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Nominations ESR : il faut que tout change pour que rien ne change. Brigitte Miscellanée et Emmanuel Beuve-Méry, 20 mai 2017

samedi 20 mai 2017, par Louise Michel

Certains de nos lecteurs se sont inquiétés de notre absence de réactivité aux annonces si attendues des nouveaux ministres de l’ESR (enseignement supérieur, recherche et santé) alors que nous avions réagi à l’annonce du nouveau premier ministre en l’espace de deux minutes :

La raison est essentiellement que, comme très peu de choses ont changé par rapport au cabinet Fioraso-Pécresse, nous n’avons pas jugé utile de nous précipiter (Il faut que tout change pour que rien ne change, Giusseppe Tomasi di Lampedusa).

Donnons néanmoins quelques informations utiles à nos lecteurs.

La nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a fait sa maternelle à Nice, son CP à Nice, collège et lycée à Nice, sa maîtrise à Nice, son doctorat à Nice, elle est devenu maître de conférence à Nice puis professeur(e) d’université à Nice, vice-présidente formation de l’université Cote d’Azur installée sur le campus Valrose à Nice, présidente de l’université de Nice, mais elle est née à … Monaco. C’est dire si elle est parfaitement représentative du parcours de mobilité que l’on exige maintenant de tous les jeunes voulant se consacrer à la recherche.

La raison de cette nomination tient au regard bienveillant envers les entreprises qui lui a permis d’emporter les suffrages du côté du patronat, clusters, startup et autres écosystèmes en marche (c’est dans son ADN comme on dit à BFMBusiness), voir l’article de la Tribune :

Nommée au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la présidente de l’Université Nice Sophia-Antipolis est notamment celle qui a piloté l’obtention du label Idex.

C’est à elle que l’on doit la création en mars 2015, de l’Université Côte d’Azur, un ensemble qui réunit outre l’Université Nice Sophia-Antipolis, l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche tels le CNRS, l’Observatoire de la Côte d’Azur, les écoles de management Skema Business School et Edhec Business School, l’INRIA ou encore le CHU de Nice...

Une réunion de compétences de bon aloi qui va jouer un rôle non négligeable lorsque s’engage le processus d’obtention de la labellisation Idex la même année. C’est avec le projet UCA JEDI (pour Joint, Excellence Dynamic Initiative) que Frédérique Vidal va monter au front, s’engageant notamment à convaincre les entreprises azuréennes de participer au projet. Elle n’hésitera pas à expliquer et réexpliquer pourquoi il était important que les PME comme les grands groupes apportent leurs implications et leurs projets dans le projet. L’objectif avait alors été de convaincre 150 d’entre elles d’écrire noir sur blanc de quelle façon leurs propres investissements s’inscrivaient en droite ligne dans les axes définis par l’Université Côte d’Azur notamment sur le numérique, l’espace, l’environnement, le risque ou le territoire intelligent. Obtenu en janvier 2016, le label Idex est alors assorti d’un capital de placement de 580 M€. Avec le but de servir l’innovation via l’enseignement supérieur et la recherche.Ce regard bienveillant envers les entreprises c’est aussi ce qui a permis à Frédérique Vidal d’emporter les suffrages du côté du patronat. Philippe Renaudi, le président de l’UPE06, estime que la nomination de Frédérique Vidal est "une excellente nouvelle". Car justement, "elle a le souci et l’inquiétude des besoins des entrepreneurs, elle sait être à l’écoute". Ce qui semble indispensable mais n’est pas encore systématique lorsqu’il s’agit de parler formation adéquates.

Frédérique Vidal s’est aussi fortement engagée auprès du cluster EducAzur, la filière EdTech qui veut devenir le n°1 français. "Nous sommes fiers d’avoir construit à ses côtés l’écosystème EdTech azuréen qui a permis de renforcer la notoriété européenne et internationale du territoire et de la région PACA", estime Fabrice Moizan, le secrétaire général du cluster et PDG de la startup GayaTech. Frédérique Vidal arrive donc au gouvernement, auréolée de ses actions fortes pour le territoire azuréen.

Appliquera-t-elle la même méthode au niveau national ? Il va sans dire que les regards des chercheurs, des universitaires et plus largement de tous ceux qui militent pour une frontière moins étanche entre le monde académique et le monde économique sont désormais tournés vers Paris.

La CPU a adressé ses plus sincères félicitations à Frédérique Vidal, nommée Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation au sein du gouvernement dirigé par le Premier Ministre Edouard Philippe.

Concernant la CPU un intrus s’est glissé dans une belle photo de famlille (ci-dessous). On vous aide : l’intrus est à coté du Professeur Jean-Loup Saltzmann.

Notre slutiste embedded, quelque peu humilié de ne pas avoir correctement prédit le nouveau ministre de la recherche (il avait prédit de Rugy ...), nous a déclaré : "bon OK mes sources étaient bonnes mais je ne pouvais pas prévoir la grosse prise médiatique de dernière minute, Hulot, qui a écarté l’écolo de Rugy". Excuses pitoyables qui l’ont amené à surenchérir : "si Thierry Coulhon, ne devient pas conseillé en charge de l’ESR à l’Elysée je mange le bulletin de la CPU ou pire de la CURIF". Thierry Coulhon fut directeur adjoint du cabinet de Valérie Pécresse.

Une autre ministre joue un rôle important pour la recherche au travers de l’INSERM, à savoir la ministre de la santé, Agnès Buzyn.

