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Ph. Watrelot [désimlocke le discours de NS à Montpellier], Blog Chronique éducation, 29 février 2012
jeudi 1er mars 2012
Les “familles” contre les enseignants
Mardi 28 février à 18h30, à Montpellier, on a pu écouter le discours de Nicolas Sarkozy consacré à l’éducation. Ces quarante minutes de discours précédées d’une visite dans un internat d’excellence ont un air de déjà vu mais en pire… Car, si Nicolas Sarkozy a repris pas mal de ficelles déjà tirées dans de précédents discours , il a surtout cherché comme à son habitude à cliver et à opposer les uns aux autres tout en flattant son électorat. Il a ainsi joué les familles contre les enseignants, et même les enseignants entre eux. Et vu la tonalité très réactionnaire et même caricaturale de son discours, on a même eu l’impression qu’il s’adressait plutôt aux grands parents qu’aux parents....
Si l’on se livre à une analyse sémantique rapide de ce discours, certains mots reviennent sans cesse : autorité, travail, effort, mérite, République. Le discours (certainement écrit par Henri Guaino) transpire la nostalgie d’une école abimée par la modernité incarnée par l’Internet et le “pédagogisme”. Il s’agit donc à la fois d’un discours de restauration et proprement réactionnaire mais aussi d’une allocution marquée par une logique libérale où seule la responsabilité individuelle compte et les seuls déterminants de l’action sont monétaires. Lorsqu’il affirme : “ je veux une école du respect, de la politesse, une école ou on apprend qu’on a rien sans rien ” ou quand il dit que “la république ce n’est pas l’égalitarisme, c’est le mérite, la promotion de l’excellence ”, il agite la fibre républicaine. Tout comme, lorsqu’il se livre à une critique caricaturale de la pédagogie à laquelle nous sommes malheureusement habitués. “ On a eu tort de faire croire à l’enfant qu’il était l’égal du professeur [...] il y a une hiérarchie ” affirme t-il et plus loin il ajoute que “ la pédagogie ne doit pas l’emporter sur les savoirs ”. Mais sa vision est aussi libérale lorsqu’il affirme comme une évidence qu’“on est responsable de ses enfants, la société n’est pas l’excuse de tout ”. Au passage cela traduit une vision purement individualiste niant les déterminismes sociaux, mais cela lui sert surtout à justifier le recours à la suspension des allocations familiales comme une sanction permettant de ré-orienter le comportement des parents. Et bien sûr, le libéralisme est aussi à l’œuvre avec la mesure où il propose aux enseignants de travailler plus pour gagner plus… On y reviendra. On retrouve aussi dans son discours, la thématique récurrente du candidat qui veut s’adresser au peuple au dessus des “corps intermédiaires”. Dès le début de son discours, il fustige les corporatismes qui ont confisqué l’École et affirme que “ l’École ne peut être une grande cause nationale que si on la fait partager aux familles”. Pour séduire ces “familles”, Nicolas Sarkozy n’hésite pas à utiliser tous les clichés anti-profs et toutes les simplifications.
C’est le cas avec la proposition emblématique que tout le monde a retenu de ce discours : la remise en cause du statut des enseignants. Il commence par écarter la question des effectifs en utilisant des chiffres tout aussi faux que ceux qu’il avait employé lundi sur RTL. Et il affirme “si le nombre d’enseignants était le problème nous devrions avoir la meilleure école du monde”. Mélangeant “allègrement” la question des moyens et celle de la revalorisation des enseignants, il affirme que “nos enseignants sont mal payés car ils sont trop nombreux” et qu’il fait donc “ le choix de moins d’enseignants mieux rémunérés ”. "Je propose que désormais tout enseignant qui voudra travailler davantage puisse le faire avec 26 h de présence dans l’établissement au lieu de 18h de cours [soit 44% d’augmentation du temps], avec en contrepartie une augmentation de son traitement de 25%, soit près de 500 euros net par mois", énonce t-il . Selon lui, seront ainsi "résolus deux problèmes : celui de l’augmentation de la présence des adultes" dans les établissements scolaires (il reconnaît donc implicitement qu’elle est insuffisante), et "celui de l’amélioration du statut des enseignants". Il en profite aussi pour annoncer qu’il souhaite que les enseignants aient tous un bureau dans les collèges et lycées (irréaliste et facile, ce sont les collectivités qui paieraient …). On notera que dans son discours sur ce nouveau statut “basé sur le volontariat” ne sont concernés que les certifiés. Qu’en est-il des agrégés ? Et surtout des professeurs des écoles, qui font déjà 26 heures. Ceux ci apprécieront… Il faut noter d’ailleurs que l’école primaire est la grande absente de ces quarante minutes de discours.
Car Nicolas Sarkozy s’est surtout focalisé sur le collège. Il veut, dit-il “ repenser complètement" le collège unique, qui "a fait exploser les inégalités au lieu de les réduire”. “Repenser” en langage sarkozyen doit surement vouloir dire “détruire” car il annonce plus loin l’instauration d’un palier d’orientation en fin de cinquième. Cette orientation précoce met fin à l’ambition du collège unique et même du socle commun, jamais évoqué dans les propos du candidat.
Et le bilan ? il tient une place assez faible dans le discours du candidat qui oublie qu’il est président. Il passe cinq minutes à se féliciter de la mise en œuvre des internats d’excellence. Un dispositif ayant un coût démesuré par rapport aux personnes concernées. Il évoque aussi les Établissements de Réinsertion Scolaire (ERS) avec un couplet sécuritaire dont il a le secret.
Il ne manque pas, bien sûr, de critiquer son adversaire en se moquant de la promesse de re-création de 60 000 postes et en faisant de F.Hollande l’allié des syndicats et du conservatisme : “d’un côté on parle statut, nombre de fonctionnaires, de l’autre on parle des familles et des enfants”. Curieusement et de manière presque anecdotique, la critique va aussi se nicher sur un autre terrain. “ Je préfère une école qui structure la pensée, qui élève l’esprit, à une école où chaque enfant a une tablette numérique offerte par le conseil général avec l’argent du contribuable, mais où personne ne se préoccupe de faire aimer les livres aux enfants. ” s’emporte Nicolas Sarkozy. Cette petite phrase prend tout son sens quand on sait que le président du conseil général de Corrèze, un certain François Hollande, a mis en œuvre un tel dispositif. Mais au delà de l’anecdote, cela en dit long sur le rapport très frileux à la modernité qui traverse ce discours. On retrouve la même idée avec une longue diatribe assez confuse sur les dangers de l’Internet qui remettrait en question l’autorité.
On a donc un discours fortement teinté de conservatisme et de référence à l’école de grand-papa avec toutes ses déclarations destinées à flatter un électorat vieillissant. Refus de la suppression des notes, “restauration” du baccalauréat, apologie des “bonnes vieilles méthodes”, discours sur l’autorité et la responsabilité parentale. Mais ce conservatisme se mélange avec des mesures de rupture comme celles sur le statut des enseignants ou bien encore l’autonomie des établissements. Le discours est habile car il cherche l’affrontement pour se poser en dirigeant courageux luttant contre les corporatismes et il peut malheureusement séduire une partie de l’opinion attachée à une vision mythifiée et nostalgique de l’École. Mais tout cela se heurte cependant à une difficulté de taille pour le président-candidat : un bilan bien difficile à vendre et peu convaincant dans ce domaine comme dans bien d’autres…
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