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Faire de l’ES-R une priorité pour le pays - H. Audier, Educpros, 17 juillet 2012

mercredi 18 juillet 2012, par Mariannick

L’enseignement supérieur et la recherche (ES-R) doivent être l’une des priorités du gouvernement. En le réaffirmant avec force, nous ne faisons que répéter l’engagement de François Hollande avant son élection.

Certes, le gouvernement a raison quand il dénonce la situation financière catastrophique dans laquelle la droite laisse le pays : une dette record, qui s’est accrue de 600 milliards depuis 2007, notamment du fait des somptueux cadeaux fiscaux, ce qui limite aujourd’hui les marges de manœuvres. La situation de l’ES-R est pire encore. En dix ans, le retard en matière de recherche (publique ET privée) par rapport à des pays qui nous devançaient déjà, s’est accru de l’ordre de 30 %. Hors inflation et changements de périmètres, nous n’avons rien vu, ou presque, du 1,8 milliard de plus par an promis par Sarkozy pour l’ES-R. A ce bilan global calamiteux s’ajoutent les cadavres dans le placard, soit plus de deux milliards pour le seul MESR : actions non budgétisées, retards de paiements, Plan campus non commencé, dettes énormes auprès des organismes internationaux ….

On ne redressera pas la situation financière, économique et sociale, le niveau de culture et de qualification, la formation d’enseignants de tous niveaux, celle d’ingénieurs et de chercheurs pour le « redressement productif », sans viser à rattraper le retard colossal accumulé par la droite depuis 2002 en matière d’ES-R. S’il est très positif que le gouvernement ait fixé l’école comme sa priorité majeure, ce qui aura un impact concret à 10 ou 20 ans, c’est un effort similaire qu’il faut produire sur l’ES-R, avec un impact positif entre 3 et 10 ans.

Pour atteindre l’objectif - pourtant plus qu’insuffisant de l’avis de l’auteur - de 3 % du PIB [1] pour la recherche dans dix ans - dont 1 % pour la recherche publique [2], c’est 1,3 milliard de plus par an qu’il faudrait investir dans l’ES-R public : universités, organismes, voire agences [3]. Soyons très clairs : s’il est indispensable de développer fortement la recherche industrielle, l’innovation, les programmes industriels, les recherches finalisées, ce serait un leurre de le faire sans un effort similaire sur les recherches de base. D’ailleurs, les pays les plus avancés en matière d’innovation sont aussi ceux qui investissent le plus dans le progrès et la transmission des connaissances.

Cet objectif conditionne le redressement économique, culturel et social du pays pour la décennie qui vient. C’est LA condition pour rétablir ce flux de jeunes s’orientant vers les métiers d’enseignement ou la recherche, pour mettre fin à la précarité, pour former beaucoup plus de docteurs et d’ingénieurs-docteurs, pour donner plus de temps aux E-C pour faire de la recherche et, in fine, pour disposer d’un potentiel de haut niveau pour remettre à niveau notre recherche, publique et privée [4].

1,3 milliard de plus par an, cela représente « en cumulé » près de 20 milliards de plus sur 5 ans (1,3 + 2 x 1,3 + 3 x 1,3 + …). C’est cette somme qu’il faut programmer, pas même pour rattraper notre retard, mais simplement pour ne pas l’accroître.

Comment, dans le contexte que l’on sait, réunir une telle somme ? Donnons des ordres de grandeur.

- D’abord en reconstruisant notre système sur la base de la coopération entre organismes et universités, en éliminant toutes les structures bureaucratiques dont on oublie trop souvent qu’elles sont aussi très onéreuses, tout en transférant progressivement 500 millions de l’ANR vers les établissements. Gain : de l’ordre de 3 milliards.

- Bien entendu, en remettant à plat la plupart des actions du « Grand emprunt », en supprimant les nouvelles gouvernances crées et en bannissant le concept de « périmètre d’excellence », en négociant avec chaque territoire un plan de développement à 10 ans, en faisant entrer progressivement ces procédures dans les processus budgétaires normaux. En utilisant sur 5 ans la moitié du capital prévu par l’emprunt pour l’ES-R public, gain : 8,5 milliards.

- En utilisant pour les constructions universitaires les intérêts des 5 milliards du « plan campus » non utilisés depuis 2008. Gain : 1,5 milliard.

- En transformant profondément le CIR : utilisation pour moitié pour les PME et les programmes de recherche industrielle, reversement progressif de l’autre moitié à la recherche publique. Gain sur 5 ans : environ 7 milliards.

Comme on le voit, la simple reconstruction de notre système lui donnerait les moyens de son redressement en éliminant l’extraordinaire gaspillage organisé par la droite pendant 10 ans. Mais il faudra davantage si on prend en compte la vie étudiante, la limitation des heures supplémentaires, l’amélioration de l’encadrement voire celle des carrières….

À lire ici


[1L’objectif de 3 % du PIB pour la recherche dans dix ans est pourtant plus qu’insuffisant de l’avis de l’auteur : à cette date une dizaine de pays auront dépassé 4% voire 5 %.

[2Incluant la recherche universitaire et 50 % des salaires, mais non la Vie étudiante et l’amélioration de l’encadrement.

[3La France investit 0,55 % du PIB dans ces trois entités (Allemagne : 0,75 %) qui constituent la recherche publique dans les autres pays

[4Il conviendrait de créer 6000 emplois par an pendant 10 ans. Nous y reviendrons