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L’éducation prioritaire en sursis, Mediapart, 11 juin 2011, par Lucie Delaporte

dimanche 12 juin 2011, par Clèves, princesse(s)

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« D’un trait de plume. »

Alors qu’ils le redoutaient depuis plusieurs mois, une brochure du ministère est venue confirmer la crainte de nombre d’acteurs de l’éducation prioritaire. Il n’y aura plus d’établissement Réseau ambition réussite (RAR) à la rentrée 2011. Dans un document sur papier glacé intitulé Vademecum Programme Eclair, que s’est procuré l’Observatoire des zones prioritaires, la disparition des RAR est, pour la rue de Grenelle, définitivement actée.

« Il est inadmissible que l’on apprenne ainsi, s’est ému l’Observatoire dans un communiqué, quatre mois après la publication d’un rapport officiel positif sur le bilan des “Réseaux ambition réussite”, que le ministre ose les rayer d’un trait de plume. »

Lancés en 2006 pour remplacer les ZEP (Zone d’éducation prioritaire), dont l’efficacité à réduire les inégalités scolaires était de plus en plus critiquée, les Réseaux ambitions venaient, pourtant, de faire l’objet d’une évaluation positive. En janvier, un rapport de la Direction générale de l’enseignement scolaire présentait, en effet, un bilan« encourageant » des RAR selon les termes de Jean-Michel Blanquer, le directeur général.

« Depuis quatre ans, grâce à l’action pédagogique, à l’investissement sur les apprentissages, les écarts en français et mathématiques entre les établissements RAR et les autres commençaient à se réduire, comme le montrent les enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) », souligne Marc Douaire, président de l’OZP. Pour lui, c’est donc aussi un signal très négatif qu’envoie le ministère aux professionnels qui se sont mobilisés sur le terrain pour obtenir ces résultats. Selon le document de la rue de Grenelle, les 254 collèges et 1.721 écoles RAR se fondront donc automatiquement dans le nouveau dispositif Eclair, unanimement contesté par les syndicats.

Violence et échec scolaire

Car le dispositif Eclair (Ecoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite) s’appuie sur une tout autre philosophie. Présenté à l’issu des Etats généraux de la sécurité à l’école du printemps 2010 et expérimenté dans l’urgence dès la rentrée suivante dans 105 collèges et lycées en France, il rompt avec les principes fondateurs de l’éducation prioritaire, en substituant à une volonté de réduction de l’échec scolaire une volonté de réduction de la violence à l’école (voir notre article d’avril dernier). En érigeant « le “climat scolaire” comme facteur principal d’échec ou de réussite scolaire des élèves, le programme Eclair est un dévoiement majeur du principe fondateur de “donner plus à ceux qui ont le moins” », affirme le SNES dans un communiqué publié vendredi qui redoute un « dépôt de bilan » de l’éducation prioritaire au profit d’une tout autre conception du rôle de l’école dans les quartiers défavorisés.

« Alors que le projet des RAR repose sur le travail commun des établissements avec les collectivités territoriales, les travailleurs sociaux, avec Eclair, on quitte aussi toute logique territoriale », poursuit Guy Vauchelle, secrétaire national du SGEN-CFDT. « De plus,poursuit-il, la généralisation du dispositif Eclair se fait sans qu’il y ait eu la moindre évaluation. » Initialement, il devait faire l’objet d’un bilan, mais le ministère a préféré le passage en force. « Apprendre cela à travers une brochure ministérielle montre bien que le gouvernement veut avancer dans le plus total mépris tant des personnels de l’éducation nationale que de leurs organisations syndicales », poursuit Guy Vauchelle.

Un mode opératoire qui exaspère aussi du côté de la FCPE. L’association de parents d’élèves dénonce sans détour, sur le thème de l’éducation prioritaire, la confiscation d’un débat démocratique. « Quand donc se décidera-t-on à faire acter par le Parlement, dans un débat transparent et contradictoire, les mesures qui régissent l’éducation nationale ? Ainsi, un ministre de l’éducation nationale peut décider, seul et en catimini, de rayer d’un trait de plume le dispositif de l’éducation prioritaire », assure-t-elle dans un texte publié jeudi sur son site.

Du côté du ministère, on assure que cette évolution est une « chance »pour les RAR qui ne se verront retirer aucun moyen financier. Les syndicats ont demandé à être reçus en urgence par le directeur général de l’enseignement scolaire.