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Le grand écart ou Une tentative alchimique (la recherche de la pierre philosophale susceptible de changer le plomb de la réforme en or de la bonne formation des enseignants) - Verbatim de la réunion de restitution des travaux de la commission sur la réforme de la formation des enseignants (dite « commission Filatre »), tenue le mercredi 7 octobre 2009 de 9h30 à 13h, par J.-L. Fournel (SLU)
jeudi 8 octobre 2009, par
« Le travail des commissions reste, les décrets passent »,
Olivier Faron, Directeur de l’ENS LSH de Lyon
La phrase précédente a été prononcée par un des membres de la « commission Filatre », présent ce mercredi 7 octobre à la tribune de la réunion organisée par la CPU, qui avait invité à cette occasion des représentants de syndicats, d’associations (même SLU y fut convié(e) !) et des différents acteurs du débat en cours sur la réforme de la formation des enseignants et de leur recrutement. Cette phrase transmet sans doute sinon la seule chose importante qui ait été dite ce matin-là du moins la plus lourde de conséquences politiques si elle est suivie d’effets et c’est pourquoi je choisis de commencer par ces mots. En effet, si l’on peut se féliciter qu’ait été (enfin !) organisée ce mercredi quelque chose ressemblant à un débat ouvert et sans exclusive (mais évidemment trop, court et calé sur les seules propositions de la CPU) sur une question essentielle (et il faudra donc revenir plus loin sur le contenu de ce débat), il est notable que la quasi unanimité des présents – hormis le représentant de la FAGE pour des raisons qu’il est sans doute le seul à comprendre… - étaient d’accord pour constater qu’il s’agissait sans doute de la pire des réformes possibles telle qu’elle se présentait aujourd’hui, la plus lourde de « dangers », de « risques » et de « contradictions » (tous ces mots furent récurrents dans les propos de tous les présents)… même si certains annonçaient aussitôt, selon un renversement classique des dérives du sentiment de la « responsabilité » lorsqu’il s’ancre dans le présent et ignore l’avenir, que c’était pour cette raison que nous devions collectivement nous employer à mettre en place cette même réforme en tentant de limiter ces effets pervers et en voulant croire que nous pouvions changer le plomb en or. Sur l’ensemble des propositions de la CPU pèse donc constamment - aujourd’hui et demain - cette épée de Damoclès que l’on ne peut oublier qu’à la condition de postuler que la communauté universitaire sera écoutée par les ministères concernés dans ses légitimes inquiétudes et protestations (or point n’est besoin d’être très radical pour tenir que la pertinence de ce postulat mérite d’être interrogée au vu de l’attitude des Ministres concernés depuis deux ans…). D’où l’exergue de ce verbatim : face à cette situation et face à des décrets promulgués fin juillet dont la mesure principale (quasiment la seule d’importance) consiste à dire que le concours de recrutement se passera en M2, la seule position tenable rationnellement pour les organisateurs de la rencontre d’aujourd’hui, était d’affirmer clairement (et nous devons leur savoir gré de l’avoir fait) que ce qu’un décret fit un autre décret pourra le défaire… Mais ce renversement radical de l’adage prêté à Clémenceau selon lequel une commission est la tombe d’un problème, ne prend vraiment sens que si on va jusqu’au bout de sa logique : il est nécessaire, c’est même une obligation raisonnable et rationnelle de continuer à lutter contre ces décrets par tous les moyens que nous avons. CQFD.
Revenons maintenant au verbatim proprement dit.
