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Recrutement PR Littérature XVIe siècle à l’Université de Strasbourg : Indignation du comité de sélection, 8 juin 2012
mardi 19 juin 2012
Le 8 juin, le comité de sélection chargé d’élire un professeur en littérature du XVIe siècle à l’université de Strasbourg lançait une pétition pour protester contre la décision du CA de ne pas transmettre son choix au ministère.
Le président de l’université Alain Beretz répond : lire son point de vue ci-dessous.
Lettre signée par les membres du comité de sélection : PR XVIe à l’université de Strasbourg
Pour signer la pétition
Nous, membres du comité de sélection chargé d’élire un professeur de littérature du XVIe siècle (Poste 09 PR 4022) à l’université de Strasbourg, avons appris avec indignation que le CA restreint de l’université réuni le 31 mai 2012 a décidé de ne pas transmettre au ministère le choix proposé par le comité de sélection. Le poste avait été publié et donné lieu à un concours qui s’est déroulé dans les règles. Il relevait de l’article 46-3 qui réserve le concours sur emplois ouverts par l’établissement aux Maîtres de Conférences titulaires de l’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) ayant accompli au moins dix années de service dans un établissement d’enseignement supérieur (art. 46-3 du décret du 6 juin 1984 [modifié par décret du 23 avril 2009]). Le candidat classé premier remplit ces conditions. La non-transmission des résultats équivaut de facto à la suppression du poste.
Faut-il rappeler ici l’importance de cette chaire de XVIe siècle, la place essentielle de Strasbourg dans le monde de l’imprimerie, de l’humanisme et de la Réforme, la richesse des fonds des bibliothèques locales, l’importance qu’il y a à continuer à faire rayonner par les études universitaires ce centre culturel éminent à la Renaissance ?
Nous dénonçons avec la plus grande vigueur ce procédé scandaleux qui crée un grave préjudice aux candidats et à l’université tout entière et demandons l’annulation de cette décision.
le 8 juin 2012,
Alain CULLIERE, Professeur de Littérature française du XVIe siècle, Université de Lorraine
Nathalie DAUVOIS, Professeur de Littérature française du XVIe siècle, Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III
Guy DUCREY, Professeur de Littérature comparée, Université de Strasbourg
Romuald FONKOUA, Professeur de Littérature française et francophone, Université de Strasbourg
Béatrice GUION, Professeur de Littérature française du XVIIe siècle, Université de Strasbourg
Caroline JACOT-GRAPA, Professeur de Littérature française du XVIIIe siècle, Université Charles de Gaulle - Lille III
Muriel OTT, Professeur de Littérature française du Moyen Âge, Université de Strasbourg
Éléonore REVERZY, Professeur de Littérature française du XIXe siècle, Université de Strasbourg
Peter SCHNYDER, Professeur de littérature française du XXe siècle, Université de Haute Alsace, Mulhouse
Anne-Elisabeth SPICA, Professeur de Littérature française du XVIIe siècle, Université de Lorraine
Voir la liste des signataires en pièce jointe.
Réponse au communiqué du SNESUP-FSU de l’Université de Strasbourg du 9 juin 2012 par Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg
Le communiqué du Snesup et celui de Sud sont à lire ici
Le comité de sélection a été chargé d’examiner un emploi de professeur, régi par l’article 46.3. Il convient de rappeler la singularité de ce type de recrutement qui ne se fait jamais sans qu’il soit l’objet d’une demande explicite d’une composante de l’université. Si le législateur, à côté de la voie traditionnelle (article 46.1), a mis en place des recrutements régis par des articles particuliers, c’est bien pour répondre à des objectifs précis.
À la mise en place de l’Université de Strasbourg, on s’est aperçu que dans certains secteurs, en particulier dans les sciences humaines et sociales, le nombre de maitres de conférences ayant soutenu une HDR était faible. Un effort important de motivation a été entrepris, la perspective ainsi ouverte de pouvoir accéder au grade de professeur a été, et demeure, sans nul doute une perspective motivante pour certains collègues maîtres de conférence. C’est dans cet esprit que des concours "46.3" ont été ouverts.
