Accueil > Revue de presse > (Non-)formation des enseignants : l’écran de fumée se dissipe - Luc Bentz, L (...)

(Non-)formation des enseignants : l’écran de fumée se dissipe - Luc Bentz, L eMonde (Chronique d’abonnés), 2 septembre 2010

lundi 6 septembre 2010

Tout avait été conçu pour que l’espace médiatique de la rentrée fût consacré aux thématiques ministérielles. Soigneusement préparé, un premier écran portait sur le retour annoncé de la discipline à l’ancienne et les réactions qu’elles ne manqueraient pas de susciter. La besace communicante contenait sûrement quelques arguments destinés à convaincre l’opinion que les critiques n’étaient que laxistes, pédagogistes et autres porteurs de l’idéologie soixante-huitarde qu’il est nécessaire d’éradiquer.

La deuxième ligne de défense était installé sur un paysage bien connu : celui des suppressions. Là où la disparition d’emplois serait dénoncée, on aurait répondu nécessité d’une gestion rigoureuse, du surplus des postes des fonctionnaires (postes est naturellement moins porteur de symbole qu’emplois ). Après la première salve on eût répondu par la nécessité de soulager la fiscalité pour ces pauvres Français après lesquels les budgétivores sont comme des sangsues et peut-être même, avec plus ou moins de bonne foi, que les quarante-mille postes d’enseignants déjà envolés ne semblaient guère manquer. En la matière, on saurait développer une stratégie de retardement ou d’étouffement plus proche du jeu de go pour étouffer toute tentative de guerre éclair.

La troisième ligne de défense serait assurée par d’autres : septembre serait marqué par l’important débat sur les retraites dans lequel les forces syndicales étaient engagées depuis de longs mois comme en une guerre de tranchées. Rien de tel qu’un front majeur ailleurs pour assurer le calme et la paix.

Mais le secteur de la formation des maîtres a fait l’objet d’un pilonnage massif. Reconnaissons qu’ici où là, certains en affectaient surtout la posture après avoir joué naguère auprès de Xavier Darcos le rôle des Saxons en 1813 dans la célèbre bataille dite « de la mastérisation » en se tournant contre leur camp. Pour autant, celles des forces qui avaient gardé leur ligne en cohérence s’exprimèrent avec force sur le sujet. Qui plus est, les syndicats de l’encadrement pédagogique, personnels d’inspection et de direction, tonnèrent contre l’affectation de jeunes professeurs qui n’étaient même plus frais émoulus puisque le moule des IUFM avait été cassé. Cette double canonnade eut un fort retentissement.

Ébranla-t-elle suffisamment le ministère pour que le dossier fût remis sur la table ? Cette partie de l’histoire n’est pas encore écrite, hélas ! Du moins peut-elle s’envisager plus fortement aujourd’hui. Longtemps circonscrite aux professionnels de la formation et aux militants aguerris, elle a atteint un public beaucoup plus large. L’écran de fumée n’aura pas réussi à camoufler le champ de ruines. Il reste à reconstruire : tâche considérable dont on ne mesure pas encore toute la difficulté, car il ne s’agira pas seulement de refaire ce qui existait auparavant.


Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/idees/chroniq...