I / Restitution des travaux de la commission
La réunion était destinée à présenter les propositions de la commission Filatre (pour le détail desquelles voir le site de la CPU ou celui de SLU…), ce qui fut fait dans un premier temps par le président de cette commission en personne. Ce fut pour lui l’occasion de répéter – nous avions donc bien entendu – qu’il ne fallait « surtout pas » travailler sur des maquettes de masters d’enseignement avant le mois de décembre (cf site slu…….) mais aussi, au fil de la reprise de la liste des propositions d’avancer une lecture ou des inflexions qui ne sont pas sans intérêt. Mais avant cela, on fut heureux d’entendre Madame Bonnafous introduire les travaux de la journée en remarquant qu’il avait « manqué » jusqu’alors « un temps de débat avec syndicats et associations », et ce d’autant plus que nous sommes nombreux à demander le débat le plus large possible sur cette question depuis un an ! M. Filatre commence son propos en « refaisant l’histoire » du débat sur la réforme d’une façon qui n’est pas sans intérêt puisqu’il y apparaît que dès l’été 2008 la CPU avait parfaitement compris le lourd problème posé par cette réforme (quel dommage qu’elle ait mis tant d’énergie et de conviction à le cacher soigneusement jusqu’à la fameuse lettre au Président de la République du nouveau bureau de la CPU à la fin du mois de décembre 2008...). Madame Bonnafous, consciente du caractère somme toute assez peu crédible de cette reconstruction à la lumière de la chronologie des faits bruts, reprendra plus tard la question en précisant que la CPU avait compris dès juin effectivement mais n’a rien laissé transparaître publiquement dans la mesure où elle avait pris la mesure (« pour parler franc » sic) du soutien apporté à la réforme par « certains syndicats d’enseignants » (qui ne sont pas cités) et du « rapport de forces » (re-sic) ainsi créé. Elle fut alors « empêtrée dans cette contradiction et dans ce rapport de forces ». La position de la CPU, selon Madame Bonnafous, est de « n’être aimée par personne » ni par la tutelle ni par les opposants et elle restera fidèle jusqu’au bout à ses conclusions... La CPU déclare par ailleurs ne pas entendre « faire du prosélytisme » sur les stages et vouloir rester vigilante sur le fait que les stages ne soient pas « imposés » et restent « progressifs ». Les deux présidents insisteront sur la force politique qui consistait pour eux en juin dernier à se retirer de la commission Marois/Filatre. A propos des résultats de la commission qu’il présente M. Filatre note leur caractère « insuffisant », « forcément inabouti » : il ne s’agit donc que d’une « première étape » de dialogue appelée à s’enrichir (si on lui en laisse le temps !). Pour le détail des propositions je renvoie au texte de la commission Filatre et au power point utilisé ce mercredi matin et qui doit être mis en ligne demain sur le site de la CPU. Je m’en tiendrai à quelques notations :
insistance sur la place essentielle de la chronologie du concours « quel que soit le contenu des décrets publiés » : les deux hypothèses sont d’abord en fin de S2 du M1 et – comme solution de repli - au cours du S4 du M2 (les options avant le début du M - trop perturbante pour le L - ou après le master - provoquant un excessif allongement des études ayant été écartées). Il s’agit là du « meilleur compromis » et de la moins mauvaise des solutions plutôt que d’une bonne solution selon M. Filatre qui souligne que ce problème insoluble de manière satisfaisante de la concomitance entre formation et concours qui n’est posée, souligne l’orateur, par aucun autre concours en France !
demander un référentiel de formation comme cadre national selon le principe une même fonction mais des métiers différents (connaissances, capacités, aptitudes) avec 4 bloc de compétences (maîtrise des savoirs disciplinaires, maîtrise des savoirs didactiques, maîtrise des compétences méthodologiques et disciplinaires nécessaires à l’enseignement – c’est le lieu du lien avec la recherche en sciences de l’éducation – et, enfin, maîtrise des savoirs et compétences sur l’environnement institutionnel de l’éducation nationale – qui ne devrait déboucher ni sur une érudition creuse ni sur un entretien d’embauche mais s’inscrire dans une réflexion épistémologique.
La place de la recherche est essentielle au métier mais aussi à toute formation au niveau master et devrait être associée à la question du rôle central de l’université dans la formation continuée tout au long de la vie professionnel des enseignants.
Un concours mieux intégré dans la formation et « surtout pas » le contraire
Les architectures de concours et de masters doivent être profondément distinctes selon les métiers et les disciplines (non seulement pour les PE mais aussi par ex pour la distinction PLC LSHS et PLC Sciences – dans ce dernier cas le lien avec la recherche est de nature différente)
Sur les stages il est redit (malgré l’évidence de ce qui est train de se mettre en place en bien des endroits) qu’ils doivent être encadré avant, pendant et après, progressifs (observation, pratique accompagnée, en responsabilité)
Le mémoire pourrait être intégré dans les épreuves du concours (qui elles mêmes sont à repenser radicalement)
Il existe une question de « gestion des flux » à l’entrée en M1
Allocations pour étudiants méritants et rétribution des stages (mais Barranger dira plus tard que les étudiants ne se précipitent pas sur les stages)
Les questions pas encore traitées au fond selon M. Filatre : place des IUFM, équité territoriale, maintien de l’année de formation continuée après le concours (une paille !), place des TICE et des langues dans la formation. M. Filatre remarque aussi que la CPU sera attentive à la question des « reçus/collés » mais insiste en dernier lieu sur l’intégration des concours dans la formation « en clarifiant leurs différences fonctionnelles ».
