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Jacques Grosperrin enterre les IUFM (et communiqué du groupe Marc Bloch), Véronique Soulé, Blog "C’est classe !", Libération, 8 février 2012

mercredi 8 février 2012, par Sylvie

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Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs, avait déjà fait scandale en proposant de supprimer à terme le Capes et l’agrèg. Le voilà de retour avec un projet de loi qui enterre les IUFM (les instituts universitaires de formation des maîtres) et ouvre la voie au privé pour former les enseignants. Résultat : un nouveau tollé.

Une dizaine d’organisations - la FSU (première fédération de l’éducation), le syndicat enseignant SE-Unsa, la Ligue de l’enseignement, la FCPE (première fédération de parents d’élèves), les étudiants de l’Unef, Sauvons l’Université (SLU) ... - ont dénoncé la proposition de loi. Selon eux, elle achève de détruire une formation des enseignants déjà mise à mal par la réforme (la "masterisation") qui réduit quasiment à néant la partie professionnelle.

Le groupe Marc Bloch, qui réunit 59 présidents d’université, directeurs d’établissements du supérieur et de la recherche, ainsi que des hauts fonctionnaires, a également pris position dans une tribune reproduite ci-dessous. Des députés et des sénateurs de gauche sont aussi mobilisés.

A deux mois et demi de la présidentielle, on ne voit pas très bien ce qui pressait à ce point. Peut-être l’UMP veut-elle parachever l’une des réformes les plus contestées mais aussi les plus emblématiques du quinquennat dans l’éducation. Le candidat-non-déclaré Nicolas Sarkozy, qui semble vouloir faire une campagne frontale, pourrait alors la brandir comme une réforme courageuse et modernisatrice qu’il a menée à bien, tenant bon face à tous les immobilismes...
Toujours est-il que le 10 janvier, Jacques Grosperrin a déposé sa proposition de loi. Elle a été adoptée en commission le 1er février avec deux amendements. Elle doit être débattue aujourd’hui à l’Assemblée nationale avant d’être soumise au vote le 14 février.

Le 1er février, le député UMP est revenu sur un point très critiqué de sa proposition de loi et a réaffirmé le cadrage national de la formation. Aujourd’hui, son texte, qu’il présente comme "technique", est contesté essentiellement sur le point suivant : il stipule que "la formation des maîtres est assurée par les établissements d’enseignement supérieur, notamment par les universités" - mais pas exclusivement, lit-on en filigrane. Avant, le Code de l’éduction indiquait qu’elle "assurée par les IUFM".

"Cette proposition de loi préconise de gommer toutes les références aux IUFM encore présentes dans le Code de l’éducation, souligne le SE-Unsa dans un communiqué le 2 février. Exit les écoles professionnelles. Place aux officines privées ou aux instituts catholiques sur le ’créneau’ de la formation des enseignants qui ne serait ainsi plus dévolue aux seules universités".

"Si ce texte devait être adopté, ajoute le syndicat, il acterait la fermeture définitive des sites départementaux des IUFM et avec eux, une formation initiale et continue de proximité".

Dans le supérieur, le groupe Marc Bloch réclame lui aussi une refonte de cette réforme et fait des propositions. Voici la tribune qu’il nous a fait parvenir (les surlignages en gras ont été rajoutés pour une meilleure lisibilité) :

La dernière blague du gouvernement : une réforme "technique" de la formation des maîtres !

