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Dans les télécollèges mexicains - Anne Vigna, Le Monde Diplomatique, février 2012
lundi 20 février 2012
Alors que les cartels de la drogue contrôlent des régions entières du pays, l’affaiblissement de l’État mexicain préoccupe jusqu’à Washington. Il s’observe également dans le domaine de l’éducation, où les stratégies technophiles de Mexico pour « réduire les coûts » ne sont pas toujours très convaincantes.
La leçon d’algèbre s’achève et, comme tous les quarts d’heure, un jingle ronflant retentit. Il annonce ce que tous les élèves attendent : la page de publicité. Le premier spot met en scène des familles plantées devant un alignement de maisons. « Ce gouvernement a construit trois millions de maisons pour les plus pauvres ! », proclame fièrement la voix off. Puis une autre séquence, digne d’un film à gros budget : des délinquants à la mine patibulaire brutalisent un homme enchaîné. La voix reprend : « La protection des droits de l’homme est une priorité du gouvernement fédéral. » Pour les enfants du village d’Amatlán de Quetzalcóatl, à deux heures au sud de Mexico, une nouvelle journée de cours vient de commencer.
Nous sommes au cœur de l’État de Morelos, où, il y a tout juste un siècle, lors de la révolution de 1910, les paysans menés par Emiliano Zapata exigeaient une éducation gratuite et de qualité. Ici, comme dans de nombreux villages mexicains, les cours sont dispensés à travers un poste de télévision relié au satellite — d’où le nom de « télécollège ».
Quand le provisoire devient la norme
Avec son antenne parabolique sur le toit, l’établissement se repère de loin. A l’intérieur, les murs blancs des deux salles de classe sont presque nus. Une carte du Mexique gondole à côté d’un petit tableau noir pour lequel la craie semble n’être plus qu’un vague souvenir. Au milieu de la pièce trône la télévision, qui, toutes les quinze minutes, diffuse un cours (suivi de sa page de publicité). Dix-huit collégiens, répartis en trois niveaux de scolarité, sont encadrés par deux professeurs. Le rôle de ces derniers ? « Faire la jonction » quand la télévision tombe en panne, « ce qui arrive tous les jours », déplore M. Ricardo Ventura, directeur et professeur des moyens — niveau équivalent à la cinquième française (12-13 ans). Et, en effet, après quarante minutes de diffusion, le signal satellite s’évanouit : l’école est terminée pour aujourd’hui.
Dès sa première heure de visite, l’observateur conçoit quelques (...)
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