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Les non-titulaires de l’ENS durcissent le ton, Laurent Mouloud, l’Humanité, 28 mars 2011

mardi 29 mars 2011

En grève depuis janvier, les personnels précaires de l’École normale supérieure de Paris occupent les locaux de la direction depuis hier pour réclamer leur titularisation et une amélioration de leurs conditions de travail.

Le conflit à l’École normale supérieure de Paris est entré dans une phase décisive. Hier, le personnel précaire, en grève depuis le 10 janvier pour réclamer sa titularisation, a occupé les salons de la direction, au premier étage du prestigieux établissement de la rue d’Ulm, soutenu par une cinquantaine d’étudiants et de techniciens du CNRS. « On est obligé d’en arriver là face à l’entêtement de la directrice alors même qu’une sortie de conflit est à portée de main », peste Alain Barbier, un des responsables de la Ferc-Sup CGT qui soutient le mouvement.

UNE BELLE SOLIDARITÉ DE LA PART DES ÉTUDIANTS

Au coeur de ce bras de fer : quatorze agents contractuels, personnels de cuisine et de ménage, qui enchaînent les CDD d’un an renouvelable dans des conditions de travail parfois scandaleuses. Une agent d’entretien est là depuis dix ans, un cuisinier depuis six. Leur sort – emblématique – a fait l’objet, depuis novembre, d’une belle solidarité de la part des étudiants, techniciens du CNRS et employés de maintenance. « Les étudiants comme nous, nous sommes payés, pour la plupart, 1 380 euros par mois, résume un normalien. Les employés, eux, font un travail très dur et ne perçoivent que 1 100 euros ou juste 1 300 euros pour ceux avec deux enfants, avec la peur chaque année de ne pas être renouvelé. » Le tout dans une ambiance souvent délétère. Plusieurs employés se plaignent en effet de harcèlement moral et physique de la part de leur hiérarchie. Des remarques homophobes ou sexistes. Mais aussi des coups. « Une femme de service a eu la jambe fracturée après qu’un chariot lui a été lancé dessus, explique Alain Barbier. Un autre se serait fait casser des dents par son supérieur. » Une procédure judiciaire est en cours. C’est dans ce contexte que la grève des personnels de cuisine a débuté en janvier. Fermée, la cantine qui héberge 1 200 couverts par jour ! À la place, les grévistes organisent la vente de sandwichs et de crêpes. Les étudiants et les personnels donnent ce qu’ils veulent, ce qui permet de payer les jours de grève. La négociation avec la directrice, Monique Canto-Sperber, qui oppose une fermeté absolue, tourne malheureusement en rond.

PROTOCOLE DE SORTIE DE CRISE

Ces dernières semaines, l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF-CGT) est montée au créneau. Et finalement, mercredi dernier, un protocole de sortie de crise est rédigé entre le syndicat et le chef de cabinet de Georges Tron, le secrétaire d’État chargé de la Fonction publique. Selon le syndicat, ce protocole accepterait le passage immédiat en CDI des quatorze contractuels et, pour les douze résidents intracommunautaires, la titularisation pourrait intervenir début 2012. Une belle avancée. Seulement voilà. Depuis plusieurs jours, Monique Canto-Sperber traînerait des pieds pour apposer sa signature au bas de ce document. « Hier (mardi – NDLR), elle a nié l’existence de ce protocole avant, fait remarquable, de le reconnaître ce matin (mercredi – NDLR)… », souffle Alain Barbier. Lors de leur dernière assemblée générale, hier, les personnels ont annoncé qu’ils ne rencontreraient plus la directrice jusqu’à ce qu’elle accepte d’ouvrir des négociations. « Son acharnement échappe à toute forme de rationalité, souligne la Ferc-Sup CGT. La sortie de conflit lui est servie sur un plateau par le ministère lui-même et elle refuse de l’acter. »

LE CHIFFRE

16,5 % La proportion de non-titulaires est passée en dix ans de 14,4 % à 16,5 %, selon le rapport sur l’état de la fonction publique 2009-2010.

UNE PÉTITION INTERNATIONALE

Lancée par Judith Butler, professeure de rhétorique à Berkeley, une pétition critiquant la politique de Monique Canto-Sperber à l’ENS a été signée par près de 160 chercheurs internationaux de premier plan, dont Noam Chomsky, issues des meilleures universités mondiales, comme Oxford ou Columbia. Dans ce texte, ces chercheurs condamnent non seulement l’interdiction de la conférence de Stéphane Hessel, mais aussi le refus d’organiser au sein de l’école des réunions publiques sur Israël à l’initiative du collectif ENS Palestine. « Nous ne sommes pas convaincus, expliquent les pétitionnaires, que ces réunions constituaient une menace à l’ordre public. »

LAURENT MOULOUD