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"Masterisation : de mal en pis" : contribution du Forum des Sociétés Savantes du 19 février 2010
jeudi 25 février 2010, par
Les responsables de plus de 50 sociétés savantes et associations d’enseignants se sont constitués en Forum le 17 octobre 2009 afin de mener une réflexion commune sur le fonctionnement de l’Education Nationale, l’avenir de la recherche et des universités. En tant que responsables élus des sociétés savantes et associations de spécialistes, représentatives de la communauté universitaire et enseignante dans toutes les disciplines du savoir, nous demandons à être partie prenante de véritables négociations sur les réformes en cours. Le Forum a énoncé lors de sa première réunion des principes sur la réforme dite de masterisation de la formation et des concours de recrutement des professeurs, détaillés dans le texte "Réformons la réforme" de novembre 2009.
Depuis, sont parus les arrêtés des 28 et 31 décembre 2009 fixant les modalités d’organisation des concours et les diplômes permettant de s’y présenter, et la circulaire du 23 décembre 2009 pour la mise en place des diplômes de master ouverts aux étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement (en dépit de l’opposition majoritaire du CNESER).
Lors de sa réunion du 23 janvier 2010, le Forum a réaffirmé l’ensemble des principes développés dans son texte de novembre 2009. Il en souligne les points suivants mis en danger par les décisions récentes :
La réduction du nombre d’épreuves entraînant la fusion ou la disparition de certaines matières, et, dans certaines disciplines, l’absence de programme précis au CAPES induisent une baisse des connaissances disciplinaires exigées. Elles rendent extrêmement problématiques la préparation des concours et son articulation avec les masters. Les nouveaux parcours de masters sont censés inclure cours disciplinaires, travail d’initiation à la recherche, préparation aux concours et stages en établissements avec suivi universitaire, tout en permettant une réorientation en cas d’échec aux concours. Les professeurs des écoles et les professeurs de lycée professionnel sont supposés recevoir en outre une formation pluri-disciplinaire, dans l’ensemble des matières qu’ils enseigneront. La concurrence de tous ces objectifs rend ces parcours irréalisables ; elle compromet l’avenir de la formation et de la recherche.
La nouvelle épreuve visant à évaluer la "compétence" des candidats à "agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable", à partir d’une liste considérable de connaissances et de capacités aux contours mal définis, complique et aggrave encore le dispositif. L’inclusion artificielle de cette épreuve de conformité idéologique au sein d’une épreuve disciplinaire déséquilibre les différentes matières des concours. Elle perturbe la constitution des jurys d’oral dont les membres doivent rester des spécialistes des disciplines. Pour l’agrégation, la part de cette épreuve varie entre 2,47% et 8,33% de la note finale selon la discipline, sans qu’aucune justification soit apportée à l’appui de telles fluctuations, mettant ainsi en évidence le caractère arbitraire de cette épreuve. La connaissance du système éducatif ne peut et ne doit être évaluée qu’à la fin de l’année de fonctionnaire stagiaire.
Pour l’articulation avec le doctorat, la commutativité entre agrégation et master doit être introduite dès le concours 2011 ; précisément, les étudiants inscrits en M2 doivent pouvoir se présenter au concours, leur nomination en tant que fonctionnaire stagiaire n’intervenant qu’avec la justification de la détention d’un master comportant la validation d’un mémoire sur un travail de recherche. L’annonce en est urgente pour l’information des étudiants déjà engagés dans un cursus de préparation du concours.
