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Le paysage universitaire remodelé autour de vingt-cinq grands pôles - Nathalie Brafman et Benoît Floc’h, Le Monde, 24 juillet 2014

dimanche 27 juillet 2014, par Jean-François Trans

C’est l’autre réforme territoriale. Le paysage universitaire français sera dorénavant structuré autour de 25 pôles seulement. Le 23 juillet, après un an de vives controverses, les établissements d’enseignement supérieur arrivent au terme du délai fixé par la loi du 22 juillet 2013 aux universités et grandes écoles pour conclure des regroupements et réformer leur gouvernance.

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« Cela n’a pas été un sentier semé de pétales de roses », reconnaît Geneviève Fioraso. Face à la résistance d’une partie de la communauté universitaire, la secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur a perdu quelques plumes dans l’opération. Reste qu’à quelques exceptions près, chacun a bouclé son projet dans les temps, quitte à se contenter d’une lettre d’intention détaillée.

Vingt-cinq regroupements, c’est moins que l’objectif fixé il y a un an – 30 –, mais bien plus que le projet porté par la précédente majorité. Le gouvernement de François Fillon prévoyait la création de 10 méga-universités capables de jouer dans la cour des grands au niveau international. La gauche préfère moins concentrer l’effort et estime que 25 pôles sauront tout aussi bien apparaître dans les radars de Shanghaï. Car l’enjeu est là : selon la doxa, les établissements français doivent grimper dans le fameux classement établi depuis 2003 par l’université chinoise Jiao Tong.

LOGIQUE DE RASSEMBLEMENT

Sur les 25 regroupements, 20 ont opté pour le statut de communauté d’universités et d’établissements (Comue). Les cinq autres ont choisi la voie – moins contraignante – de l’association. Certains établissements sont d’ores et déjà allés plus loin en fusionnant.

La logique de rassemblement est ancienne. Depuis 2006, les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), puis les initiatives d’excellence ont contribué à structurer le paysage universitaire. Mais les Comue vont plus loin : de nouveaux contrats de site seront signés avec l’Etat. Le 16 juillet, Mme Fioraso a ainsi présidé la ratification de quatre d’entre eux : Sorbonne Paris Cité (Sorbonne-Nouvelle, Paris-Diderot, Paris-XIII, Sciences Po…), mais aussi Paris Sciences Lettres (Paris-Dauphine, l’Ecole normale supérieure…), Sorbonne-Universités (Paris-Sorbonne, Université Pierre-et-Marie-Curie…) et Paris Lumières (Paris-VIII, Paris-Ouest-Nanterre).

Ces contrats, d’une durée de cinq ans, sont censés décrire la stratégie sur laquelle la Comue s’engage. En contrepartie, l’Etat alloue des postes. Ainsi, ces quatre Comue parisiennes se partageront 179 postes. « L’Etat contractualise avec les Comue, et c’est une force, estime Mme Fioraso. C’est ce qui fragilisait les PRES. »

« DES UNIVERSITÉS DE RECHERCHE D’UN TYPE NOUVEAU »

Cette redistribution des cartes « est une étape dans la continuité, relève Jean-Yves Mérindol, président de Sorbonne Paris Cité. Nous pourrons réaliser ensemble des projets que, seul, chaque établissement ne pouvait envisager avec une égale ampleur ou rapidité. Nous allons par exemple ouvrir une antenne commune à Buenos Aires ou à Sao Paulo, travailler sur la pédagogie numérique, etc. »

« L’université est la seule structure intelligible à l’échelle du monde, explique Philippe Boutry, président de Panthéon-Sorbonne. Il faut créer les conditions d’une recomposition du paysage de l’enseignement supérieur public sous la forme d’universités de recherche d’un type nouveau. » Son université est engagée dans la Comue Hautes études Sorbonne Arts et métiers (héSam), qui comprend aussi ESCP Europe, EHESS, l’ENA… La marche vers l’union a été laborieuse. Mais les membres de l’héSam espèrent conclure leur accord d’ici quelques jours, jeudi 24 juillet peut-être. Il aura tout de même fallu deux médiateurs pour arranger tout le monde.

Il a fallu, dans ces négociations, ménager les susceptibilités de chacun. L’Université de Bordeaux, qui regroupe Bordeaux-I, Bordeaux Segalen et Montesquieu-Bordeaux-IV, a ainsi décidé, le 18 juillet, de reporter à l’automne le vote des statuts de la Comue Aquitaine. Objectif : garantir à l’établissement une place en rapport avec son poids. En taille, il dépasse de très loin les cinq autres membres de la future Comue (dont Bordeaux-III et l’université de Pau).

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Les personnels administratifs et les enseignants-chercheurs se sont, dans de nombreuses universités, opposés à la création des Comue, vues comme une strate supplémentaire. « Ce n’est pas cela, réaffirme Mme Fioraso. Ce n’est ni une strate administrative supplémentaire ni une façon de mutualiser pour faire des économies, c’est exactement l’inverse. »

« LES COMUE SONT DES CORPS VIVANTS »

Tout le monde n’en est pas convaincu. Le groupe Vernant (qui regroupe anonymement des universitaires) écrit, le 21 juillet, sur Twitter : « On mesurera sous peu les conséquences désastreuses de ces restructurations bureaucratiques pour les étudiants. »

Pendant de longues semaines, le débat sur l’utilité de créer ces mastodontes s’est déroulé sur la place publique. La tension était forte en Ile-de-France, mais pas seulement. Assemblées générales, motions, pétitions, demandes de moratoire… Les opposants ont fait entendre leur voix. A Paris-Ouest-Nanterre, il s’en est fallu de peu que le projet avec Paris-VIII capote.

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Lors de la signature, le 16 juillet, des quatre premiers contrats de site, les présidents sont revenus sur cette période de négociation. « Ce jour met fin à une phase difficile, intense, complexe et très dense », a déclaré Thierry Tuot. Le président de Sorbonne-Universités a ajouté qu’il n’était pas question d’effacer l’histoire de ses onze membres. « Les Comue sont des corps vivants, insiste Mme Fioraso. Ce qu’un décret fera, un autre pourra le faire évoluer. Mais ce ne seront pas non plus des bastions. Tous les partenariats en réseaux seront maintenus. »

En attendant, l’instance représentative et consultative de la communauté universitaire au ministère a voté contre les statuts de quatre Comue : Paris Sciences Lettres, Sorbonne Universités, Sorbonne-Paris Cité et Paris-Saclay. « On parie que cela ne changera rien ? », a aussitôt tweeté Sandrine Clavel, professeur à l’Université Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines.

Image MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR