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Mission d’information sur le métier d’enseignant - Rapport sénatorial, 20 juin 2012
jeudi 21 juin 2012, par
Trois questions à Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la mission d’information sur le métier d’enseignant.
En pièce jointe, l’intégralité du rapport.
Vous parlez de « crise » du métier d’enseignant. Quels sont les contours et les manifestations de cette crise ?
L’épuisement professionnel des enseignants est un fait. Des enquêtes révèlent que 24% des personnels de l’Éducation nationale sont en état de tension au travail, parmi lesquels 14% sont à la limite du « burn out ».
Notre mission d’information s’est donc interrogée sur cette « souffrance ordinaire » des enseignants au travail. Le malaise repose sur un sentiment d’impuissance et de solitude face à la classe. Les enseignants ont l’impression d’être empêchés de faire leur travail correctement. Les dilemmes quotidiens tels que : « comment réagir face à un élève perturbateur ? Comment respecter le programme scolaire dans son ensemble ? », provoquent un sentiment d’isolement et de surresponsabilisation des professeurs ; sentiment accru par les difficultés scolaires croissantes que rencontrent les élèves.
Par ailleurs, les enseignants vivent une exacerbation des conflits au travail. Ces conflits ont lieu avec les élèves face à qui il faut imposer l’autorité, mais aussi parfois avec le chef d’établissement ou les parents d’élèves. D’ordre administratif ou pédagogique, ces conflits peuvent entraîner le désengagement de l’enseignant dans le processus décisionnel au sein de l’établissement, ce qui renforce sa frustration.
Mais malgré la souffrance dépeinte, bien réelle, les enseignants mobilisent leur énergie au quotidien pour tenter d’amortir les conséquences des réformes sur la scolarité des élèves. On peut même parler de « créativité quotidienne ». Ce rapport salue leur engagement et leur dévouement.
Quotidienneté de ces conflits, sentiment de solitude et de frustration face à un métier que l’on souhaiterait exercer différemment, expliquent ce constat de crise dans laquelle est plongé le métier d’enseignant. Notre préconisation : « soigner le métier pour ne pas avoir à soigner les individus ».
Quel est le diagnostic de cette crise ? Quels sont les échecs du système éducatif qui ont provoqué cette crise ?
Le système éducatif a été déboussolé par une succession de réformes brutales et généralisées sans évaluation. C’est le sens même de l’école qui a été brouillé. L’idée d’une éducation nationale garantie à tous s’est affaiblie. Socle commun, aide personnalisée, ECLAIR… avec ces programmes, les missions imparties à l’école et à l’enseignant se sont démultipliées sans que n’évoluent, pourtant, les conditions de travail des enseignants. Ces réformes ont déstabilisé la fonction d’enseignant tant dans ses moyens que dans ses objectifs.
Les coupes budgétaires et le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux sont entrés en contradiction avec les enjeux éducatifs du pays. Le recours aux heures supplémentaires n’est pas une solution efficace.
Enfin, il convient de souligner la déshérence de la formation des enseignants avec la quasi absence de préparation au métier à la sortie du master.
Comment mettre fin à cette crise ? Quelles sont vos recommandations ?
Ce qu’il faut avant tout, c’est redonner du sens à l’école et restaurer la confiance et la légitimité de l’enseignant.
L’école doit relever le défi de la démocratisation, combattre les inégalités sociales, les clivages sexués. Au cœur de ce défi, il faut repenser une école sur le modèle de l’élève qui n’a que l’école pour apprendre. Son enseignement doit s’appuyer sur la conviction de la capacité de tous les enfants à apprendre. Le fondement du renouveau de l’école et du travail enseignant réside, selon moi, dans le principe du « tous capables ». Ce qui revalorise profondément la place de l’école maternelle.
D’urgence, il faut mettre fin aux coupes budgétaires de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et lancer des plans de recrutement pluriannuels, via notamment un système de pré-recrutement. C’est toute la formation initiale qui doit être remise à plat : il faut garantir à nouveau un cadrage national fort, redéfinir l’articulation du master et du concours, garder au sein des universités des structures spécifiques de formation pour piloter la formation et assurer la liaison avec la recherche. Des structures qui s’apparenteraient à des IUFM rénovés, disposant d’une autonomie renforcée, notamment financière. Une véritable formation continue doit également être mise en place tout au long de la carrière de l’enseignant, avec une attention particulière pour les fins de carrière.
Enfin, pour répondre au problème de la solitude et de la surresponsabilisation, le rapport propose également l’émergence de collectifs d’enseignants, réunis pour échanger en dehors de tout regard hiérarchique. Ces réunions permettraient aux participants de reprendre la main sur leur métier.
Pour réussir, ces futures réformes doivent être engagées dans un processus de concertation avec les enseignants reconnus comme experts de leur métier.
À lire ici (source Sénat)