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De Gaulle-les-deux-écoles, C’est classe, Liberation, 8 juin 2010

mardi 8 juin 2010

Le général était-il un grand écrivain ? Ou seulement un grand homme ? La polémique, déjà évoquée dans ce blog, rebondit. Il s’agit de savoir si le grand Charles mérite de figurer au programme littéraire de terminale L l’an prochain, ou si, comme le réclame une pétition de professeurs de lettres, il doit être cantonné aux cours d’histoire.

Difficile de savoir pourquoi, soudain, la polémique a pris. Tout a commencé en janvier avec la publication ; dans une circulaire, des auteurs qui seront au programme 2010-2011. Deux - sur quatre - sont renouvelés chaque année.

Surprise : pour la partie "Littérature et débat d’idées", les Pensées de Pascal sont remplacés par le tome III des Mémoires de de Gaulle - Le salut 1944-1946. Le nouveau venu pour la partie "Langage verbal et image", lui, ne fait guère problème : Tous les matins du monde de Pascal Quignard, roman porté à l’écran par Alain Corneau, remplace les Liaisons dangereuses.

Très vite, des critiques fusent. Mais à l’époque, elles passent assez inaperçues. D’autres polémiques occupent le devant de la scène : la disparition du chômage du programme de seconde de SES (Sciences économiques et sociales), celle de l’histoire-géo en terminale S... Le grand Charles entre alors par la petite porte au programme du bac L.

Les syndicats ne réagissent guère. Ils sont plus occupés par les suppressions de postes et la réforme du lycée. Le 5 février, le Snes - principal syndicat du secondaire - a juste glissé un paragraphe - sur la dérive de la discipline qui confond de plus en plus littérature et histoire - dans une réaction plus générale aux nouveaux programmes de seconde.

Des professeurs décident alors de s’organiser eux-mêmes et lancent une pétition à la mi-mars. A ce jour, elle a recueilli 1 568 signatures.

La critique principale porte sur la qualité littéraire de l’oeuvre. "Proposer de Gaulle aux élèves est tout bonnement une négation de notre discipline, écrit la pétition. Nul ne songe à discuter l’importance historique de l’écrit de de Gaulle. Mais enfin, de quoi parlons-nous ? De littérature ou d’histoire ? Nous sommes professeurs de lettres. Avons-nous les moyens, est-ce notre métier de discuter une source historique , d’en dégager le souffle de propagande mobilisateur de conscience nationale ? Car il s’agit bien de cela : aucun thuriféraire du général ne songerait à comparer l’écriture des Mémoires de guerre au style et à la portée de tout autre mémorialiste ".

La pétition dénonce aussi le déséquilibre du programme. Il compte en effet trois auteurs du XXè siècle - outre Quignard et de Gaulle, Samuel Beckett avec Fin de partie, qui sera ; lui, changé l’an prochain - , à côté d’un auteur antique du VIII è siècle avant Jésus-Christ, Homère avec l’Odyssée. "Cette sorte de trou de mémoire pédagogique serait déjà en soi un motif d’inquiétude".

Les protestataires s’inquiètent enfin du biais idéologique d’un tel choix. "On pourrait le soupçonner de flatter la couleur politique du pouvoir en place, souligne la pétition. A la prochaine alternance, devrons-nous enseigner l’ Armée nouvelle de Jean Jaurès, ou l’essai sur le mariage de Léon Blum ? Nous transmettons des valeurs républicaines, pas des opinions politiques".

Le soupçon est nourri par le fait que le conseiller spécial du président, Henri Guaino, a déjà revendiqué publiquement avoir son mot à dire dans les programmes scolaires.

En toile de fond, il y a la réforme du lycée qui inquiète. La matière va perdre deux heures sur les quatre qu’elle a actuellement. Les signataires de la pétition réclament que l’on garde les quatre heures - la nouvelle terminale se mettra en place en 2011-2012.

Pour lire la suite sur le blog C’est classe de V. soulé