Quelques articles de presse pêle-mêle :

Agnès Buzyn, des possibles conflits d’intérêts ?—[article_politique]—]

A 54 ans, elle est l’un des visages inconnus du gouvernement et fait partie de la « société civile » qu’Emmanuel Macron disait vouloir mettre en avant dans son gouvernement. Lors de sa nomination en mars 2016 à la tête de la Haute autorité de santé (HAS), Mediapart reprochait à Agnès Buzyn sa proximité avec les laboratoires pharmaceutiques. « L’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts », aurait-elle déclaré lors d’une réunion du Nile, un cabinet de lobbying. Des propos tenus, notamment devant la commission des affaires sociales du Sénat où elle expliquait que « l’obligation de déclarer tout lien d’intérêts avec les laboratoires » était devenue trop « handicapante  » pour certains chercheurs. Des positions qui avaient alors choqué Irène Frachon, la médecin lanceuse d’alerte dans l’affaire du Médiator.

Par ailleurs, de 2009 à 2011, alors qu’elle venait d’être nommée membre du conseil d’administration puis vice-présidente de l’Institut national du cancer, elle n’avait pas voulu renoncer à participer aux réunions du board de deux grands laboratoires pharmaceutiques : Novartis et Bristol-Myers Squibb.

Enfin, Agnès Buzyn est mariée à Yves Lévy, le directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), sur lequel son ministère est censé exercer une tutelle. Une situation qui a poussé son cabinet à réagir ce jeudi en indiquant au Monde : « Mme Buzyn ne traitera pas les sujets en lien avec l’Inserm grâce à la mise en place d’un "système de déport" ». C’est-à-dire que la tutelle de l’Inserm ne serait plus exercée par le ministère de la Santé. Une solution déjà utilisée pour d’anciens ministres afin d’éviter de possibles conflits d’intérêts.

Voir aussi, l’article de Mediapart : Les petits arrangements de la nouvelle présidente de la Haute autorité de santé le 7 mars 2016 Par Pascale Pascariello

Agnès Buzyn, qui prend ce lundi ses fonctions à la tête de la haute-autorité de santé (HAS), acteur clé du système de santé français, considère que les liens d’intérêt entre experts et laboratoires pharmaceutiques sont un gage de compétence. Plusieurs militants de la transparence comme le docteur Irène Frachon, à l’origine du scandale du Mediator, s’inquiètent auprès de Mediapart.

Au moins, les choses sont claires. «  L’industrie pharmaceutique joue son rôle, et je n’ai jamais crié avec les loups sur cette industrie. Il faut expliquer que vouloir des experts sans aucun lien avec l’industrie pharmaceutique pose la question de la compétence des experts. » Tels furent les propos tenus par le professeur Agnès Buzyn, alors présidente de l’Institut national du cancer (INCA) et qui vient d’être nommée ce lundi à la tête de la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une réunion organisée par le Nile, un cabinet de lobbying, en février 2013. Entendue au Sénat le 20 janvier dernier, dans le cadre de travaux de la commission des affaires sociales, elle n’a pas changé de position.

La ministre de la santé est l’épouse en secondes noces d’Yves Lévy directeur général de l’INSERM, voir l’article du monde :

Or, la désignation d’Yves Lévy a soulevé des questions et des réticences exprimées au sein des deux commissions parlementaires, qui ont cependant approuvé ce choix, mais aussi de la part de certains chercheurs. Le fait que la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ait choisi celui qui fut son conseiller a fait s’interroger la députée écologiste Isabelle Attard sur un potentiel conflit d’intérêts. L’élue reconnaissait toutefois que la règle qui interdit aux membres des cabinets ministériels de travailler pour les entreprises relevant du domaine de compétence de leur ministère ne s’applique pas à la fonction publique. Yves Lévy a quant à lui fait valoir qu’il est le premier président d’un organisme de recherche à ne pas avoir été directement nommé par le ministère de tutelle.

La sénatrice du Val-d’Oise Dominique Gillot évoquait un possible problème d’une autre nature : « L’Inserm est membre du groupement d’intérêt public que constitue l’Institut national du cancer (INCA), présidé par la professeure Agnès Buzyn, votre épouse à la ville. Que vous siégiez tous les deux au conseil d’administration de l’INCA ne vous expose-t-il pas au soupçon de conflit d’intérêts, notamment dans l’allocation des financements issus des investissements d’avenir entre l’Inserm et l’INCA, qui collaborent au sein de l’Institut thématique multi-organismes (ITMO), consacré au cancer ?  »

Sur ce plan, Yves Lévy répond : « Comme celui de l’Inserm, le budget de l’INCA est décidé en amont au niveau ministériel et aucun des dirigeants de ces instituts ne peut modifier le budget de l’autre organisme et son affectation. »

Anecdote amusante : il y a quinze jours de celà, Monsieur Yves Levy avait transmis sa volonté au dernier Conseil Scientifique de l’INSERM de vouloir répondre à toutes les injonctions du ministère de la santé qui est une de ses tutelles. Sa femme est maintenant devenu ministre de la santé, mais heureusement elle ne traitera pas les sujets en lien avec l’INSERM grâce à la mise en place d’un "système de déport. Nous voilà donc pleinement rassurés.

Enfin une gourmandise, l’excellent compte officiel de la Conférence des présidents d’université :