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Les universités en Europe ne sont pas suffisamment autonomes, révèle un nouveau rapport de l’EUA - communiqué de la CPU, 30 novembre 2009

lundi 30 novembre 2009, par M. Homais

Ce communiqué est sur le site de la CPU. La totalité du rapport se trouve en document joint.

Une nouvelle étude (publiée aujourd’hui – 30 novembre) analysant et comparant l’autonomie et la gouvernance des universités de 33 pays européens révèle que ces établissements ne sont toujours pas réellement autonomes.

Alors que de nombreux gouvernements, le secteur de l’enseignement supérieur et la Commission européenne reconnaissent qu’une autonomie accrue pour les universités est une étape essentielle vers la modernisation du secteur au 21e siècle, le nouveau rapport publié par l’Association Européenne de l’Université (EUA) montre qu’en pratique, les autorités publiques jouent toujours un rôle central dans la réglementation des systèmes universitaires, et, dans de nombreux pays, conservent un contrôle direct sur le secteur.
Malgré le passage à un système de pilotage « à distance » dans un certain nombre de pays en Europe, les universités ne bénéficient souvent pas de réelle autonomie dans des domaines essentiels, et en particulier en termes de gestion financière. Alors que les fonds publics dédiés à l’enseignement tendent à stagner partout en Europe, et que les universités sont appelées à explorer de nouvelles voies de financement, l’EUA est convaincue que ce manque d’autonomie est une réelle menace pour la viabilité et le développement des quelques 5 000 universités d’Europe.

L’étude menée par l’EUA passe en revue plus de 30 indicateurs différents répartis en quatre domaines clés : autonomie organisationnelle (par exemple, structures académiques et administratives, présidence, gouvernance), autonomie académique (définition et structures des programmes, nombre et sélection des étudiants), autonomie financière (capacité de lever des fonds, de posséder de l’immobilier, de contracter des prêts), autonomie dans la gestion des ressources humaines (capacité de recruter des personnels enseignants et non-enseignants).

Les conclusions de l’étude incluent, entre autres, les éléments suivants :

- Flexibilité dans l’utilisation des financements publics : dans la majorité des systèmes universitaires étudiés (26), les financements publics sont accordés sous forme de subventions globales de plus en plus basées au moins en partie sur les critères de performance. Dans certains pays, cependant, dont la Bulgarie, la Turquie, la Lettonie, la Lituanie et certains états fédérés d’Allemagne, les universités sont toujours confrontées à des budgets extrêmement détaillés ne laissant aucune marge de manœuvre et empêchant tout transfert de fonds entre les différentes activités des établissements. Souvent, l’obtention de subventions globales ne garantit pas une totale liberté dans l’utilisation et la répartition des fonds, les transferts pouvant être limités ou impossibles entre différents domaines d’activité.
- Les universités ne sont autorisées à posséder légalement les biens immobiliers qu’ils occupent que dans la moitié des systèmes couverts par l’étude. Cela ne signifie pas pour autant que les universités qui sont propriétaires de leurs installations peuvent les vendre sans l’autorisation du ministère. La majorité des systèmes (22) autorisent les universités à contracter des emprunts, tout en imposant des limites en termes de montants ou de procédures d’autorisation, notamment en Europe du nord. Moins d’un tiers des pays étudiés (11) permettent à leurs universités d’investir en valeurs mobilières.
- Dans certains pays, le secteur de l’enseignement supérieur connaît une plus grande flexibilité dans la gestion des ressources humaines ; les personnels sont de plus en plus payés et employés directement par les universités elles-mêmes et non plus par les autorités publiques. Pourtant, les universités ont clairement moins d’autonomie dans la gestion des coûts salariaux individuels. La plus grande partie des systèmes ont signalé pendant l’étude de nombreuses restrictions, incluant la prescription de fourchettes salariales ou la possibilité de déterminer les salaires uniquement pour certaines catégories de personnels. Enfin, dans environ la moitié des pays étudiés, l’ensemble ou la majorité des personnels ont un statut de fonctionnaire, ce qui est une forme d’emploi moins flexible.
- Gouvernance : dans la majorité des cas (29), la loi stipule quelle doit être la structure des organes décisionnels de l’université, celle-ci étant impliquée à divers degrés dans les décisions concernant le nombre et la qualité de leurs membres. Les membres dits « externes » (non issus de l’université) sont de plus en plus associés aux structures de gouvernance des universités. Leur sélection est contrôlée soit par l’université, soit par les autorités publiques ; il existe dans certains pays une procédure mixte. Ces membres externes sont associés à divers degrés à la gouvernance de l’université – ils peuvent être pleinement intégrés aux décisions stratégiques comme simplement cantonnés à un rôle purement consultatif.
- Direction de l’université : les modalités en sont généralement définies, ou fortement encadrées, par la loi. Le mandat du président de l’université (également appelé recteur ou chancelier) est stipulé par la loi dans deux tiers des pays couverts par l’étude (24). Un même nombre de pays définit dans la loi les qualifications requises à l’exercice de cette fonction. L’émergence, dans certains pays d’Europe de l’ouest, de « président-manager » s’accompagne d’une plus grande autonomie en termes de management et conception de la gouvernance de l’université.

Thomas Estermann, auteur du rapport, précise : « Ce rapport souligne l’inadéquation entre l’accord général qui existe entre les parties prenantes autour de l’importance de l’autonomie pour les universités, et la mise en place, dans la pratique, de celle-ci. Si les universités ne sont pas libres d’agir dans l’intérêt de leurs étudiants et de leurs personnels, particulièrement en ce qui concerne les questions de gestion financière, alors les autres « dimensions » de l’autonomie ne sont que théoriques. »

Ce rapport de l’EUA formera la base d’un nouveau projet d’une durée de deux ans visant à développer un « tableau de bord » permettant d’évaluer l’autonomie des universités (au niveau national) en Europe (« Autonomy Scorecard »). Ce tableau de bord sera un outil majeur tant au niveau national qu’au niveau institutionnel, qui servira de référence aux gouvernements souhaitant évaluer les progrès de leurs réformes par rapport aux autres systèmes, permettant également aux universités de prendre conscience des écarts qui existent en Europe. Le lancement de l’ « Autonomy Scorecard » aura lieu à la fin du projet en 2011.