Accueil > Pratiques du pouvoir > Positions de la CPU > Et la réponse à “l’approche proactive de la CPU” n’a pas tardé : elle est venue (...)

Et la réponse à “l’approche proactive de la CPU” n’a pas tardé : elle est venue du CA de l’Université de Strasbourg, le 28 mai 2019, mais aussi de l’élue SNESUP au CA de l’université de Bourgogne le 27 mai 2019

jeudi 30 mai 2019, par Mariannick

- Déclaration faite au CA de l’université de Bourgogne par l’élue SNESUP le 27 mai
- “Vous ne parlez pas en notre nom” Lettre ouverte au président de notre Université (Strasbourg, 28 mai)

La déclaration suivante a été adressée au président de l’Université de Bourgogne par notre élue [SNESUP] au conseil d’administration ce jour :

Le Snesup-FSU a pris connaissance du communiqué de la CPU en date du 21 mai 2019, et nous souhaitons des explications de votre part sur la validation de son contenu au sein de la CPU. En effet, la CPU est censée, aux termes de la loi (article L233-2 du code de l’éducation) représenter les intérêts des établissements qu’elle regroupe, lesquels ne peuvent être définis sans prendre en compte ceux des personnels et des usagers de ces établissements et doivent donc être déterminés par le débat au sein des conseils d’université, également définis par le code de l’Éducation.

Or le communiqué du 21 mai, au motif d’une « approche proactive de l’autonomie », attaque le statut et l’indépendance des enseignants-chercheurs et prône le localisme ainsi que la déréglementation au détriment du service public d’enseignement supérieur et de recherche, en particulier dans le point 3, je cite votre communiqué :

« Donner à l’université l’autonomie à la fois de recrutement et de gestion des carrières de ses personnels, ce qui passe par :

* la suppression de la qualification, et la révision de l’ensemble de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs ;
* des promotions décidées localement en s’appuyant sur un processus d’évaluation transparent ;
* un assouplissement du cadre des missions des enseignants-chercheurs et de la comptabilisation de leurs activités, la règle des services de 192h TD équivalent présentiel, de plus en plus en décalage avec les nouvelles pratiques pédagogiques, devenant obsolète. »

Ces propositions n’ont pas été discutées au sein des conseils de notre établissement. Aussi souhaitons-nous savoir de quels mandats étaient porteurs les présidents et présidentes qui ont élaboré ce communiqué, au sein de quelles instances ces mandats ont été élaborés et quelles ont été les modalités de validation de ce communiqué du 21 mai. Si, effectivement, vous n’avez pas été consulté·e, la publication d’un démenti à ce communiqué, en votre qualité de président/présidente de notre université nous semble absolument indispensable.

A Dijon le 27 mai


La lettre de Strasbourg ouverte a été mise à la pétition dans la foulée de ce CA.

Les personnels extérieurs à l’université peuvent signer sans hésitation : le formulaire permettra de comptabiliser les signatures de l’Université de Strasbourg.


Monsieur le Président,

Vous vous êtes associé, le 21 mai 2019, à un communiqué de la Conférence des Présidents d’Université (CPU) qui provoque l’inquiétude et l’indignation de la communauté d’enseignement et de recherche. Avec les autres présidents d’université, vous ne réclamez rien de moins que “la suppression de la qualification, la révision de l’ensemble de la procédure de recrutement des enseignants-chercheurs ; une gestion locale des promotions ; un assouplissement du cadre des missions des enseignants-chercheurs et de la comptabilisation de leurs activités, la règle des services de 192h TD équivalent présentiel, de plus en plus en décalage avec les nouvelles pratiques pédagogiques, devenant obsolète.”

Voilà donc le projet de la CPU : mettre à bas le statut des enseignants-chercheurs, le cadre national des concours et les libertés universitaires, en finir avec le contrôle national des sections du CNU, assouplir jusqu’à l’informe les procédures de recrutement et de gestion des carrières, livrer ces recrutements et ces gestions au localisme et au clientélisme, en arriver enfin à la modulation des services qui verra les charges d’enseignement des uns s’alourdir au bénéfice improbable des autres.

Un tel projet constitue à nos yeux une véritable trahison. Aucun débat n’a eu lieu dans les conseils centraux de notre université sur un tel projet. Aucun mandat ne vous a été confié en ce sens.

