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Depuis 2008, les crédits alloués aux universités ont progressé de 20 % mais moins que promis, Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 16 mai 2012

jeudi 17 mai 2012, par Sylvie

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Lorsqu’elle était ministre de l’enseignement et de la recherche, Valérie Pécresse a mené, tambour battant, l’un des chantiers phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy, celui de l’autonomie des universités, en promettant beaucoup : porter le budget annuel global de 10 à 15 milliards d’euros, entre 2008 et 2012, à raison d’un milliard d’euros supplémentaires chaque année.

L’annonce d’un tel pactole avait de quoi calmer les oppositions les plus coriaces mais, à l’heure du bilan, le compte n’y est pas. Même si la progression des moyens a été réelle. Sur cette période, la dotation annuelle aux universités est passée de 10,6 à 12,8 milliards d’euros, soit une hausse de 20,5 % en cinq ans. "Cela représente un effort particulièrement important dans le contexte de crise des finances publiques", reconnaissent les cinq auteurs d’un rapport intitulé "Cadrage économique des moyens humains et financiers alloués aux universités depuis 2007" (ici en PDF), rendu public mi-mai et établi conjointement par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche.

A NOUVELLES RESSOURCES, NOUVELLES DÉPENSES

Dresser un tel bilan devrait être simple mais, en réalité, il ne l’est pas du tout. Les sommes allouées aux universités transitent par divers canaux, budgétaires et extrabudgétaires, et proviennent de plusieurs ministères. Cela "complexifie l’accès aux données, comme l’analyse et la lisibilité des montants consentis", notent les auteurs. Opération Campus, contrats de plan Etat-Région, plan Réussite en licence... sont autant de dispositifs qui se télescopent et obscurcissent une vision globale de la conduite financière. Les inspecteurs généraux des finances y perdent leur latin, ou plutôt leur arithmétique. "Si même ces experts avouent ne pas s’y retrouver, comment le pourrions-nous ?", s’interroge Vincent Berger, président de l’université Paris-Diderot.

Ces 2,2 milliards d’euros supplémentaires "ne signifient pas nécessairement que les universités ont vu augmenter leur marge de manœuvre dans les mêmes proportions, l’octroi de certaines ressources ayant été accompagné de nouvelles dépenses", concède les auteurs. "C’est une phrase extrêmement importante, dit Khaled Bouabdallah, président de l’université Jean-Monnet-Saint-Etienne. La situation est paradoxale, avec d’un côté des moyens supplémentaires et de l’autre une augmentation des charges. Nos marges de manœuvre budgétaires ne sont donc pas si élevées qu’on pourrait le croire."

Ainsi, la masse salariale, dont la gestion a été transférée aux universités par la loi sur l’autonomie de 2008 a, à elle seule, absorbé 1,3 milliard d’euros. Cette hausse substantielle est d’abord la conséquence de mesures décidées par l’Etat : hausse des cotisations sociales (868 millions d’euros), plan carrière qui revalorise les salaires d’embauche des maîtres de conférence (116 millions d’euros)... Les universités ont aussi dû étoffer leurs effectifs administratifs et pédagogiques de 140000 à plus de 154000.

"Mais c’est une hausse en trompe-l’œil. Nous restons globalement sous-encadrées et sous-dotées par rapport à nos homologues européennes, notamment en personnel administratif", critique Sophie Béjean, présidente de la commission des moyens à la Conférence des présidents d’université, qui reconnaît néanmoins que l’autonomie budgétaire est encore en "phase d’apprentissage".

Pour les présidents d’université, la seule amélioration notable est la hausse des crédits de fonctionnement (300 millions d’euros par an), notamment grâce au plan Réussite en licence, qui a entraîné embauches et investissements. Les universités ont toutes vu leur budget de fonctionnement progresser (16 % en moyenne), mais avec des disparités, de 6 % à 49 %, qui ne gomment pas les inégalités entre elles.

"L’équité doit concerner l’enseignement. Il faudrait que les universités disent exactement combien coûte un étudiant, discipline par discipline, propose Vincent Berger. Pour le financement de la recherche, ce serait différent puisque certains établissements en font beaucoup, d’autres moins."

En théorie, la volonté du gouvernement était d’encourager les universités méritantes en leur accordant plus de crédits selon divers indicateurs de performance : taux de réussite ou d’insertion professionnelle, présence aux examens... Ce n’est pas vraiment le cas. Seuls 20 % des crédits de fonctionnement débloqués l’ont été selon ces critères. "Les dotations de mon université ont bien augmenté de 26 % entre 2008 et 2012, mais, dans le même temps, le nombre d’étudiants progressait de 30 %. Mon université s’est en fait appauvrie. Et celles dont les effectifs diminuent se portent mieux !", proteste Bruno Sire, président de l’université Toulouse-1-Capitole.

Il reste beaucoup à faire. Toutes les annonces ne se sont pas encore réellement traduites sur le terrain. Le Plan campus, qui consiste à rénover de fond en comble 21 sites, ou les investissements d’avenir, ont à peine démarré. Autant de dossiers qui attendent le futur ministre de l’enseignement supérieur.