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Compte rendu de la réunion au MESR du vendredi 16 mai 2013 entre les représentants de l’Intersyndicale et G. Houzel, le conseiller de la Ministre

lundi 20 mai 2013, par Mademoiselle de Scudéry

« Éclaircissements sémantiques, universités, recherche et marché » : la réunion-de-la-dernière-chance-avant-la-grève lève le dernier voile.

Compte rendu de la réunion au MESR du vendredi 16 mai 2013 (15h-17h) entre les représentants de l’Intersyndicale de l’ESR et le conseiller de la Ministre de l’ESR, G. Houzel

Présents pour l’IS les représentants de SNESUP, SNTRS CGT, SNCS, FO, SLU, SLR, Sud éducation, Sud recherche EPST (excusés CGT INRA et SNASUB)

Titre donné (involontairement) par notre hôte

« Éclaircissements sémantiques, universités, recherche et marché »

En préambule, G. Houzel fait remarquer que cette proposition de rencontre dans l’urgence émane d’une initiative de la Ministre qui fait suite au dépôt d’un préavis de grève pour la semaine prochaine, sachant que le préavis comportait la demande d’une éventuelle rencontre avant la date du mouvement social
Il souligne aussi qu’il connaît nos divergences mais nous a réunis pour entendre une nouvelle fois nos arguments afin de faire une note sur ce point pour la Ministre et pour le cabinet du Premier Ministre et de nous proposer quelques commentaires à ces argumentations en fin de réunion.

En introduction et au nom de l’IS Michelle Lauton (SNESUP) souligne clairement le refus unanime de la nouvelle loi de la part de toutes les organisations représentées dans la délégation dans la mesure où
-  Il n’y a pas abrogation de la loi LRU et du pacte pour la recherche
-  Aucun plan de résorption de la précarité ni le moindre plan pour l’emploi scientifique ne sont prévus
-  L’austérité est aggravée dans tous les établissements et tous les organismes de recherche (une illustration manifeste en est le fait que sur les 1000 postes attribués aux établissements au moins plus d’un quart d’entre eux – 256 - ont été gelés pour équilibrer les budgets)
-  La préparation de la création des ESPE se fait dans la plus grande confusion
-  La situation des organismes de recherches est profondément fragilisée
-  Les mesures envisagées dans le cadre de la nouvelle étape de la décentralisation font craindre une forme de régionalisation de l’ESR (les amendements déposés devant la commission de l’éducation et de la culture illustrent, anticipent et aggravent cette tendance)

A la suite de cette introduction commune chacune des organisations prend la parole.

D. Steinmetz (SNTRS CGT)
Insiste sur le caractère inadmissible et contradictoire avec la volonté proclamée de dialogue social et de respect des temps parlementaires du choix de la procédure accélérée à l’Assemblée nationale. Souligne les raisons d’inquiétude dans les organismes de recherche au vu de ce qui se dessine pour le budget 2014. Rappelle le caractère inacceptable des limites quantitatives mises aux mesures Sauvadet de résorption de la précarité (règle dite du tiers). Redit encore à quel point les organismes ont des motifs de s’inquiéter du poids grandissant des régions dans la définition des politiques de recherche, ce qui portera à des formes de spécialisations régionales (cf notion de « smart specialisation » ou « spécialisation intelligente »). Cette évolution ne peut que remettre en cause à terme le caractère national des organismes de recherche.

JL Fournel (SLU). Pose pour commencer que la loi non seulement ne remédie en rien aux effets des lois LRU et Pacte pour la recherche mais qu’elle en aggrave les conséquences les plus néfastes. Souligne que la nouvelle loi pose clairement la question de la survivance de l’université dans les premiers cycles avec une secondarisation généralisée et un renvoi, avec l’accord des syndicats étudiants majoritaires, au niveau M des logiques universitaires d’articulation enseignement/recherche, comme en sont de bons indices les nomenclatures proposées qui sous prétexte de « lisibilité » menacent des pans entiers de la formation universitaire. Il ajoute aussi que si on pouvait ne pas nourrir de grandes illusions sur le retour du nouveau gouvernement sur les RCE ou sur les choix budgétaires en période d’austérité on était en droit d’atteindre un effort pour la démocratisation des modes de gouvernement et la simplification du mille-feuille institutionnel propre à la soi-disant « politique d’excellence » : au lieu de cela on a
-  une aggravation de la situation avec le vote des personnalités extérieures dans l’élection des présidents (ce que même Pécresse qui le souhaitait n’avait pas osé mettre en œuvre)
-  la mise en place des communautés d’université qui éloigne un peu plus les instances de prises de décision de ceux qui sont gouvernés et qui donne le dessus aux nommés et à la technostructure sur les élus.
L’ensemble des mesures fait système et montre à quel point le gouvernement actuel adhère à une conception de l’université qui est justement celle que nous avons combattu depuis des années. Le MESR doit être conscient du fait que s’il se peut qu’il n’y ait pas de révolte immédiate contre la nouvelle loi, la grenade est désormais dégoupillée et que personne parmi les EC ne soutient ces mesures et que l’on peut prendre date sur des réactions futures dès lors que se feront sentir les premiers effets concrets des nouvelles dispositions.