Madame Bonnafous annonce une lettre aux ministres concernés pour leur dire que la CPU reprend à son compte et défendra dorénavant les conclusions de la commissions qui viennent de nous être présentées.
II/ Débat (désolé mais les orthographes des noms ne sont pas garanties)
a) D. Abecassis (Sup recherche UNSA) se félicité qu’il y ait eu une année universitaire de plus pour réfléchir (mais sans dire pourquoi le gouvernement a reculé d’un an sa réforme...) et souligne que l’université ne peut se permettre une nouvelle année de crise ; il défend les cursus intégrés et soutient grosso modo les positions de la CPU
b) JP Adami (FERC CGT) iniste sur deux points insuffisamment précis : la nécessité d’une formation pré-pro au niveau L ave formation en biseau et le manque de clarification sur le choix entre mentions, spécialités et parcours dans les futurs masters d’enseignement (ce qui pourrait provoquer des diversifications territoriales nuisibles à l’unité du corps). Il propose de caractériser le master au niveau de la mention « sans pour autant en faire un master dédié »
c) F. Godel (VP CEVU Bretagne sud) se demande si on a une chance que le décret soit modifié
d) C. Couturier (SNEP) on ne peut certes pas se permettre une nouvelle crise mais on ne peut pas davantage se permettre une mauvaise mastérisation ; or c’est bien ce qui se profile. Il souligne qu’il faut garantir la place des IUFM et le rapport avec la recherche dans le processus et, surtout, rappelle que la question principale et qui conditionne tout reste tout simplement le nombre de poste ouverts aux concours de recrutement
e) P. Pechot (UGICT CGT) pose quelques questions : quelle formation continuée pour ceux qui ont déjà un master ? quelle réaction sur les stages scandaleux que l’on entend mettre en place cette année ? quid des formateurs et tuteurs des premier et second degrés ? quid de la démocratisation des concours et de la situation de fonctionnaire-stagiaire ? Il souligne que la CGT défend la mastérisation des formations mais pas des concours (donc concours en début de M1 et deux années de formation payées) (M. Filatre répond que « la politique gouvernementale étant de détruire l’année de fonctionnaire stagiaire » cette proposition est imprésentable)
f) Réponse de M. Quentin (expert de la CDUL dans la commission Filatre) : le format des masters est très difficile à trancher nationalement car selon qu’on a une seule université ou plusieurs pour un IUFM la même solution ne peut être adoptée (le choix de la mention ne marche que s’il n’y a pas concurrence potentielle entre universités), sans même parler des temporalités différentes dues aux 4 vagues de contractualisation qui se succèdent. Le critère « national » doit être au seul niveau des référentiels pour assurer cohérence et homogénéité des formations (nécessaires pour l’unité du corps)
g) Réponse de Madame Bonnafous : insiste sur importance de la VAE et sur l’intégration de tous les formateurs et tuteurs dans les nouveaux dispositifs ; demande d’un comité de suivi de cette réforme qui ne soit pas piloté par les ministères ; insistance sur le fait que les IUFM doivent être des écoles internes et inter-universitaires en laissant ouverte la question de l’élargissement des missions de ces écoles (pré-pro au niveau du L ; remplacement des CIES etc.)
h) Réponse de P. Barranger (directeur d’IUFM et ex-président de la CDIUFM) se félicite que la mort annoncée des IUFM en juin 2008 ne se soit pas produite. Il affirme sa confiance dans la CPU et dans les communautés universitaires pour régler les problèmes et part dans un éloge des stages dont ils demandent qu’ils deviennent une composante des épreuves de concours car actuellement les étudiants ne veulent pas les faire (sauf ceux qui sont dans une situation financière très mauvaise ou ceux qui sont sûrs de ne pas être admissibles).. Il refuse les masters polyvalents.
