Accueil > Pratiques du pouvoir > Les "politiques" > Discours de Marc Lipinski lors du lancement de la construction de l’Institut (...)

Discours de Marc Lipinski lors du lancement de la construction de l’Institut de Biologie Génétique et Bio Informatique de l’Université d’Evry-Val-d’Essonne (4 décembre 2009)

dimanche 6 décembre 2009, par Jean-Pierre

Etaient présents lors de ce discours : Richard MESSINA, Président de l’Université d’Evry-Val-d’Essonne ; Michel BERSON, Président du Conseil général de l’Essonne ; Manuel VALLS, Député-Maire ; Valérie PECRESSE, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Madame la Ministre,
Monsieur le Député Maire,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Président de l’Université d’Evry-Val-d’Essonne, Cher Richard,
Chers Collègues, chers amis,
Mesdames, Messieurs,

C’est un vrai plaisir que d’être avec vous ici, ce matin, pour poser la première pierre de ce nouvel institut d’enseignement et de recherche de l’Université d’Evry Val d’Essonne.

L’Institut de Biologie, Génétique et Bio Informatique regroupera des équipes travaillant dans des domaines stratégiques pour le XXIe siècle. Biologie des systèmes, bio-infomatique, systèmes complexes, autant de champs thématiques à décrire, à explorer, à défricher de façon pluri-disciplinaire pour faire avancer les connaissances, pour ouvrir de nouvelles perspectives.

Voici donc un projet Evryen et Essonnien ambitieux, à la hauteur de l’ambition que nous avons en partage pour la recherche francilienne et la recherche française. Ce projet, le Conseil régional l’a accompagné et soutenu dès sa naissance en inscrivant sa première tranche au Contrat de plan Etat-Région 2000-2006. La totalité du financement était prise en charge par la Région pour 15,245 M€ et par le département de l’Essonne à hauteur de 11,43 M€, département qui a financé en outre les travaux d’aménagement et de voirie aux abords du terrain.

Sous maîtrise d’ouvrage Région Ile-de-France, l’opération a suivi toutes les étapes complexes d’une opération sou maîtrise d’ouvrage publique. Permis de construire finalement accordé en octobre 2008, en juillet dernier les entreprises étaient sélectionnées et nous voici aujourd’hui, prêts à manier la truelle. Si tout va bien - et pourquoi en irait-il autrement ? - le bâtiment sera livré à l’été 2011. Ce sera un bâtiment HQE.

Il sera temps alors d’attaquer la deuxième tranche, envisagée dès le départ et inscrite au Contrat de projets Etat Région 2007-2013, signé en 2007. Pour cette deuxième tranche, ce sont à nouveau la Région et le Département qui investiront, la Région qui a prévu d’investir 20 M€, le Département 12 M€. Le bâtiment sera bien évidemment encore plus ambitieux en matière énergétique, aux normes des Bâtiments Basse Consommation. Et il bénéficiera d’équipements sophistiqués.

On le voit, les collectivités territoriales sont présentes ; elles sont actives ; elles investissent parce qu’elles savent qu’il faut soutenir les laboratoires de recherche et les chercheurs. Qu’il faut les soutenir dans la durée. Parce que leur travail est oh ! combien nécessaire si nous voulons assurer un avenir à notre pays et à notre jeunesse, que ce travail s’effectue sur des temps longs. Et cela au moment même où le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche observe un manque d’appétence pour les carrières scientifiques, prévoit une réduction sans précédent des étudiants qui souhaiteraient s’engager dans des travaux de thèse. Il est vrai qu’avec la précarisation qui s’aggrave chaque année dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, on peut le comprendre.

Les collectivités investissent donc, et elles investiront encore... si tant est qu’elles continuent à disposer du droit de le faire et des ressources financières pour le faire.

Du droit de le faire, question qu’il faut bien poser, puisque le gouvernement auquel vous appartenez, Madame la Ministre, s’apprête à réformer très profondément les règles et les modes d’organisation politique du territoire. A l’opposé de tous les pays modernes ou presque, notre pays devrait, c’est ainsi que l’imagine le gouvernement Sarkozy Fillon, il devrait donc reculer sur la décentralisation des responsabilités et des compétences, décentralisation à peine entamée pourtant vers les niveaux pertinents, le niveau local et régional.

Les Régions seraient ainsi privées de la clause de compétence générale, clause qui leur permet, justement, comme elle le permet aux départements, d’intervenir dans des secteurs qui ne sont pas de leurs compétences légales obligatoires. Je parle ici de l’Enseignement supérieur, je parle ici de la Recherche.

Vous vous vantez, Madame la Ministre, de la Loi Libertés et Responsabilités des Universités, la loi LRU, loi que votre gouvernement a fait voter dans la foulée de l’élection présidentielle, au cœur de l’été 2007. Que n’appliquez-vous les mêmes principes aux Régions, entités démocratiquement élues, parfaitement en mesure de prendre en charge nombre de questions cruciales pour les territoires, questions que vous voulez continuer à contrôler du haut de la Montagne Sainte Geneviève. Ce n’est pas ainsi que doit fonctionner un pays moderne.

Je ne sais si les Régions continueront à bénéficier de la clause de compétence générale. Ce que je sais, c’est que leurs ressources financières sont et seront de plus en plus contraintes puisque les réformes annoncées visent à enlever aux collectivités territoriales toute marge de manœuvre financière.

