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Lettre de la CPU n° 44 - 6 mai 2010
vendredi 7 mai 2010, par
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La jeunesse : un vrai « investissement d’avenir »
Au moment où la nation décide que l’enseignement supérieur et la recherche sont ses investissements d’avenir prioritaires, il est pour le moins paradoxal que le Sénat vote une proposition de loi instaurant une exception à la gratification des stages de plus de deux mois effectués par les étudiants en travail social, après celle qu’on déjà connue les étudiants en formation d’auxiliaires médicaux.
Le principe d’une gratification généralisée – qui, rappelons le, est très loin d’une rémunération – a été adopté et soutenu par plusieurs ministres de l’actuel gouvernement, après des mois de travail et de concertation d’un comité réunissant les étudiants, les employeurs et le monde académique.
Revenir sur cette décision au lieu de trouver les moyens de la rendre exécutoire est un très mauvais signe envoyé à la jeunesse de notre pays. La France a la chance d’être un des pays développés où le taux de fécondité est le plus élevé et tout se passe pourtant comme si on ne se résolvait pas à investir dans ce formidable capital d’avenir.
Education conçue comme une course d’obstacles vers les filières sélectives, répartition dans les établissements d’enseignement reproduisant très fortement les inégalités sociales, insuffisance des logements et des bourses étudiantes, entrée dans le monde du travail marquée par l’accumulation des stages et des CDD mal payés : rien n’est fait pour donner à notre jeunesse l’optimisme dont elle a besoin pour construire le futur et innover.
La Conférence des présidents d’université représente ceux qui ont pour mission de former l’avenir du pays. Et à ce titre là elle ne peut que se désolidariser des tentatives pour remettre en question des acquis comme la rémunération des stages étudiants ou l’apprentissage sous statut de salarié (cf. lettre n° 36 du 18 février 2010).
Il ne sert à rien de distribuer 17 bourses à des étudiants méritants d’origine étrangère, si par ailleurs la condition étudiante se dégrade.
La gratification des stages de plus de deux mois doit être appliquée, dans le privé comme dans le public, dans les administrations (ministères, universités, collectivités) comme dans les entreprises.
La valorisation du service civique dans les cursus universitaires
Martin Hirsch, ancien Haut Commissaire à la Jeunesse, a été chargé par le Premier Ministre de mettre en placel’Agence de service civique prévu par la loi du 10 mars 2010, puis d’en présider le Conseil d’Administration.
Rappelons que le service civique permet à tous ceux qui le souhaitent de s’engager pour une durée déterminée dans une mission au service de la collectivité et de l’intérêt général. Plus particulièrement, le service civique s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans.
En 2010, 10 000 jeunes devraient être concernés par le service civique. D’ici à 5 ans, ce temps d’engagement aurait vocation à mobiliser 75 000 jeunes.
Les universités sont concernées par le service civique à plusieurs titres :
ce sont « des établissements dispensant des formations sanctionnées par un diplôme », comme mentionné dans la loi,
ce sont des établissements publics susceptibles de pouvoir accueillir des jeunes en service civique.
Les commissions Vie étudiante et Pédagogie de la CPU se sont ainsi réunies à plusieurs reprises en avril et en mai afin de se prononcer sur l’applicabilité de ces mesures dans les universités et faire émerger les différents questions et points à résoudre pour les rendre effectives.
Les conditions de la « valorisation » devront être précisées dans un décret
Le diplôme permettant « la valorisation » sera-t-il un diplôme national et/ou un diplôme d’université ? S’agit-il de validation ou de valorisation ? En effet ces deux termes engendrent des conséquences très différentes et la validation d’activités exercées à titre bénévole fait déjà l’objet de textes spécifiques (VAE). Dans ce futur décret il sera donc important d’être clair et précis sur les objectifs et les termes employés.
La prise en compte par l’université des activités exercées dans le cadre du service civique relance des débats qui ont déjà eu lieu lorsqu’il s’est agi de valoriser l’engagement étudiant dans les cursus. Les universités ont ainsi souvent opté pour un « encadrement a priori de la validation ». Ceci suppose que l’université soit impliquée avant le commencement du service civique.
Ainsi, pour que le service civique puisse donner lieu à « reconnaissance » dans un cursus existant, plusieurs conditions semblent devoir être remplies :
L’étudiant doit être inscrit dans la préparation d’un diplôme.
Le projet susceptible de donner lieu à validation doit être approuvé par un enseignant (ou mieux l’équipe pédagogique) responsable de la formation.
L’étudiant doit être suivi par un enseignant, tout au long de son projet.
Les conditions de la validation doivent être définies au préalable, de même que la nature exacte du travail ou rapport qui sera demandé à l’étudiant à l’issue de son service civique…
Or, actuellement le service civique est déjà entré en application sans que toutes ces questions aient été appréhendées.
D’autres questions plus générales ont été soulevées par les commissions de la CPU sur le service civique et sa validation
Parmi les prévisions de 10 000 jeunes en service civique escomptés en 2010 et 75 000 en 2015 : combien sont supposés relever de l’enseignement supérieur ? Y aura-il un niveau exigé au départ ?
Quelle situation juridique et quel cumul possible des indemnités de service civique et des bourses ? Sachant que le service civique est indemnisé au minimum 540€ par mois.
Si le bénéficiaire du service civique est étudiant avant son entrée dans le service civique, quel sera son statut pendant le service civique ? Bénéficiera-t-il d’une suspension de ses cours ? Continuera-t-il à être étudiant ?
Si le service civique dure six mois, quid des autres six mois ? Si le service civique est de 24h/semaine, quid du reste des heures de la semaine ?
Pour ne pas défavoriser les bénéficiaires du service civique, il sera important d’appliquer effectivement les règles en matière d’aménagement des cursus, de dispenses d’assiduité ou autres règles très développées dans d’autres pays de l’espace européen et qui sont destinées à encourager les allers et retours entre travail et université, voire les temps partiels.
Il ne doit pas y avoir de concurrence entre le service civique et les stages, voire le salariat étudiant. Les montants des indemnités et gratifications étant différents, le risque peut exister.
De même, les activités exercées à titre de bénévolat ne doivent pas priver d’emploi les étudiants et les salariés. Or, certains types d’activité proposés aux bénévoles sont très proches de ceux qui peuvent être accomplis par des salariés (jeunes diplômés notamment).
Les étudiants qui effectuent un service civique ne doivent pas être considérés comme étant en situation d’échec. Que les jeunes soient étudiants ou non, il est important qu’ils ne soient pas comptabilisés dans les chiffres remontant au ministère comme étant en situation d’échec.
L’université doit aussi être envisagée comme un lieu d’accueil du jeune en service civique. Un décret précisant les conditions d’agrément des organismes est annoncé. Il est important de suivre la rédaction de ce texte.
La CPU, soucieuse d’apporter des réponses à ces questions afin d’encourager cette initiative tout en garantissant le respect de la formation des étudiants, soutient la candidature de Francis Godard, président de l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et vice-président de la Commission Pédagogie de la CPU, au Conseil d’Administration de la nouvelle Agence de service civique présidée par Martin Hirsch.