Rappelons aussi que les postes d’enseignants-chercheurs, quant à leur intitulé et leur nature, font l’objet d’une réflexion dans le cadre du dialogue de gestion. C’est à cette occasion que chaque directeur de composante émet des souhaits et que les propositions sont étudiées. Si donc une démarche telle qu’une demande de 46.3 est initiée, elle est le résultat d’un accord entre présidence et composante. C’est lors du dialogue de gestion que l’opportunité de recourir à un tel type de concours de recrutement est soit proposée par la présidence, soit demandé par la composante. Non sans que l’Université ait précisé bien concrètement les modalités et l’esprit qui président à un tel concours. Ici, comme dans tous les cas, nous n’avons jamais accepté la demande d’un 46.3 ou proposé d’y recourir sans avoir mis en avant l’argument qui seul vaut à nos yeux, à savoir la politique de l’établissement en faveur de nos maîtres de conférences habilités.
Dans le cas qui nous occupe, la publication de poste sous le régime de l’article 46.3 faisait donc suite à la demande de la composante qui, bien que tous ses besoins d’enseignement en littérature du xviè siècle soient actuellement satisfaits, n’a pas de professeur en titre dans ce domaine. Par ailleurs, la Faculté des Lettres pouvait faire état d’au moins un maître de conférence qualifié par le CNU aux fonctions de professeur des universités remplissant toutes les conditions pour être candidat sous cet article. C’est bien dans ce cadre que la demande, exprimée par le doyen de la Faculté des Lettres, discutée notamment en conseil de faculté, a été formalisée, puis acceptée par le CA de l’UdS en décembre 2011. Ce type de recrutement ne vise donc pas à créer un poste d’enseignant supplémentaire dans la discipline, mais bien à la renforcer en permettant la promotion d’un collègue qui en aurait été jugé digne par le comité de sélection.
Pour être plus précis encore : par le recours au "46.3", il s’agit de donner une chance à deux niveaux. Le premier, pour un/e collègue maître de conférences habilité/e, de passer professeur. Le second, d’offrir à une composante un moyen d’avoir une politique de promotion. Si toutefois la personne à qui cette chance est offerte n’est pas retenue ou est classée différemment, on peut estimer qu’elle n’a pas été en mesure de la saisir. Dès lors, le comité de sélection, par son vote éclairé, signifie que, objectivement, la candidature interne n’était pas la meilleure candidature. Cela crée une situation effectivement délicate à gérer humainement, mais sans équivoque : il ne s’agit pas d’une procédure qui permettrait à une composante d’obtenir subrepticement un poste de professeur supplémentaire.
Le Conseil d’Administration siégeant en formation restreinte a estimé, à l’unanimité, et comme il en a la possibilité, que le choix du comité de sélection allait contre la politique de l’établissement, puisqu’il aboutissait de fait à créer un deuxième poste d’enseignant dans la discipline, et n’a donc proposé personne.
Votre demande va contre trois principes politiques forts que je défends, et que je me permets de vous rappeler, ne doutant pas que vous y adhériez :
- le respect des composantes de notre université, notamment par le truchement du dialogue de gestion ;
- le respect des instances démocratiquement élues : unanimité au CA restreint ;
- la gestion équitable des carrières des personnels de l’université, en l’occurrence des maîtres de conférences.
Si le CA restreint avait laissé passer cette proposition il y aurait eu là un signal envoyé qui montrerait que l’élitisme, qui doit être combattu, et un certain corporatisme seraient les seuls leviers des promotions.
Alain Beretz
Président de l’Université de Strasbourg
Motion de protestation
La Faculté des Lettres, en son conseil du 18 Juin 2012, exprime son soutien aux motions émanées du Comité de sélection, de l’Institut de littérature française et de l’unité de recherche Configurations littéraires relatives à la chaire de littérature française du 16ème siècle. Elle s’indigne d’une décision qui ne peut que nuire à l’image comme à la réputation d’excellence de l’université de Strasbourg et demande instamment au président de transmettre au ministère le classement effectué par le Comité de sélection.
Motion signée à l’unanimité moins une abstention.
QSF et d’autres ont produit des analyses sur l’indépendance des comités de sélection et l’usage des postes 46-3. À lire ici.
L’analyse de Pascal Maillard dans Médiapart, ici.