de la persuasion, de l’humour, du cours public (ici à Rennes), de la lecture marathon (après la Princesse de Clèves, c’est le tour de Rabelais et Gargantua), de la mise en évidence de leur rôle indispensable (la démission de directeurs d’UFR à Aix-Marseille)... d’autres se lancent dans des actions moins pertinentes. A Toulouse le Mirail, à Montpellier-III, des actes de saccage ont eu lieu, permettant à Valérie Pécresse de les « condamner ». De son côté, la police utilise souvent des moyens disproportionnés alors que la presque totalité des manifestations sont d’un calme remarquable (ici démonstration par la vidéo à Strasbourg). On ne peut, à cet égard, que renvoyer à la leçon de lutte donnée par Bernard Thibaut (secrétaire général de la CGT) qui rappelle qu’un gouvernement à toujours plus peur d’une mobilisation de masse que d’une frange hypermobilisée.
Les acteurs de cette contestation se trouvent devant des difficultés d’appréciations et de décisions alors que le mouvement de protestation contre la politique de Valérie Pécresse et de Xavier Darcos va entamer sa sixième semaine. Confrontés à un gouvernement dur, déterminé à mettre en oeuvre une stratégie de « rupture » à la suite de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la république, les contestataires de cette politique ont d’abord encaissé de lourdes défaites avec la mise en oeuvre des lois LRU et Pacte pour la Recherche, la mise en place des structures nouvelles (Agence nationale de la recherche, AERES) et le projet de transformation des organismes de recherche en agences de financement, comme l’a une nouvelle fois déclaré Nicolas Sarkozy dans son discours du 22 janvier.
Devant les premières difficultés politiques rencontrées par le gouvernement, la chute de popularité du Président de la République et l’engagement de nouvelles réformes susceptibles d’élargir la base de leurs constestations (le statut des universitaires et la formation des enseignants en étant les plus forts exemples, mais le problème du financement des IUT montre à quel point la LRU a été réalisée dans l’urgence), les opposants ont pensé qu’ils devaient et pouvaient relever le défi de l’épreuve de force. A cet égard, l’analyse de Jean-Louis Fournel, exposée le 2 février, jour du début de la grève, est toujours valable.
La situation devient délicate... pour tout le monde. Les universitaires et les scientifiques qui se sont lancé dans l’action peuvent tirer un bilan très mitigé de leurs résultats. Certes, le prix politique à payer par le gouvernement est d’ores et déjà élevé. Les élections européennes devraient en porter la marque, même si d’autres facteurs seront encore plus lourds (la crise économique, la contestation des salariés). Les reculs partiels engrangés - statut des universitaires, formations des enseignants, pas de nouvelle supressions d’emplois dans les universités en 2010 et 2011 si le gouvernement futur tient la promesse de Fillon - ne sont pas rien. Mais ils demeurent faibles devant les objectifs, certes ambitieux, des manifestants et grévistes : une véritable inflexion de la politique gouvernementale, en termes d’emplois pour l’université et la recherche, d’arrêt de la transformation des organismes de recherche, de révision de la loi LRU, de formation des enseignants, de statut des doctorants (une A-G de doctorants et précaires se tient lel 20 mars à Paris-8), le financement des IUT...
Dès lors, que faire ? Pour l’instant, le niveau de mobilisation des enseignants-chercheurs demeure très élevé, comme le reconnaissent de nombreux observateurs. Une durée dans l’action rendue possible par une grève « rusée ». Si de nombreux cours de premier cycles ont été annulés, les universitaires ont sauvegardé la plupart des enseignements de maîtrise et doctorats, assuré la préparation des concours, corrigé les copies (même s’ils font de la rétention des notes), et participent en quelque sorte à tour de rôle aux manifestations si j’en crois ce que je vois à Paris. Mais tout cela à des limites. Et ce mouvement n’a toujours pas obtenu son but principal : une négociation d’ensemble, sur tous les sujets et avec suffisamment de « grain à moudre » pour permettre aux principaux acteurs de se mettre autour de la table.
Les acteurs principaux de la contestation espèrent maintenant faire la jonction avec la grande journée d’action syndicale du 19 mars. Les personnels des organismes de recherche ont lancé plusieurs initiatives d’actions. Demain, une réunion de directeurs de laboratoires devrait montrer que la protestation contre la refonte du système de recherche recrute très largement chez les piliers de ce système, toute convictions politiques confondues.
Une coordination nationale étudiante se tient ce week-end à Lyon.