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« Respectez-vous le Droit et la Démocratie ? » Lettre ouverte à Geneviève Fioraso - Pascal Maillard, blog Mediapart, 21 mai 2013

mercredi 22 mai 2013, par Nautilus

La loi que vous avez voulue pour l’Enseignement supérieur et la Recherche (ESR) sera débattue à l’Assemblée nationale à partir du 22 mai. Tout le monde en conviendra : après des années de réformes délétères, ce texte très attendu est d’une importance capitale. Or le gouvernement auquel vous appartenez a imposé que cette loi soit examinée en « procédure accélérée », ce qui limite les débats à une seule lecture. Bien plus, le temps législatif a été limité à 30 heures, soit le minimum légal. Est-ce là tout le crédit que votre gouvernement accorde à un texte de loi de premier plan, lequel exige des débats approfondis ? Quelle considération votre gouvernement a-t-il pour le travail des parlementaires en les forçant ainsi à débattre dans l’urgence ? Ne doit-on pas en déduire une volonté politique de faire passer en force une loi qui est contestée par une partie significative de la communauté universitaire, par la majorité des organisations syndicales, et qui n’a reçu l’approbation d’aucune instance nationale de l’ESR ?

Il est vrai que la loi que vous proposez n’apporte pas la rupture attendue par la communauté de recherche et d’enseignement. Vos principaux engagements lors de votre prise de fonction n’ont été suivis que de renoncements ou de mesures cosmétiques, inscrivant votre action dans la ligne des gouvernements de droite et des politiques néolibérales.

Ainsi, vous avez voulu faire des Assises territoriales de l’ESR un grand moment de consultation démocratique devant nourrir votre projet de loi. Celui-ci ignore les principales recommandations faites par les acteurs de l’ESR, le rapporteur des Assises et même le rapport de Jean-Yves Le Déaut, député socialiste.

Ainsi, vous avez dénoncé à plusieurs reprises le sous-financement criant des universités dont beaucoup sont aujourd’hui déficitaires. Votre action, depuis un an, n’a fait qu’aggraver une situation dramatique qui affecte les étudiants, tous les personnels, et accroît la précarité : vous faites baisser les dotations de fonctionnement et vous prélevez dans les budgets des universités des centaines de milliers d’euros au titre d’une « contribution au redressement des comptes publics ». Vous forcez ainsi les établissements à opérer des coupes sombres dans les heures d’enseignement, à geler des centaines de postes et à supprimer des formations entières. Si des mises en cohérence des offres de formation et des regroupements de composantes et de laboratoires sont certes souhaitables, on peut cependant se demander si vous ne prolongez pas sciemment et volontairement l’asphyxie financière des universités dans le but de les contraindre à des restructurations massives, à des regroupements, à des mutualisations en tous genres, ou encore à ces suppressions massives d’intitulés de diplômes que prépare votre ministère ?

Ainsi, vous avez dénoncé le millefeuille de la politique d’excellence et prôné des simplifications. Mais vous touchez à peine au Crédit Impôt Recherche, pourtant inefficace, vous maintenez l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), la totalité des projets d’excellence (IDEX, LABEX, etc) et la logique délétère de financement de la recherche par appels à projet, au détriment des financements récurrents d’Etat, et par conséquent au détriment du principe d’indépendance de la recherche publique. Bientôt les chercheurs passeront plus de temps à constituer des dossiers et à rechercher des financements qu’à chercher vraiment. Est-ce là la recherche que vous voulez ?
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Pascal Maillard
Élu au Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg

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