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SLR s’adresse aux chercheurs et écrit aux parlementaires - 3 & 4 mai 2013

lundi 6 mai 2013, par Mariannick

Un projet de loi insensé

Madame, monsieur, cher ami de la recherche

Vous avez, à un moment où un autre, soutenu l’action de Sauvons La Recherche, face aux décisions inopportunes que les pouvoirs publics ont prises ou voulu prendre quant à l’avenir scientifique de notre pays, et nous vous en remercions à nouveau. Depuis plusieurs années, la Commission Européenne tente de donner un rôle nouveau aux services publics de la recherche scientifique et l’enseignement supérieur, en les restreignant à leur impact sur la compétitivité des entreprises. Cette dénommée stratégie de Lisbonne vient de fêter sa 10e et dernière année ans sans éclat, ses promoteurs ayant reconnu son échec tout en annonçant une nouvelle décennie dans la même direction.

Alors que le nouveau gouvernement français promettait d’infléchir la politique européenne, il vient d’adopter en conseil des ministres un projet de loi mortifère pour nos universités et laboratoires tant il ne tire aucune leçon de cet échec. Parmi les nombreux articles contestables prévus par ce projet, il en est un qui retient particulièrement l’attention. Le Code de la recherche publique serait modifié, assignant à celle-ci un objectif supplémentaire : "le transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique". A l’heure où le budget de notre ministère est en baisse (de 16% pour nos organismes de recherche !), cette nouvelle mission ne pourra se faire qu’au détriment des autres, en particulier la formation de nos étudiants. Loin d’encourager les entreprises à innover, cette politique déjà expérimentée sous le gouvernement précédent les incite à fermer leurs propres centres de recherches, en sous-traitant leur recherche d’innovations à des laboratoires publics dont ce n’est pourtant pas le métier. Dégraissage dans la recherche privée, gel des postes dans la recherche publique, quel étudiant de Master se risquera à entamer une thèse avec une telle perspective, et que peut-il espérer comme emploi proche de sa vocation ? Les réformes de ces dix dernières années ont provoqué une explosion de la précarité dans nos métiers ; ce sera l’explosion de la crise des vocations si cette nouvelle loi est votée.

Nos contacts avec les parlementaires nous ont montré que nombre d’entre eux ne sont pas convaincus par ce projet de loi, mais seulement une minorité songe à s’y opposer. C’est pourquoi nous vous demandons aujourd’hui de soutenir notre action en écrivant au député de votre circonscription, afin de l’inciter à refuser de voter ce projet de loi, et d’exiger du gouvernement une politique scientifique qui maximise le potentiel scientifique de notre pays, et assure des débouchés aux jeunes qui veulent s’y consacrer.

Vous trouverez sur notre site [1] la lettre détaillée que nous leurs envoyons, et dont vous pouvez vous inspirer.

Le conseil d’administration de Sauvons La Recherche


Lettre aux parlementaires sur le projet de loi du 22 Mai 2013

Madame, Monsieur,

Le 22 Mai prochain, vous devrez vous prononcer, selon la procédure du temps législatif programmé, sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (ESR). Loin de constituer une rupture avec la politique dictée depuis 10 ans par la Commission Européenne sous le nom de Stratégie de Lisbonne, ce texte plébiscite cette politique et la poursuit jusqu’à l’absurde. Parmi la kyrielle de points alarmants, nous citerons :

- L’effet contre-productif de la nouvelle mission "transfert"
Le Code de la recherche publique serait modifié, assignant à celle-ci un objectif supplémentaire : "le transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique". A l’heure où le budget de notre ministère est en baisse, cette nouvelle mission ne pourra se faire qu’au détriment des autres, en particulier de la formation de nos étudiants. Elle a déjà été encouragée par les gouvernements précédents et s’est révélée contre-productive : incitées à sous traiter leur recherche aux laboratoires publics, les entreprises ferment leurs centres de recherche. Dégraissage dans la recherche privée, gel des postes dans la recherche publique, quel étudiant de Master se risquera à entamer une thèse avec une telle perspective ? Les lois LRU et Pacte de la Recherche ont provoqué une explosion de la précarité dans nos métiers ; ce sera l’explosion de la crise des vocations si cette nouvelle loi est votée.
- La précarisation de l’emploi scientifique
On compte aujourd’hui 50.000 précaires dans l’ESR. Cette situation est inacceptable d’un point de vue personnel pour les précaires, et elle l’est aussi pour notre mission de création et de transmission du savoir : comment la remplir dans la durée, faute de personnel permanent ? C’est d’une loi de programmation dont nous avons besoin pour résorber la précarité et donner un signal fort à nos jeunes que les débouchés existent dans nos métiers. Le projet de loi actuel est de ce point de vue totalement hors sujet.
- La paupérisation de l’ESR
La loi de 2007 sur l’autonomie des universités conduit un nombre croissant d’entre elles au bord de la faillite, obligeant légalement le rectorat à les mettre sous tutelle, soit exactement l’effet inverse de celui annoncé. Au lieu de prendre acte qu’une université n’est pas une entreprise devant gérer des capitaux, le projet de loi ne modifie en rien ce qui provoque ces naufrages. Le budget des organismes de recherche baisse cette année de 16%. Même en restant dans le cadre de l’austérité budgétaire exigée par la Commission Européenne, d’autres choix sont possibles mais le gouvernement les dissimule : le ministère de l’ESR n’a en effet pas la main sur les 22 milliards des Investissements d’Avenir, gérés par un Commissariat autonome, ni sur les 5 milliards du Crédit Impôt Recherche, gérés par le ministère des Finances. L’utilisation de ces fonds, décidée par le gouvernement précédent, devrait faire partie du débat parlementaire actuel sur l’ESR mais il n’en est rien. Autre forme de hors sujet.
- La caporalisation de l’ESR
La prétendue excellence prônée par le précédent gouvernement sort renforcée de ce projet. Ainsi, les nouvelles structures au fonctionnement non démocratique telles que les IDEX ou les Fondations de Coopération Scientifique sont pérennisées. Les universités sont sommées de se regrouper dans des mégastructures dont le fonctionnement pyramidal et flou dilue la démocratie et instaure une compétition entre personnes et zones géographiques. Ce n’est pas dans ce contexte que peut s’épanouir la créativité scientifique.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de rejeter ce projet de loi et d’exiger du gouvernement un projet radicalement différent.
Comptant sur votre soutien,

Guillemin Rodary, membre du CA de SLR


[1voir ci-dessous