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Formation des Enseignants – Alexis Grélois pour SLU !, septembre 2012
jeudi 27 septembre 2012
S’agissant du dossier épineux de la formation des enseignants du premier et du second degrés, la précédente majorité a laissé une situation que tous les acteurs concernés s’entendent pour juger catastrophique. La masterisation relève de la quadrature du cercle, ce qui se comprend bien puisqu’elle s’inscrivait dans un projet politique clairement assumé par le député UMP Grosperrin : rendre impossible le recrutement par concours. Ce faisant, elle permettait de bloquer l’accès à la fonction publique pour la grande majorité des futurs enseignants, et de précariser et de dévaloriser encore plus un groupe social désigné comme bouc-émissaire à la vindicte populaire parce que réputé inefficace et nuisible.
On était donc en droit d’attendre de la nouvelle majorité une rupture complète avec une telle logique de destruction de l’école républicaine. Malheureusement, l’inspiration libérale très sensible dans certains think tanks socialistes, comme la présence dans l’entourage de la ministre de l’enseignement supérieur d’une ancienne vice-présidente de la CPU qui, lors d’un entretien avec SLU, avait déclaré qu’il y avait « d’autres logiques possibles que le fonctionnariat pour le recrutement des enseignants », peuvent faire craindre que le gouvernement actuel ne fasse que prolonger les logiques antérieures, fût-ce sur un mode plus doux.
À cet égard, si l’on ne peut que se féliciter de voir le ministre de l’éducation faire preuve de sympathie envers les stagiaires sacrifiés par la réforme de 2008-2010, les premières mesures prises paraissent bien timides. Alors que le Conseil d’État, à la demande notamment de SLU, avait conclu à l’illégalité partielle du dispositif mis en place par le gouvernement Fillon, l’actuelle majorité a préféré légaliser la formation actuelle plutôt que de rétablir l’année de stage en alternance qui existait préalablement ; il est vrai qu’il aurait fallu recréer immédiatement 12 000 postes, ce qui était difficile, pour des raisons tant budgétaires qu’humaines, la politique de la droite ayant eu l’effet escompté de détourner une génération d’étudiants du métier d’enseignant.
Plus récemment, la mise en place des emplois d’avenir et ses tâtonnements comme le flou qui règne encore sur les futures Écoles Supérieures du professorat et de l’éducation révèlent l’impréparation de la nouvelle majorité comme son incapacité à rompre avec la masterisation. Profitant de l’aubaine représentée par la dotation budgétaire destinée aux nouveaux emplois jeunes, le MEN a mis la main sur une partie des emplois initialement destinés aux personnes les moins diplômées. Le projet mêle deux objectifs louables en soi (favoriser l’insertion professionnelle des jeunes issus de zones urbaines défavorisés et rendre plus attractifs le métier d’enseignant), mais dont on peut toutefois se demander si leur conjonction est à même de résoudre les deux problèmes posés. Même si les syndicats étudiants et les députés communistes ont tenté d’obtenir des garde-fous, on peut se demander comment les jeunes concernés pourront concilier études, préparation de concours, et 12 à 17h de travail hebdomadaire. Par ailleurs, cette forme de pré-recrutement destinée à contenter une revendication portée notamment par la FSU depuis la mise en place de la masterisation risque de renforcer le poids des rectorats et des chefs d’EPLE, dans une logique d’autonomisation des établissements secondaires et élémentaires.
S’il s’agit donc juste d’aménager la masterisation et non de l’abandonner, il appartient à SLU de rappeler quelques évidences malheureusement trop souvent passées sous silence :
la masterisation n’a permis aucune progression du niveau d’étude réel des enseignants, puisque ceux-ci effectuaient déjà avant la réforme cinq années d’études post-bac (au moins) : licence + une année de préparation au concours + une année de stage en alternance rémunérée. Il était parfaitement possible de satisfaire la demande syndicale d’une reconnaissance du niveau master pour les enseignants par un dispositif de type VAE ou grade. La masterisation n’a pas élevé le niveau de qualification des enseignants (au contraire, le programme du CAPES, par exemple, porte désormais sur celui des lycées, voire sur celui du collège pour certaines disciplines, le niveau requis est celui de la licence), mais elle a allongé la durée des études non rémunérées.
La masterisation s’inscrit donc dans une logique qui voit l’ensemble du patronat français — y compris « l’État-employeur » de X. Darcos — se défaire de la formation professionnelle pour la confier au système éducatif. Cette injonction de « professionnalisation » des cursus condamne entre autres les masters recherche en lettres et sciences humaines mais aussi en mathématique dans la plupart des universités. La logique malthusienne qui veut concentrer les activités de recherche dans quelques pôles européens ne peut conduire qu’à affaiblir la plupart des territoires, car elle ne peut qu’entraîner la réduction de leurs établissements d’enseignement supérieur à de simples « collèges universitaires », puisque l’association entre recherche et enseignement, entre production et diffusion des connaissances est au cœur de l’université.
La mise en concurrence d’un concours et d’un diplôme ne peut que conduire à la multiplication des « reçus (au diplôme)-collés (au concours) » et porte donc en germe la disparition des concours nationaux de recrutement d’enseignants donnant accès à un poste statutaire. La mise en place de formes de présélection, qu’elles soient pour l’accès aux « emplois d’avenir » ou à l’entrée aux futures ESPE, ne doit pas s’inscrire dans la même logique d’effacement des concours.
Dans cette perspective, SLU réaffirme que l’essentiel de la formation professionnelle doit se situer en aval du concours. Il est trop facile de faire porter sur la formation universitaire les difficultés vécues au quotidien dans les établissements scolaires, en particulier les plus difficiles où sont affectés en majorité les néo-titulaires. C’est l’entrée dans le métier qui doit être aménagée en priorité, avec des horaires réduits et un encadrement renforcé durant les premières années d’exercice. Nous réaffirmons aussi que la Recherche, formatrice pour les futurs enseignants, ne saurait se limiter à la seule « recherche en éducation ». Quant aux ESPE, elles ne pourront être une réussite que si leurs formations tiennent compte de la diversité des métiers de l’enseignement et si elles parviennent à surmonter la coupure entre formations disciplinaires et pédagogiques, en rompant avec l’infantilisation des stagiaires.
Comme l’ensemble de l’ESR, la FDE a besoin de signaux forts :
Certains peuvent être mis en œuvre rapidement et à peu de frais
- suppression de l’épreuve de conformité idéologique « agir en fonctionnaire éthique et responsable » des concours
- suppression des certifications en langue et en informatique
- modification des dates d’admissibilité des concours dès la session 2013
D’autres devront donner lieu à une large concertation incluant tous les acteurs de la FDE
- place du concours dans le cursus
- place de l’année de stage rémunéré
- contenu disciplinaire des épreuves et des programmes du CAPES et de l’Agrégation (qui devront avoir des questions communes)
- réflexion sur le pré-recrutement
- place de la formation continue des enseignants dans les universités