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Une révolution silencieuse dans la recherche française - Pierre-Yves Cossé, Blog "Génération 2ème gauche", La Tribune, 29 septembre 2014

lundi 29 septembre 2014, par Louise Michel

Ou comment ceux qui se prétendent de "gôche" (et ancien dirigeant de l’UNEF) se congratulent, entre gens de bien, de mener les réformes de la droite ...

Il est vrai que l’UPEM, qui se voit bloquer 50 postes d’enseignants ne fait pas partie des grands succès cités dans cet article ...

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Le plan Investissements d’avenir, conçu notamment par Michel Rocard, a donné lieu à une véritable révolution dans le monde de la recherche : des rapprochements entre universités permettant enfin l’émergence de pôles de taille mondiale

Il y a quelques semaines, Michel Rocard, entouré de quelques amis, fêtait ses 84 ans. Cet octogénaire, qui n’a pas peur du changement, venait d’emménager dans une charmante maison de village de l’ouest parisien, au toit de chaume, équipée d’une piscine intérieure, à proximité d’un grand bois. Le même vient de m’adresser une brochure « Comment la France se réconcilie avec l’excellence » (Librio/3 euros). Pas de dédicace mais un feuillet de l’éditeur précisant que l’auteur est en Sibérie. Pourvu que Poutine nous le rende intact.

La brochure traite du « programme d’investissements d’avenir » appelé souvent « le grand emprunt » qu’il a piloté avec un autre ancien Premier Ministre, Alain Juppé. Louis Gallois, qui fut commissaire général à l’investissement de juin 2012 à avril 2014 introduit le premier rapport annuel et rappelle l’objectif : élever le niveau de croissance potentielle au moyen d’investissements d’excellence dépassant les frontières entre disciplines et institutions.

Réveiller la recherche et l’enseignement supérieur

La brochure s’ouvre par un long discours prononcé par Michel Rocard à Shanghai en novembre 2013. Une fresque, étonnante de fraîcheur et de franchise, décrivant la création, la transmission et la diffusion du savoir en France, de nos Rois à la cinquième République. Nos défauts sont énoncés sans complaisance : universités trop petites sans patrimoine ni ressources propres, traitement égalitaire par l’Etat, obligation d’accueillir tous les sortants de l’enseignement secondaire, échec élevé en fin de première année.

Les conditions du recours au « grand emprunt » sont analysées avec un luxe de détails, qui ont pu lasser des Chinois, même lettrés. La liberté de manœuvre laissée aux deux coprésidents est soulignée. Une seule consigne a été donnée par le Président de la République : « réveillez et dynamisez la recherche et l’enseignement supérieur en France...je veux des résultats ».

L’émergence d’institutions de taille mondiale

Ce sont les deux copilotes qui fixeront les règles. Les investigations ne porteront que sur les dossiers en attente, soit bloqués faute de ressources, soit arrêtés avant la fabrication de prototypes ou le passage au stade industriel. Seront aidés les seuls projets innovants ayant réuni tous les forces nécessaires. La sélection de projets excellents sera confiée à des jurys internationaux. Le résultat des investigations de la commission est impressionnant : une « caverne d’Ali- Baba aux pépites insoupçonnées ...Pour être industriellement affaiblie, la France reste un pays intelligent ».

S’agissant du soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche, l’action jugée avec raison la plus révolutionnaire par Michel Rocard a consisté à "provoquer l’émergence d’un petit nombre d’institutions de taille et de réputation mondiale par regroupement d’entités existantes".

Un événement juridique et politique exceptionnel

Il s’est passé un événement juridique et politique exceptionnel, qui n’est pas suffisamment mis en valeur. L’organisation de nos universités ne prévoyait que deux dispositifs de rapprochement, la fusion ou la simple coopération, cette dernière formule étant insuffisante pour parvenir à des programmes véritablement intégrés, une des conditions de l’excellence. Certaines fusions ont bien eu lieu mais il restait un vide. Les réformateurs ont fait comme si il existait un dispositif de rapprochement intermédiaire, la communauté d’universités et d’établissements (COMUE) en s’inspirant de modèles anglo-saxons.

Et on a fait délibérer les conseil d’administration des universités sur un mode d’organisation qui n’était pas prévu par la loi. Le plus extraordinaire est que la plupart des conseils ont accepté ce dispositif novateur, prévu par aucun texte, pour des raisons diverses : importance relative des ressources financières en cause, besoin de transversalité, qu’il s’agisse d’enseignement ou de recherche. Les réticences les plus fortes sont venues des entités les plus petites. Avec la loi d’orientation pour l’enseignement supérieur et la recherche (juillet 2013) de Geneviève Fioraso, le vide législatif a été comblé. L’opération a été réalisée, sans rupture, sous deux présidences de la république. Du point de vue des principes démocratiques, le processus n’est guère satisfaisant, la loi ne venant qu’en dernier. Mais le résultat est là, l’atomisation de notre université et de notre recherche est fortement réduit, au prix d’un vif mécontentement de minorités bruyantes qui n’ont accepté ni la méthode ni les résultats.

L’autonomie des universités décidée par Nicolas Sarkozy et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur plus anciens (2006) avaient ouvert la voie. Des moyens financiers supplémentaires et la volonté politique de quelques uns ont permis d’aboutir.

Quatre exemples de succès

Un certain nombre d’opérations peuvent d’ores et déjà être qualifiées de succès.

Donnons quatre exemples.

La première « Université de Paris- Saclay » a commencé par un échec retentissant. Le jury international, montrant son indépendance, rejette le premier projet trop flou car ne prévoyant pas une gouvernance unifiée. Le second projet, qui propose un ensemble intégré, est retenu. La nouvelle université devrait se placer très rapidement parmi les premières universités mondiales, qu’il s’agisse de la recherche (pluridisciplinarité et plate-formes communes) de la formation, de l’innovation et de la valorisation de la recherche.

La seconde est l’Institut de recherche technologique Jules Verne à Nantes. Il intervient dans un domaine transversal, celui des technologies avancées de production, qui vise à fabriquer des produits de haute technologie grâce à des techniques innovantes et à des procédés nouveaux, bref « l’usine du futur. Parmi les projets en cours : une nouvelle génération de robot industriel (Asimov) Un campus intégrant recherche, formation et innovation est en construction.

La troisième est l’institut hospitalo- universitaire des maladies tropicales et infectieuses de Marseille. Un bâtiment unique permettra de gérer la recherche, la surveillance et le soin. S’agissant des vecteurs des maladies de voyageurs et de la culture microbienne, Marseille est déjà probablement le centre de recherche le plus performant du monde.
La quatrième est « la société d’accélération et de transfert de technologie (SATT) Ouest Valorisation. Les premiers résultats sont significatifs : temps de négociation et de signature égal ou inférieur à trois mois, détection de 160 innovations dont la moitié ont débouché sur de nouveaux projets ou logiciels, accompagnement de cinq start-ups, démonstrateurs opérationnels.

Le magot du grand emprunt malheureusement bientôt épuisé

Saluons un autre « excellent » Louis Gallois, septuagénaire seulement. Il a été un vecteur de cohérence, alors que le personnel politique changeait. Ainsi le Programme d’Investissements pour l’avenir contribue à la réalisation des 34 plans de la Nouvelle France Industrielle d’Arnaud Montebourg et s’inscrit dans les priorités sectorielles du gouvernement : transition énergétique, numérique, santé et économie du vivant. Seul regret : l’emprunt ne porte que sur 35 milliards d’euros. C’est beaucoup mais le magot sera bientôt épuisé.