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Nouvelle loi sur l’enseignement supérieur : Mme Fioraso, vous avez tout faux ! Francois Garçon, Le NOuvel Observateur, 27 mars 2013

dimanche 31 mars 2013

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Certains redoutaient l’annonce, d’autres savaient que nous n’y échapperions pas. C’est fait. Elle vient de tomber. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche vient d’annoncer, dans le cadre de la future loi sur l’enseignement supérieur et la recherche "le retour de l’État stratège". Aie ! Aie ! Aie !

Grandes écoles formatées contre start-up grandissantes

Mme Fioraso a-t-elle choisi le bon tempo ? Ses conseillers se tiennent-ils bien informés de ce qui se publie sur la question ?

Alors qu’il n’a jamais été autant question du bottom-up, qui veut que les idées les plus fulgurantes sortent d’un garage plutôt que d’un laboratoire du CNRS, que les concepts d’entreprises les plus neufs (Free, Ventesprivées.com, etc.) échappent totalement à l’emprise des premiers de classe issus des trois écoles dont la République est si fière (X, ENS et ENA) et qui, pour l’immense majorité d’entre eux, vont meubler les organigrammes de mégastructures leur préexistant, voilà donc la ministre de l’Enseignement supérieur nous brandir les mérites du top-down !

On ne rêve plus, on entre en plein cauchemar. Car enfin, cet État stratège, à quoi va-t-il servir ? À qui va-t-il s’attaquer dans l’enseignement supérieur ? Au Conseil national des universités (CNU), qui sert de bouclier aux plus médiocres d’entre nous ? À cet organisme où ne serait-ce que prononcer le mot "entreprise privée" vous ostracise dans toutes les disciplines ?

Au localisme, qui veut que dans certaines universités pullulent des enseignants-chercheurs n’ayant jamais connu autre chose que "leur" établissement ? Pour faire disparaître le statut aberrant de maître de conférences à vie, va-t-on vers un système de tenure-track pour tous les jeunes chercheurs ?

Va-t-on vers l’instauration d’un postdoc obligatoire, ne serait-ce que pour faire voir du pays et des pays à tous les universitaires encroutés, mandarins en poste ou en germination, jamais sortis de leur niche ? Va-t-on vers l’interdiction du localisme ?

La formation de "stratèges" pour inventer... des roues carrées !

Non, rien de tout ça. Ça sent trop l’université autonome et concurrente, justement le modèle qui fonctionne partout : Canada (que découvrent enfin les étudiants français), Suisse (qu’ont découvert nombre de professeurs et collaborateurs scientifiques français qui s’y sont fixés), Hollande, Suède, États-Unis, etc.

Non ! Car nous sommes en France, et les élites françaises ne copient pas : il leur revient d’inventer, c’est à ce prix qu’est flatté leur égo. En l’occurrence, les "élites" de la rue Descartes ont réinventé la roue carrée.

Le ministère a trouvé la bonne formule : 1.000 recrutements par an sur cinq ans. Pardi, il fallait y penser ! Si telle est la bonne formule, regrettons simplement que les recrutements ne portent pas sur 500.000 personnes. Pourquoi jouer petit bras en effet ?

L’autre bonne formule, c’est de renoncer à la pêche aux financements internationaux attribués sur une base compétitive. Pour la ministre, cette "course permanente aux crédits" (sic) est trop usante pour des chercheurs qui ni ne parlent ni n’écrivent en anglais, ou trop mal.

On revient donc à la rente, aux fonds récurrents, attribués aux meilleurs, lisez les établissements, non pas les plus innovants, mais qui concentrent le plus de "premiers de classe à la française".

Tout cela serait amusant si ça n’était pas d’abord désespérant pour ceux qui observent ce qui se déroule à l’étranger. Après tout, tout le monde peut s’intituler "stratège".

Des "stratèges", l’État français n’en a jamais manqué. Qu’on se souvienne de Maurice Gamelin ou encore du général Henri Navarre.