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L’excellence est agitée comme un leurre : elle mène à l’exclusion - Jean-Luc Antonucci, mcf à l’École Normale Supérieure d’Audiovisuel (Toulouse II, Le Mirail), co-secrétaire général de la Ferc-sup CGT, "l’Humanité", 21 février 2011

lundi 28 février 2011

La course à l’« excellence » des universités a de quoi surprendre. Pour un universitaire dont le travail repose sur le doute et l’esprit critique, l’« excellence » autoproclamée n’a guère de sens. Elle ne fonde ni un projet scientifique ni un enseignement. Elle ne cherche pas plus à mobiliser et à fédérer. Cette « excellence » n’est pas un objectif mais un principe discriminant destiné à exclure. C’est une perversion du langage à laquelle nous sommes désormais habitués. La loi LRU de 2007 n’a pas donné l’autonomie aux universités. Outil de la RGPP, elle a provoqué l’éclatement du service public d’enseignement supérieur et de recherche, poussé les universités vers des financements privés, accru le contrôle de l’État sur les établissements et restauré le mandarinat. Aujourd’hui, l’ « excellence » est agitée comme un leurre pour accélérer la transformation en profondeur de l’enseignement supérieur. Elle ne se partage pas. Elle est réservée à quelques rares élus et, en aucun cas, il ne s’agit de créer les conditions pour que chacun puisse y accéder. Parmi les vingt-sept projets Initiatives d’excellence (IdEx) qui ont été déposés, seule une poignée bénéficiera de la manne du grand emprunt. Sur 336 candidatures, seulement 52 projets Équipements d’excellence (ÉquipEx) viennent d’être sélectionnés et les projets Laboratoires d’excellence (LabEx) seront soumis au même régime. C’est un système universitaire à deux vitesses qui se met en place : ceux qui, peu nombreux, seront pourvus et tous les autres, exclus du régime de l’« excellence », réduits au statut d’établissements de seconde zone. Ainsi mis en situation de concurrence, les différents acteurs de l’enseignement supérieur vont développer leurs propres stratégies d’exclusion. Les logiques commerciales, la course aux parts de marchés et les effets de la concurrence vont entraîner des suppressions de disciplines et de formations, des restructurations, regroupements et mutualisations. Les enseignants, personnels et étudiants concernés seront sacrifiés au nom du marché et du « coeur de métier ». Personne n’est à l’abri.

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