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Assises de la recherche : les propositions - Sylvestre Huet, Blog {Sciences2}, 28 novembre 2012
mercredi 28 novembre 2012, par
Les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche se sont terminées hier. La dernière séance a donné lieu à des comptes-rendus des ateliers. Puis à une synthèse qui a pris la forme d’un discours de haute tenue de Vincent Berger, le président de l’Université Paris Diderot (Paris-7), qui doit rédiger le rapport qui sera remis au Président de la République.
La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso annonce que, pour celles qui réclament une action législative, une loi sera déposé au Parlement « au premier semestre 2013 ». Elle devra remplacer l’arsenal législatif des réformes sarkozystes, en particulier la LRU de 2007. Parmi les auditeurs assidus, on notait le député PS Jean-Yves Le Déaut, qui sera à la manœuvre. Ce dernier organise déjà, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, une série d’auditions toute la journée du 4 décembre pour cette mise en musique.
Que retenir, rapidement, de cet exercice ?
Tout d’abord qu’il est vraiment nécessaire que certaines réalités soient dites.
Ainsi, la ministre Geneviève Fioraso a, m’a t-elle confié, « remercié Serge Haroche [1] pour avoir rappelé le salaire d’embauche des jeunes chercheurs et maîtres de conférence ». Eh oui, il semblerait que dans certains milieux décisionnaires et politiques, on ne sache pas vraiment qu’un titulaire d’une thèse, puis ayant déjà commencé sa carrière par des emplois précaires de post-doctorant et donc déjà âgé d’environ 28 ans, reçoit royalement 1750 euros nets, quelques 500 euros de plus que le Smic, soulignait notre dernier prix Nobel de Physique.
Lors de cette conversation, la ministre m’a confirmé qu’elle n’a pas de solution immédiate pour le dramatique problème des jeunes ingénieurs et chercheurs en CDD. Certes, elle a pu annoncer 2000 titularisation par an pour les techniciens des universités. Mais rien pour ces jeunes qui ont manifesté le jour de l’ouverture des Assises. Elle affirme pourtant qu’il y a une « prise de conscience » de ce problème que de nombreux orateurs des Assises, dont Vincent Berger, ont noté.
Elle affirme même avoir donné des instructions aux directions des Organismes de recherche pour que ces jeunes voient leurs CDD renouvelés et lance « mes consignes ne sont pas appliquées ». Toutefois, elle reconnait que « les organismes de recherche n’ont pas les moyens de faire face à ce problème. » Il semble clair que le dogme de la stagnation de l’emploi public pèse toujours sur le gouvernement et l’empêche de déployer une nouvelle politique, réellement ambitieuse, en matière de recherche.
Finie la guerre de tous contre tous.
Toutefois, ces questions d’urgence ne doivent pas éclipser les résultats de ces Assises.
Il est bien sûr contrasté, au regard des attentes, ces dernières n’étant pas identiques chez tous les acteurs. Les désaccords à gauche apparus ces dix dernières années n’ont pas disparus comme neige au Soleil. Les critiques les plus vifs du pouvoir politique déchu ont été peu visibles durant le processus - les animateurs de SLU ou de SLR, les syndicats, ont occupé une place minime, les précaires n’ont pu intervenir qu’après une forte pression. SLU fait ici une analyse caustique du discours de Vincent Berger. Et ici une analyse non moins caustique du débat sur l’élection des présidents d’Université. De son côté le Snesup souligne la marginalisation de la parole syndicale, pourtant légitimée par l’élection, lors des Assises, mais également que nombre des analyses du Snesup... ont été exprimées, illustrant ainsi des convergences (lire en fin de note son communiqué).
Mais le ton gouvernemental a changé avec la majorité politique. Il est même probable que le processus des Assises a remis en lumière "l’impéritie" du pouvoir précédent (Vincent Berger) et donc la nécessité d’en prendre le contre-pied. C’est clairement le cas au plan du discours, au plan du budget moins et sur ce point il sera décisif de suivre la recommandation de Vincent Berger d’une "sincérité budgétaire" totale, seule à même de fournir le socle d’un débat politique lui aussi sincère. Mais listons ces changements de discours
Finie la guerre de tous contre tous - des chercheurs comme des Établissements - dont Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse nous vantaient les mérites. Vincent Berger a bien montré que c’est le caractère collectif et coopératif de la recherche et de l’enseignement supérieur qui devait à l’inverse constituer la boussole des décideurs. Tant pour l’évaluation que pour le financement ou l’organisation.
Fini le discours sur une excellence figée, attribuée à tel ou tel individu ou tel ou tel labo, les autres, majoritaires, étant relégués dans l’ombre. L’excellence, a excellemment plaidé Vincent Berger, est mouvante, variable dans le temps, pas toujours perçue lorsqu’elle s’exprime. On se demande du coup pourquoi il a défendu les primes à la Pécresse...
Fini le discours sur une recherche qui n’allait fonctionner que par contrats à court terme - à ce sujet il serait temps de ne plus parler de financement sur projets pour désigner les contrats de l’ANR : le financement de base d’un laboratoire est fondé sur son projet scientifique, évalué régulièrement, le financement type ANR ne se caractérise pas par le fait qu’il soit destiné à un projet mais par son caractère limité dans le temps et au caractère prévisible à l’avance, de manière précise, des résultats d’une recherche. Vincent Berger a réclamé un redressement majeur des financements de base des Unités mixtes de recherche (UMR), "briques de base du système de recherche".
L’emploi pérenne doit redevenir la règle.
Fini le discours sur la précarité comme nouveau mode de fonctionnement majeur. Vincent Berger a dénoncé « l’explosion des emplois précaires » tout en soulignant la responsabilité partagée par les cadres de la recherche publique à cet égard. L’emploi pérenne doit redevenir la règle, et un plan de titularisation des précaires doit être réalisé dans le cadre d’un plan pluriannuel de l’emploi scientifique, a t-il demandé.
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[1] Écouter ici son discours — le plus applaudi des amphis "fictifs" où était confinée la piétaille (note de SLU)