Les lauréats des concours 2010 vont subir une réduction drastique de formation professionnelle après le concours, au moins divisée par deux. D’après l’organisation annoncée par certains rectorats, ils seraient placés en responsabilité dans des classes dès la rentrée 2010 avec un service plein, bénéficiant uniquement pendant quelques semaines de l’aide d’un titulaire volontaire lui-même déchargé de sa classe par un enseignant contractuel ; ils ne suivraient qu’au second semestre une formation à temps plein de quelques semaines, pendant laquelle ils seraient remplacés par des étudiants de Master ! Les conséquences pour les élèves et pour l’entrée dans le métier des nouveaux professeurs seraient désastreuses, d’autant plus que, tout master ou diplôme équivalent permettant accès aux concours, il est à prévoir que de nombreux lauréats n’auront effectué aucun stage d’enseignement ni reçu aucune formation pratique avant le concours. En outre, la latitude laissée aux rectorats pour la mise en oeuvre de l’année de fonctionnaire stagiaire conduirait à des disparités contraires à l’équité géographique nationale.
Rappel des principes du Forum de novembre 2009 :
Les concours de recrutement et leurs programmes doivent rester nationaux et fonder la sélection des candidats sur leurs connaissances et compétences, évaluées par des spécialistes universitaires et des enseignants des disciplines concernées.
La réforme de la formation et des concours ne doit pas produire un affaiblissement des exigences disciplinaires ni une restriction du champ des matières étudiées. Pour les candidats au concours de professeur des écoles, la réforme doit être l’occasion d’un renforcement, adapté à leur future mission, des connaissances dans les disciplines absentes de la licence dont ils sont titulaires.
La formation proprement pratique doit intervenir après le concours. La connaissance du système éducatif, notamment, ne sera vérifiée qu’à l’issue de l’année rémunérée de stage pratique en alternance dont on ne saurait faire l’économie. Si des stages doivent intervenir avant le concours, il s’agira de stages en observation ou de pratique accompagnée sous la responsabilité d’un tuteur, les stages en pleine responsabilité n’ayant de sens qu’après la réussite au concours.
La formation continue des enseignants titulaires devra être développée.
Les cursus menant aux différents concours de recrutement de l’Education Nationale, à une autre voie professionnelle ou à la recherche doivent pouvoir rester compatibles et permettre des réorientations. A cette fin, nous demandons le maintien d’exigences scientifiques et disciplinaires effectives dans toutes les formations de master.
Enfin, pour garantir la cohérence des formations, il est indispensable de connaître les programmes et les dates des concours ainsi que les modalités des éventuels stages avant d’élaborer les maquettes des masters correspondants.
Pour le concours de l’agrégation 2011, des solutions doivent être trouvées afin qu’aucun étudiant ne soit lésé dans la phase de transition.
Signataires :
Association des Anglicistes pour les Etudes de Langue Orale dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire
Assemblée des Directeurs d’IREM
Association des Etudes Grecques
Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Historiens Contemporanéistes de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises
Association des Linguistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Médiévistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie
Association des Professeurs de Biologie-Géologie
Association des Professeurs de Biotechnologies, Santé, Environnement
Association des Professeurs de Langues Anciennes de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Langues des IUT
Association des Professeurs de Langues Vivantes
Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public
Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l’Enseignement Supérieur
Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public
Association des Sciences du Langage
Association Française d’Etudes Américaines
Association Française de Mécanique
Association Française des Catalanistes
Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel
Association Française des Russisants
Association Française des Enseignants de Français
Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques
Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes
Femmes et Mathématiques
Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur
Société Botanique de France
Société d’Etude de la Littérature Française du XXe siècle
Société d’Etude du XVIIe Siècle
Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl
Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles
Société de Philosophie des Sciences
Société des Anglicistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Etudes Romantiques et Dix-neuvièmistes
Société des Hispanistes Français
Société des Italianistes de l’Enseignement Supérieur
Société des Etudes Latines,
Société des Langues Néo-Latines
Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public
Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université
Société Française d’Etude du Dix-huitième Siècle
Société Française d’Étude du Seizième Siècle
Société Française d’Etudes Médio- et Néo-Latines
Société Française de Littérature Générale et Comparée
Société Française de Physique
Société Française de Statistique
Société Française des Etudes Japonaises
Société Française Shakespeare
Société Mathématique de France
Union des professeurs de physique et de chimie
Union des professeurs de spéciales