i) F. Voisin (UNEF) l’UNEF se retrouve dans les conclusions du rapport et réaffirme que le débat sur la chronologie des concours ne peut être clos du seul fait de la publication des décrets. Il réaffirme que tout autre « gestion des flux » que le concours sera combattu avec acharnement par l’UNEF
j) X (VP de la FAGE) présente la seule position d’éloge de la réforme ; il veut un concours en M2 pour que le M1 ne soit pas une préparation au concours et pense qu’une véritable semestrialisation de la formation peut régler le problème des réorientations difficiles ; il prône le remplacement des IUFM par des IUFP (P pour « pédagogique »)
k) C. Pontois SNEP la commission a fait de louables efforts pour « pousser les murs » mais a accepté de raisonner dans un cadre imposé ; or il faut faire éclater ce cadre ; propose un accès aux métiers par trois voies différentes (pré-recrutement à la sortie de L ; post-master ; reconversion tardive) avec des concours différents à chaque fois suivis de deux ans de formation payée – ce que M. Filatre qualifiera d’« invitation au rêve ».
l) X représentant de la Fédération autonome des fonctionnaires : en appelle à une revalorisation du métier financière et symbolique grâce à un renforcement du niveau disciplinaire ; il faut faire en sorte que les enseignants ne quittent jamais l’université grâce au développement de la formation continue
m) Un collègue responsable de masters souligne les nécessités internationales du master comme « produit » que l’on doit « vendre » et qui ne doit pas être tenu par un référentiel imposé par le ministère de tutelle
n) Le représentant du SGEN refuse l’éclatement du métier et souligne que la réforme est une baisse de l’investissement de l’Etat plus qu’une réforme pédagogique (on eût aimé une telle fermeté sur la question il y a quelques mois....)
o) G. Marie (membre du groupe de travail sur les PLC) il souligne la contradiction entre le choix d’un système « intégré » non séquentiel et les règles des masters qui permettent à tout titulaire d’un master de passer n’importe quel concours ; sur les stages il pointe la contradiction qui consiste à mélanger trois fonctions (aide sociale via la rétribution ; formation professionnelle ; satisfaire les besoins en remplacement !) ; le tout fait que l’on risque une gestion des stages « à la calculette » (sic) sans prise en compte des nécessité de la formation
p) JLF pour SLU intervient pour rappeler que personne n’a rappelé que si nous avons un an de plus pour réfléchir (ce dont tout le monde se félicite) c’est parce que des milliers de collègues sont descendus dans la rue pour l’exiger ; il note aussi que personne n’a utilisé jusqu’à présent le mot de fonctionnaire et qu’il y a quelque paradoxe à dire en même temps qu’on ne va pas céder sur la chronologie et à mettre en place la réforme comme l’entend le ministère ; il demande à la CPU (composée d’élus à la différence de la CDIUFM composé de nommés dont certains peuvent se penser uniquement comme des courroies de transmission du ministère) de dire clairement ce qu’elle refusera sur les stages et la formation
q) M. Filatre en appelle à « oser penser que des épreuves du concours se passent dans le cadre du master » ( ????) et à réfléchir sur le fait que l’échec professionnel (après réussite au concours) est une question aussi importante que l’échec scolaire (au concours) et que seule la formation professionnelle peut y remédier ; il admet que « les stages peuvent être n’importe quoi en année transitoire » (sic) et qu’ « on ne peut pas accepter une logique fondée sur des bases purement économiques ». On ne peut rien construire tant que le « recruteur/employeur » (sic) « ne nous donne pas son système de contraintes » (re-sic) [mais ne pourrait-on envisager de faire autre chose que d’attendre qu’il nous le donne ?]
r) O . Faron insiste sur la protection des masters recherche en LSHS et sur le fait que l’agrégation doit pouvoir être passée par un étudiant inscrit en M2 et aussi que les lauréats à l’agrégation puissent obtenir automatiquement des reports de stages quand ils s’engagent dans une thèse
s) P. Barranger intervient de nouveau pour souligner que s’il y a des risques au modèle intégré (notamment la réduction drastique d’un des deux pôles concurrents de façon classique entre l’académique et le professionnel) il reste la seule solution pour répondre aux nombreuses « dérives potentielles » de cette mastérisation
t) Quentin termine la séance en rappelant la nécessité de lien entre universités et premiers et second degré.
Jean-Louis Fournel pour SLU