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Notation des profs : les éléments de langage envoyés aux recteurs - Rue89, 8 décembre 2011
vendredi 9 décembre 2011
« Ce n’est pas moi qui ai fait fuiter ces textes », a juré mercredi 7 décembre le ministre Luc Chatel au micro de France Inter. Il est rare qu’un ministre prenne ainsi la peine de répondre à ce dont on ne l’accuse même pas.
Il faut dire que le sujet est sensible. Les « textes » en question (un projet de décret et un projet d’arrêté, très précisément) prévoient de confier l’évaluation des profs et leurs évolutions de carrière à leur supérieur hiérarchique direct, à savoir le chef d’établissement, comme le révélait votre Mammouthologue préféré début octobre.
Au cabinet du ministre, on se réjouit d’avoir surpris les syndicats
Ces textes se sont retrouvés il y a quelques jours à la une du Café pédagogique, un site militant destiné… aux enseignants justement.
Depuis la « fuite », Luc Chatel n’a de cesse de répéter que ces textes n’étaient pas validés, qu’une discussion était en cours avec les organisations syndicales, et que « jamais » il ne ferait « passer ce décret en catimini ».
Mais dans les coulisses, le discours est sensiblement différent. Au cabinet du ministre, on se réjouit d’avoir « coupé l’herbe sous le pied » des syndicats en diffusant ces textes en toute fin d’année, un moment peu propice aux manifestations et aux mobilisations d’ampleur.
Pour l’Élysée, l’affaire est quasi bouclée
Le plus puissant de ces syndicats, le Snes, n’a tout de même pas hésité à appeler à la grève deux jours avant les vacances scolaires, le 15 décembre. Un pari risqué et qui a toutes les chances de se traduire par un faible niveau de mobilisation.
A l’Élysée, certains proches du président Sarkozy laissent entendre que l’affaire est quasi bouclée, et qu’il n’est pas question pour le gouvernement de revenir sur cette réforme.
Plus encore, Luc Chatel en prenant cette initiative pose la première brique d’une réforme du métier et des statuts des enseignants (qui datent de 1950). Un chantier qualifié en haut lieu de « présidentiel », et qui pourrait être l’une des propositions du candidat Sarkozy.
Sur le terrain, des consignes de communication ont déjà été données aux recteurs sous forme d’éléments de langage estampillés « confidentiel ». L’objectif est bien d’éteindre l’incendie et d’endormir tout risque de contestation.
Les éléments de langage « confidentiels » envoyés aux recteurs
Le Mammouthologue vous les livre en exclusivité :
« Appréciation de la valeur professionnelle des enseignants
Éléments de réponse aux objections
1. “ C’est une réforme précipitée ”
La réforme de l’évaluation des enseignants est l’un des éléments du pacte de carrière proposé par le Ministre en octobre 2009. Le projet présenté aujourd’hui est le fruit d’un processus de consultation non seulement avec les organisations syndicales mais aussi avec les personnels intéressés. Les organisations représentatives ont été tenues informées de ce processus. Ainsi à l’issue de la consultation réalisée au printemps dernier, durant laquelle plusieurs milliers d’enseignants se sont exprimés, le Ministre a présidé en personne la présentation des résultats aux organisations syndicales. A la demande de ces dernières, la période des élections professionnelles a été neutralisée.
2. “ Tout est bouclé ”
Conformément au calendrier fixé par le Ministre, après la consultation en ligne au printemps dernier, le projet élaboré est désormais proposé à la concertation avec les organisations représentatives. A l’issue de cette phase de concertation, il sera soumis au vote du [Comité technique ministériel, CTM].
3. “ L’inspection disparaît ”
Le regard croisé entre chef d’établissement et inspection est maintenu, notamment à travers la construction et la validation de la méthode d’auto-évaluation, ainsi que la validation du résultat de l’auto-évaluation.
Les corps d’inspection continuent à intervenir dans les moments clés du parcours RH de l’enseignant (titularisation, affectation en [classes préparatoires aux grandes écoles, CPGE] ou [sections de techniciens supérieurs, STS], avis pour les promotions de grade ou de corps).
4. “ Il y a un changement du métier ”
Oui, et les enseignants souhaitent que les nouvelles missions soient reconnues et prises en compte. Le système de notation actuelle ne le permet pas.
5. “ Ce sont des méthodes du privé ”
La réforme proposée s’inscrit dans le cadre de la mise en place de l’entretien professionnel dans la fonction publique d’État, prévue par un décret de juillet 2010. A compter du 1er janvier 2012, l’évaluation de tous les fonctionnaires devra reposer sur un entretien professionnel mené par le supérieur hiérarchique, c’est-à-dire celui en proximité de qui il travaille chaque jour.
6. “ Les syndicats sont opposés à ce projet ”
La quasi-totalité des organisations syndicales porte un regard très critique sur le système actuel. Plusieurs demandent officiellement la disparition de la notation.
7. “ Le supérieur hiérarchique n’est pas compétent pour évaluer dans la discipline ”
Dans le second degré, le système de notation actuel sépare les compétences didactiques des autres composantes du métier d’enseignant. Le projet proposé permet d’évaluer globalement l’ensemble des composantes du métier d’enseignant, sans renoncer à la dimension didactique, notamment à travers le maintien du regard de l’inspection, croisé avec celui du chef d’établissement. »
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