Monsieur le Président, nous vous demandons solennellement de vous désolidariser publiquement de ce communiqué de la CPU. Le programme de destruction du Service public de l’Enseignement supérieur qui y est exposé n’est pas le nôtre. En le signant, vous ne parlez pas en notre nom.

De même, nous ne nous reconnaissons pas dans le bilan que vous dressez de l’application de la loi d’autonomie et de responsabilité des universités (loi LRU de 2007). Bilan triomphal qui claironne que « la dynamique de transformation des universités a produit de nombreux résultats dans la plupart des champs d’activités des établissements : construction de stratégies de recherche ambitieuses, développement d’offres de formation plus cohérentes, véritables politiques de ressources humaines, amélioration des campus, déploiement de nouveaux leviers de partenariats locaux, nationaux et internationaux, invention de nouveaux outils à l’interface entre la science et la société. »

La loi de 2007, loin d’avoir produit les merveilleux résultats que vous même avec la CPU décrivez, a été une loi de dégradation constante de l’université, et en particulier de la nôtre. En fait de “stratégies de recherche ambitieuses”, notre université s’illustre par une absence de stratégie de recherche : reposant tout entier sur l’IDEX, le financement de la recherche se fait à l’aveugle, sans vision ni cohérence, sans débat ni contrôle : de stratégie de recherche, il n’y en eut point, mais seulement un financement au fil de l’eau d’un pilotage opaque. En fait de “développement d’offres de formation plus cohérentes”, nous avons assisté à une déconstruction de nos formations avec une baisse du volume d’heures dans les premiers cycles et en définitive à un appauvrissement généralisé de cette offre. En fait de “véritables politique de ressources humaines”, notre université a assisté, impuissante, à un alourdissement de la charge de travail des personnels administratifs et des personnels enseignants, à l’augmentation de 30% du nombre d’étudiants par enseignant (29 en 2017 contre 22 en 2010), et à une généralisation corrélative des personnels précaires. D’une “véritable politique de ressources humaines”, il n’y en eut point, mais une politique incohérente d’augmentation de la bureaucratie universitaire au détriment de nos fonctions et missions premières, au prix d’une souffrance au travail qui se généralise.

On pourrait dans tous les secteurs continuer d’égrener les preuves de cette dégradation progressive et implacable de notre université. Il est tout simplement faux d’écrire que la loi a permis « l’amélioration de toutes ses missions » : formation, innovation, recherche. Sur l’ensemble de ces secteurs, loin d’avoir été une loi promouvant l’autonomie et la responsabilité des universités, elle a produit hétéronomie et irresponsabilité. Hétéronomie, car les universités sont plus que jamais dépendantes du ministère qui, pour prix des Idex, réclame et obtient des regroupements incohérents d’université (les Comues), réclame et obtient (le plus souvent) des augmentations des droits d’inscriptions pour les étudiants non-communautaires, pour compenser la faiblesse des dotations de l’Etat au moyen d’un financement par les usagers ( doublement des recettes sur droit de scolarité entre 2010 et 2017, passant de 13 M€ à 26M€ ). Pour être « bons élèves », les présidents d’université ont servilement appliqué la politique destructrice des universités, quand ils n’en ont pas été les initiateurs.

Irresponsabilité, car les structures de financement de la recherche ne font plus l’objet d’aucune reddition des comptes financiers et scientifiques devant les instances élues de l’université, pas plus qu’elles ne sont contrôlées. Irresponsabilité, car l’incurie de la gestion financière et RH de notre université, qui se lit dans la politique en accordéon qui alterne régulièrement serrage austéritaire des budgets et gabegie gestionnaire, ne fait jamais l’objet ni d’un débat, ni d’un contrôle. Irresponsabilité, car la politique sans vision en matière de recherche n’a fait l’objet d’aucun débat, ni d’aucun vote, mais se résout dans une distribution clientéliste des ressources.

Mais le communiqué de la CPU ne s’arrête pas à ce satisfecit fat. Avec la Conférence des présidents, vous réclamez toujours plus d’autonomie, comme les médecins de Molière réclamaient toujours plus de saignées, dont on sait pourtant qu’elles vont tuer le patient. Dans une langue qui n’a plus aucune attache avec le réel, vous ne cessez d’appeler à une refondation de la contractualisation, à une réduction massive des textes réglementaires, à une généralisation du droit à l’expérimentation, etc.

Monsieur le Président, encore une fois, nous vous demandons solennellement de vous désolidariser publiquement de ce communiqué de la CPU.