Accueil > Revue de presse > Programmes scolaires : le gouvernement veut-il vraiment l’avis des profs ? - (...)

Programmes scolaires : le gouvernement veut-il vraiment l’avis des profs ? - Sandrine Chesnel, L’Express, 11 mai 2015

samedi 16 mai 2015, par Mr Croche

Tous les enseignants sont invités, avant la mi-juin, à donner leur avis sur les nouveaux programmes de l’école et du collège. Mais l’adhésion des professeurs à cette consultation pourtant importante pourrait être compromise par la forme choisie par le ministère, très chronophage et peu collaborative.

A lire sur le site de l’Express (avec tous les liens vers les documents cités).

SIx heures, minimum. D’après le syndicat majoritaire des enseignants du primaire, le SNU-ipp, il faudra plus d’une demi-journée aux enseignants les plus consciencieux pour répondre correctement à la consultation lancée ce matin par le ministère de l’Education nationale.

L’objet de la consultation ? Non pas la réforme du collège, qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, mais les nouveaux programmes officiels de l’école et du collège. Le Conseil supérieur des programmes (CSP) a en effet adopté le 9 avril de nouveaux programmes pour la scolarité obligatoire, c’est-à-dire du CP à la troisième. C’est sur ces programmes scolaires que les enseignants sont invités à se prononcer, du 11 mai au 12 juin. A l’issue de cette phase de consultation, une synthèse des retours sera rendue publique par le ministère, et le CSP devra revoir ou amender ces programmes, avant adoption définitive en septembre 2015.

Un exercice trop laborieux et chronophage ?

Problème : la masse de documents à consulter avant de se faire un avis est pharaonique, et leur examen critique, même appuyé par un questionnaire en ligne, va prendre beaucoup de temps aux enseignants, dont on rappelle que la journée de travail ne se termine pas quand les élèves quittent l’établissement.

Exemple avec les nouveaux programmes du cycle 2 (CP, CE1, CE2) : 42 pages de lecture en corps 10, auxquelles s’ajoutent 22 pages d’annexes, et des liens internet connexes, le tout agrémenté d’un vocabulaire pas toujours très accessible ("quotitions", "prosodie", "prédicat"...).

Après avoir lu, voire, décrypté, l’ensemble des documents, chaque enseignant(e) est invité(e) par le ministère à se connecter sur un portail dédié. Portail sur lequel l’attend un formulaire en ligne, comptant plus d’une centaine de questions, dont une trentaine de questions ouvertes, afin de dire si les programmes lui semblent opérationnels, propres à évaluer les acquis des élèves, etc.

D’après le ministère, le temps nécessaire aux enseignants pour répondre à ce questionnaire est à prendre sur le volet de 108 heures que chaque année les enseignants consacrent aux réunions pédagogiques, conseils de classe, rencontres avec les parents.

Mais, d’après le SNU-ipp, à la mi-mai ce volet d’heures, qui vient en plus des heures de classe, est déjà fort entamé : "Pour s’assurer une réelle participation des enseignants à cette consultation, et donc leur adhésion par la suite à ces nouveaux programmes, le ministère aurait dû prévoir une demi-journée banalisée, comme pour la consultation sur les programmes de la maternelle souligne Sébastien Sihr, secrétaire général du SNU-ipp-FSU. Cela aurait permis que les enseignants fassent en équipe ce travail d’évaluation, plutôt que chacun de leur côté."

Le précédent de la consultation sur le numérique

La consultation sur les programmes, encore une occasion de dialogue ratée entre le ministère et ses enseignants ? Les précédentes consultations menées par la rue de Grenelle ont en effet connu des destins variés. Celle sur les programmes de maternelle, organisée un mercredi matin "banalisé", c’est-à-dire sans élèves, aurait plutôt bien fonctionné, puisque toutes les écoles ont fait un retour au ministère.

A l’inverse, la précédente consultation menée sur la base d’un questionnaire en ligne -consacrée au numérique à l’école-, n’a pas soulevé les foules professorales. D’après le SNU-ipp, seulement 23 000 réponses sur plus de 800 000 enseignants concernés, soit un taux de retour d’à peine 4%.

Reste que la question des nouveaux programmes scolaires, et plus précisément celle des programmes d’Histoire, a déjà été abondamment commentée dans les médias et sur les forums d’enseignants, ce qui pourrait motiver les professeurs à donner leur avis, fut-il très critique. De plus, le questionnaire d’évaluation en ligne est en accès ouvert, tout comme le contenu des nouveaux programmes : tout à chacun peut s’y inscrire avec une adresse mail lambda, et ainsi se joindre à la consultation. De quoi doper le taux de participation à ce chantier crucial de la refondation de l’école lancé par Vincent Peillon, en 2013 ? Réponse courant juillet, quand le ministère communiquera sur la synthèse des contributions reçues.