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L’Education nationale méprise-t-elle ses chercheurs ? Un groupe de chercheurs, enseignants dans le secondaire, Libération, 22 octobre 2014

dimanche 26 octobre 2014, par Tournesol, Pr.

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TRIBUNE

Nous, doctorants ou docteurs en poste dans l’enseignement secondaire, entendons faire connaître la situation déplorable que l’Education nationale nous réserve à toutes les étapes de notre parcours d’enseignants et de chercheurs.

Aucun règlement n’encadre, ni ne protège efficacement l’activité de recherche des chercheurs qui exercent dans le secondaire. Tout au long des années consacrées au travail de notre thèse, obtenir un temps partiel, une disponibilité ou un détachement est soumis au bon vouloir de l’administration. Les congés formation restent encore inaccessibles au bout de sept à huit années de demandes. L’aménagement des emplois du temps pour les coordonner avec une activité à l’université (bien souvent bénévole ou précaire) est également loin d’être considéré comme naturel. Le refus de toute concession décourage, bien souvent, tout effort de recherche.

Les années d’enseignement à l’université semblent ne rien valoir aux yeux de l’Education nationale. Elles sont presque considérées comme des années blanches et annulent même les points d’ancienneté acquis auparavant dans le secondaire. L’Education nationale ne valorise pas suffisamment le niveau de formation de ses agents ! Il n’existe aucune reconnaissance pour les professeurs détenteurs d’un doctorat. Pourtant, ce diplôme relève d’efforts particuliers en matière de formation et donc, également, d’élargissement et de renforcement des compétences disciplinaires. Il est évident que la recherche enrichit l’enseignement. Un docteur ou un doctorant ne s’éloigne pas de ses élèves, il s’en rapproche ! Dans nos lycées, une telle absence de reconnaissance s’associe souvent, à l’endroit des agents concernés, à de l’indifférence voire à de l’hostilité, d’autant que les efforts en matière de recherche, de publication, d’organisation de journées d’étude (suites « naturelles » du travail de thèse) sont également souvent considérés comme une sorte de caprice préjudiciable à « l’intérêt du service ».

Comment le ministère de l’Education nationale, à nouveau uni à celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, peut-il ignorer tout ce qu’apportent les enseignants-chercheurs du secondaire aux universités françaises, dont ils assurent une partie substantielle des enseignements et des activités de recherche ? A l’heure où nos responsables prétendent travailler à la reconnaissance du statut de docteur dans toutes les administrations publiques, il est inacceptable que cette situation perdure. C’est pourquoi nous demandons que des mesures soient rapidement prises en ce qui concerne : 1) le statut général des enseignants-chercheurs du secondaire (avec la création d’un grade de « docteur ») ; 2) les procédures de mutation (que soient pris en compte le titre de docteur, les années d’enseignement dans le supérieur et les points d’ancienneté dans le poste précédant un détachement) ; 3) l’avancement et la retraite (que soient intégrées au calcul des années d’ancienneté, en vue de l’avancement et de la retraite, les années effectuées dans le supérieur, que les détachements soient de droit en cas de contrat obtenu dans le supérieur) ; 4) l’articulation des activités d’enseignement et des activités de recherche (que soient créés un temps partiel de droit pour études doctorales comme pour des vacations dans le supérieur, une « décharge pour activités de recherche » ainsi que des autorisations de cumul permettant aux docteurs d’assurer des charges de cours à l’université ou de bénéficier d’un contrat ou d’une bourse postdoctorale en France ou à l’étranger). Une pétition à ce sujet a recueilli en deux semaines (via le site Change.org) près de 1 400 signatures.

Parmi les signataires de la pétition :
Etienne Balibar Professeur de philosophie émérite à Paris-Ouest, exerçant à Irvine et Columbia, Philippe Chanial Professeur de sociologie à Caen, Karine Chemla Mathématicienne, directrice de recherches au CNRS, Alain de Libera Professeur de philosophie au Collège de France, François Flahault Directeur de recherche en anthropologie au CNRS, Stéphane Haber Professeur de philosophie à Paris-Ouest, Carlos-Miguel Herrera Professeur de droit public à Cergy-Pontoise, Chantal Jaquet Professeure de philosophie à Paris-I Panthéon-Sorbonne, Christian Lazzeri Professeur de philosophie à Paris-X, Jean-Marc Lévy-Leblond Professeur de physique émérite à Nice-Sophia-Antipolis, Catherine Malabou Professeure de philosophie à Kingston College, Daniel Roche Professeur d’histoire honoraire au Collège de France, Claudine Tiercelin Professeure de philosophie au Collège de France, Frédéric Worms Professeur de philosophie à l’ENS-Ulm…