Et ce n’est pas en annonçant jour après jour de nouveaux milliards pour l’enseignement supérieur et la recherche, des milliards jamais consumptibles, des milliards en forme de capital furtif, des milliards virtuels de crédits impôt recherche à l’efficacité douteuse et jamais évaluée, milliards qui n’empêchent nullement la recherche française publique et privée confondue de reculer année après année dans les classements internationaux en terme de pourcentage du PIB national investi dans la R&D.

Ce n’est pas non plus en promettant un nouvel âge d’or pour la recherche, car les chercheurs ne sont pas des chercheurs d’or, non, ce sont des chercheurs de connaissances. Non, ce n’est pas avec des annonces et des mots qu’on fait tourner les laboratoires. Il ne suffira pas de construire des bâtiments. Et encore faut-il bien regarder qui les finance, ces bâtiments ! Qui, ici, à l’Institut de Biologie ? Qui, plus loin, au Centre de recherche clinique translationnel, qui encore au Centre de Bioproduction de Généthon, bâtiments pour lesquels l’engagement de la Région Ile-de-France est également particulièrement notable, et qui contribueront à consolider le positionnement d’Evry dans le domaine des sciences génomiques et post-génomiques ? Qui donc, si ce n’est les collectivités territoriales, ces collectivités territoriales que certains vilipendent pour leurs prétendues extorsions fiscales, collectivités que vous incitez pourtant, de façon bien paradoxale, encore et toujours, à financer ces projets dont vous aimez, ces temps-ci, poser les premières pierres, ces bâtiments que vous vous plaisez, ces temps-ci, à inaugurer, pourquoi ces temps-ci d’ailleurs, Madame la Ministre ?

Non, ce n’est pas ainsi que fonctionne la recherche, toujours suspectée par certains, toujours accusée de n’être pas au niveau de la compétition internationale, contre toute évidence, contre toute vérité établie par les observateurs internationaux.

La recherche, Mesdames et Messieurs, elle fonctionne avec des personnes, des chercheuses, des chercheurs, des ingénieurs, des techniciennes et des techniciens. Et c’est précisément ce que le gouvernement refuse au pays, la capacité de recruter sur des emplois pérennes ces jeunes femmes et ces jeunes hommes nécessaires à faire avancer la recherche, ces jeunes docteurs qui ne trouvent pas d’autres emplois que des CDD sous-payés sur des contrats de recherche de court terme, ces contrats de l’Agence Nationale pour la Recherche dont les crédits explosent pendant que les organismes de recherche sont réduits à une portion de plus en plus congrue.

En 2010, le CNRS par exemple, que beaucoup de pays nous envient, ne pourra recruter que 2% de ses effectifs actuels pour « compenser les départs en retraite ». A un tel rythme, pas besoin d’avoir gagné une médaille Fields pour calculer qu’il faudrait 50 ans pour en renouveler la totalité. Est-ce un processus de mort programmée, d’apoptose comme disent les biologistes, qui est proposé ici ? Il est vrai que le CNRS a très récemment été convié par Monsieur Eric Woerth, Ministre du budget, à réduire rapidement ses frais de fonctionnement de 10%, en ne remplaçant qu’un départ sur deux à la retraite.

Mesdames et Messieurs, nous le savons tous ici, ou nous devrions tous le savoir, la biologie jouera un rôle essentiel au XXIe siècle. C’est bien pour cela qu’au Conseil régional d’Ile-de-France, avec le soutien de Jean-Paul Huchon, j’ai pendant la mandature qui s’achève proposé et obtenu que nous investissions prioritairement dans les sciences du vivant. Les Sciences du Vivant représentent la moitié de nos 14 DIM, nos 14 Domaines d’Intérêt Majeur labellisés par un vote en Assemblée plénière. Dans le prochain budget, celui que je présenterai au vote des Conseillers régionaux d’ici quelques jours, nous consacrerons 50 % des 150 millions et quelques du budget Recherche et Innovation aux DIM et la moitié ira encore aux Sciences du Vivant. Voilà comment nous traduisons de réelles priorités. En construisant des bâtiments d’enseignement et de recherche, en donnant aux réseaux de chercheurs les moyens de payer des doctorantes et des doctorants, des post-docs, à des niveaux de rémunération réellement européens.

C’est à ce prix qu’on prépare les succès de demain, succès qui succéderont aux succès d’aujourd’hui, tel celui obtenu il y a peu par un consortium d’équipes franciliennes travaillant sur une adrénoleucodystrophie, certains localisés dans cette ville même et que je salue, succès qui a fait il y a 15 jours à peine la une de Science, l’hebdomadaire américain de référence.

Fiers, nous le sommes, fiers nous pouvons l’être, des réussites des équipes de recherche lorsqu’un grand progrès est accompli, qu’une découverte est faite, mais il ne faut jamais oublier qu’une telle réussite résulte toujours d’étapes antérieures qui ont nécessité ténacité, créativité, échecs parfois, coopération toujours.

Coopération, oui, car dans la recherche, si la compétition est constante, la collaboration l’est aussi, car indispensable. Compétition n’est pas concurrence exacerbée. Nous, écologistes et de gauche, nous croyons à la coopération plutôt qu’à la concurrence omniprésente et exacerbée. Il est capital à nos yeux que les forces de recherche réparties dans l’ensemble du territoire francilien interagissent, où qu’elles soient et sans qu’il soit besoin de les rassembler sur un tout petit plateau, fût-il Essonnien, qu’elles se coalisent en réseaux, qu’elles se synergisent, pour le plus grand bien de la Région et du pays.

Nous y travaillons. C’est cela notre pari. C’est notre grand pari à nous.

Je vous remercie.


Marc Lipinski est Vice-président du Conseil régional d’Île de France
chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche
et de l’innovation scientifique et technique.