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"Veuillez recevoir, M. le Recteur, l’expression de mon profond désarrroi..." - Véronique Soulé, Libéblog "C’est classe", 26 septembre 2010

dimanche 26 septembre 2010

La gestion des ressources humaines (RH) à l’’Education nationale, c’était un sacré gâchis... Alors le ministre Luc Chatel a décidé de revoir tout ça. But : optimiser les RH. Résultat : des profs qui courent d’un lycée à un autre, des remplaçants qui ne peuvent plus remplacer. Témoignage.

Prof de philo, Pierre, qui préfère garder l’anonymat, est TZR depuis ses débuts il y a dix ans, c’est-à-dire Titulaire sur zone de remplacement. Cela signifie qu’il est censé pouvoir être appelé pour pour remplacer un collègue, absent pour une durée plus ou moins longue.

Mais là, on se demande comment il pourra remplacer quiconque. A la rentrée, il a été nommé dans trois lycées, l’un à Saint-Dizier, le second à 30 kilomètres de là, le troisième à 35 kilomètres mais dans la direction opposée - ce qui lui fait parcourir certains jours 65 kilomètres aller. Il donne 6 heures de cours ici, 7 heures là et 4 heures là-bas. Il faut ajouter les préparations des cours, les corrections de dissertations et ... 8 heures de route hebdomadaires.

Questions : comment exercer correctement son métier dans ces conditions, s’intégrer dans une équipe, monter éventuellement des projets et surtout être disponible pour les élèves alors que le mot d’ordre officiel est l’individualisation des parcours ? Ensuite, si tous les TZR sont ainsi affectés à 100% dès septembre sur des postes à l’année, où trouver des remplaçants formés alors que l’une des priorités de la rentrée est d’améliorer le remplacement ?

A la mi septembre, Pierre a envoyé une lettre, à l’humour légèrement désespéré, au recteur de l’Académie de Reims. En voici de larges extraits :

"Monsieur le Recteur,

Ayant appris à la fin du mois d’août que mon service ne serait partagé qu’entre deux établissements à peine distants de 35 kms, c’est avec un immense soulagement que j’ai pris acte par téléphone d’un complément de service à effectuer dans un troisième établissement situé hors de ma zone. (...)

Depuis l’aire de repos de la RN4 d’où je vous écris, je ne me suis jamais senti autant indispensable qu’éparpillé ainsi entre tous ces lycées (...). Ravi grâce aux taxes sur le prix du Super, de participer à l’effort collectif pour résorber le déficit des caisses de l’Etat, je dilapide en carburant une partie de mon salaire, par ailleurs si élevé, et me réjouis que ces déplacements si mal remboursés soient de loin la solution la plus rentable.

Passant à peu près 8 heures par semaine sur les routes de Champagne, j’apprends aussi à rentabiliser mon temps : corriger les copies en conduisant est un peu délicat, mais il suffit d’attendre une grande ligne droite et de coincer le volant entre ses genoux - un jeu d’enfant ! Quant à la préparation des cours, j’ai pu, pendant une heure de trajet, méditer l’ébauche d’une leçon sur les rapports de l’Etat à l’individu, et sur l’aspect contradictoire de la formule "gestion des ressources humaines" (...).

Pour lire la suite :


Voir en ligne : http://classes.blogs.liberation.fr/...