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"De la misère en milieu étudiant", Sylvain Cypel, Le Monde, 26 mars 2013.

jeudi 28 mars 2013

Lettre de Wall Street. Les parents de Margot sont suffisamment aisés pour lui avoir payé quatre années de college (premier cycle) à l’université huppée de Columbia, à New York. Licenciée en économie et mathématiques en mai 2010, la jeune femme raconte un parcours où la désillusion a crû au fil d’une recherche d’emploi éprouvante. Elle visait un travail dans le business development, un métier supposé porteur pour les jeunes diplômés, à la croisée du commercial et de l’innovation.
Elle a frappé aux portes des banques et des start-up, n’a trouvé que des stages à 600 dollars par mois (465 euros). Un an et demi à vivre "surtout de baby-sitting, de cours privés donnés à des lycéens". Columbia, c’est l’Ivy League, la crème universitaire américaine. Brusquement, cela est devenu un désavantage : "Les employeurs pensent que vous allez coûter trop cher, ou que vous ne vous accommoderez pas longtemps d’un bas salaire." Autre problème, "les postes proposés sont plus mal payés qu’avant et des chômeurs avec trois à cinq ans d’expérience professionnelle candidatent. Avec mon seul diplôme, je n’avais aucune chance".
Banal chez un jeune Français, ce discours est neuf aux Etats-Unis, où le chômage des jeunes était quasi inconnu avant la crise. Lasse de naviguer entre inactivité et petits boulots, Margot a fini par travailler avec sa mère, agent immobilier. Laquelle dit ceci : "Payer 200 000 dollars [155 000 euros] pour qu’à la sortie un enfant diplômé ne trouve pas de travail, ou un travail à 30 000 dollars par an, économiquement, cela n’a pas de sens."
L’Amérique découvre le chômage structurel des jeunes, et des jeunes diplômés en particulier. Ces phénomènes - précarité, bas salaires pour des emplois sous-qualifiés... - font l’objet d’une préoccupation croissante aux Etats-Unis. Dans tel grand cabinet d’avocats d’Atlanta, la jeune femme distribuant le courrier est licenciée en droit et la réceptionniste diplômée en management, racontait récemment le New York Times, dans une enquête intitulée "Pour classer des dossiers, il faut maintenant avoir une licence".
A Atlanta (Géorgie), 39 % des offres d’emploi de secrétaire ou d’assistant administratif requièrent un diplôme universitaire... Le comble est que celui-ci devient de plus en plus coûteux. Le magazine phare du courant libertarien, Reason ("Raison") - devise : "Esprits libres, marchés libres" -, publie dans sa livraison d’avril un comparatif instructif : sur les trente-cinq dernières années, les frais d’inscription universitaires de premier cycle ont connu une hausse (record américain incontesté) deux fois plus forte que le coût de la santé et sept fois plus que l’accès à la propriété.

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