Par le groupe Marc Bloch
"La réforme de la formation des maîtres qui fut l’un des projets majeurs du Ministre Xavier DARCOS, visait à élever le niveau de formation initiale des futurs enseignants et à mieux préparer leur entrée dans le métier.(...)
Alors que les universités, les milieux scientifiques ou académiques et les organisations syndicales considéraient de manière tout à fait favorable l’ambition d’élever le niveau de formation des maîtres, le gouvernement s’engageait unilatéralement, et dans l’urgence, dans cette réforme sans la réflexion, ni la concertation indispensables. Seule semblait primer la volonté de profiter de cette réforme pour engager une économie budgétaire en annulant l’année de formation continuée en alternance et supprimer les 16 000 emplois correspondants. Le reste, la pédagogie, la formation des maîtres et l’avenir de nos enfants, tout ceci devint accessoire (...)
L’annulation par le Conseil d’Etat de 3 articles de l’arrêté du 12 mai 2010 sur la mastérisation a jeté un pavé dans la mare. En effet, dans leur sagesse et leur devoir de dire la conformité à la loi, les conseillers affirmèrent que celle-ci ne fût pas respectée sur plusieurs points.
Tout d’abord, les dispositions portant réforme de la mastérisation annulaient le cahier des charges de la formation des futurs enseignants et remplaçaient le stage des nouveaux professeurs par une formation pédagogique minimale en dehors des IUFM. Cette « astuce » permettait de supprimer 16 000 postes, à la rentrée 2010 en envoyant dès leur réussite au concours les jeunes professeurs enseigner à plein-temps devant leur classe mais elle ne respectait pas le code de l’éducation.
Dans son arrêt, le Conseil d’Etat dit aussi que le ministre aurait dû consulter les deux instances prévues par la Loi : le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche et le Haut Conseil de l’éducation.
La décision du Conseil d’Etat invite surtout le gouvernement à ouvrir un débat entre les différentes parties (Ministères et organisations).(...)
Peu courageuse et voulant surtout faire l’économie d’une concertation, la majorité gouvernementale a choisi une autre voie : confier au député UMP du Doubs, Jacques GROSPERRIN le soin de déposer une proposition de loi visant à modifier les dispositions du code de l’éducation mettant en cause l’arrêté sur la réforme de la mastérisation.
Ainsi plutôt que de revenir sur cette réforme précipitée, le député propose quelques aménagements pudiquement appelés « techniques ».

Comment mépriser à ce point la formation des futurs enseignants et considérer comme des aménagements techniques des dispositions qui annulent l’existence des IUFM, minorent le rôle des universités, suppriment les mentions relatives à la formation initiale et à la formation continue des enseignants ?

La proposition GROSPERRIN est une erreur, pire une faute !
Alors que la "Mastérisation" devait constituer une vraie chance pour l’Ecole et la Société, elle apparait comme un vrai gâchis.(...) Il est urgent de redéfinir collectivement un modèle de formation des futurs enseignants. On peut esquisser trois grands chantiers incontournables qui balisent cette "réforme de la réforme" que nous appelons tous ardemment.
- Il faut d’abord réaffirmer l’importance du concours. C’est un principe incontournable car le concours est le garant d’une équité de recrutement et un gage d’un service public éducatif de qualité en tout point du territoire national. Mais ce concours doit subir des modifications majeures : tenir compte de la diversité des métiers d’enseignant, redéfinir la place des épreuves dans le cursus master.
- La formation des futurs enseignants doit également être repensée en abandonnant l’opposition traditionnelle entre formation professionnelle et formation disciplinaire. Enseigner est un métier qui s’apprend de manière dynamique entre l’université et l’Ecole. L’intégration des IUFM dans les universités et la mastérisation sont une chance pour penser autrement cette formation professionnelle universitaire, encore faut-il s’en donner les moyens !
- Enfin, pour celles et ceux qui veulent devenir enseignants, la mastérisation a des conséquences difficiles parfois. Tenir compte de la diversité sociale des enseignants, mieux accompagner les étudiants dans les différentes phases de l’apprentissage du métier, sécuriser les parcours, prendre en compte la dimension territoriale sont des enjeux essentiels, jusque là ignorés.(...)
Parce que l’Ecole constitue le socle d’une société de la connaissance et de progrès social, elle doit être au cœur des préoccupations politiques à venir. (...)
Rassemblant toutes les forces de progrès, la gauche doit redéfinir un nouveau projet de formation des futurs enseignants. Notre Ecole mérite mieux que des dispositions techniques parce que bien former nos jeunes est notre avenir."