Marie-B. (SUD EPST) évoque la programmation de la disparition des EPST du fait de leur paupérisation, de l’affaiblissement d’une politique nationale de recherche et de la mise de la recherche publique au service de la recherche privée (selon un principe absurde suivant lequel la recherche privée étant insuffisante on met à son service la recherche publique) ; elle insiste sur le fait que cette politique est consternante pour l’ensemble des personnels ; elle redit à quel point l’absence de mesures forte sur la précarisation n’est pas acceptable.

B. Rety (FO) redit son accord avec ce qui précède et ajoute la dénonciation de la confusion qui règne dans la mise en place des ESPE ainsi que du simulacre de dialogue social avec un ministère qui ne tient pas compte des avis du CNESER sur la question

Damien Vandembroucq (SNCS) revient sur le sentiment d’abandon diffus chez les personnels face au maintien du même paradigme dominant que dans le gouvernement précédent ; rappelle à quel point le maintien sous un autre nom de l’AERES est inacceptable alors même que cette agence s’est vu rejetée par tout le monde y compris par les assises de l’ESR et par l’académie des sciences ; cela montre le décrochage complet de l’alliance de la technostructure et des politiques par rapport au réalités des universités et des organismes, et ce aux dépens des chercheurs et des EC et de tous les membres du personnel ; après plus de huit ans de transfert de subventions vers la recherche privée, de crédit-impôts- recherche et de « transfert » de résultats de la recherche publique vers le monde socio-économique il serait temps de faire un bilan et d’inverser la charge de la preuve, en cessant de considérer que les manques et les lacunes de la recherche industrielle en France seraient dus aux défauts de la recherche publique ; donne l’exemple d’une personne qui peut orienter des pans entiers de recherche en faisant usage du CIR sans le moindre droit de regard de la puissance publique

Guillemin Rodary (SLR) regrette la succession de rendez-vous manqués du gouvernement avec l’ESR : absence de signes forts au début du quinquennat, assises manipulées et réservées, loi conçue et présentée dans l’urgence ; les pseudo-réunions de dialogue social sans écoute et sans lendemain en sont une illustration ; tout cela relève d’un véritable gâchis qui a détruit toute confiance envers la tutelle ; quand les décrets d’application commenceront à tomber les collègues bougeront

Barbier (FERC Sup CGT) revient sur les manques du dialogue social et sur le fait que le Ministère avance masqué ; souligne que les BIATSS sont très inquiets de la désétatisation de la masse salariale et des perspectives de régionalisation de l’ESR, dont les effets sur les statuts seront sans doute très dommageables

M. Lauton (SNESUP FSU) tout en réitérant son accord avec ce qui a été dit précédemment, ajoute la question des enseignements en langue étrangère (donc en anglais) et celle de la rupture de continuité entre L et M ; s’étonne fort de la volonté d’une procédure accélérée pour le passage de la loi au parlement

D. Steinmetz (SNTRS CGT) revient sur la mission de transfert qu’il oppose à la collaboration normale entre recherches publique et privée

Au terme de cette série d’interventions G. Houzel propose une série de réactions à nos propos dans lesquelles il distingue, en bon élève de Sciences-Po, les questions de forme et celle de fond (sic et re-sic) ; au titre des premières il rappelle que le MESR n’a jamais été hésitant sur la politique à tenir et n’a pas avancé masqué : depuis toujours G. Fioraso a pour mandat de maintenir les RCE et d’amener les établissements de l’ESR à une autonomie mieux régulée et plus stable ; pour lui la différence sur la précarité avec le précédent gouvernement est notable car on est passé d’une politique d’expansion de la précarité et de proclamation de la nécessité de la contrôler et de la résorber à une vraie politique active de résorption en programmant 10000 titularisations sur quatre ou cinq ans, ce qui est un effort notable.
Pour le budget de l’ANR il rappelle que sur les 200 millions utilisables, 70 ont été redistribués vers les budgets récurrents des organismes afin de reconstruire des « dotations plus dignes aux laboratoires » ; en outre, il ajoute que le MESR a fait savoir que dans les crédits « gelables » dans l’année au cas où le gouvernement en aurait besoin il a placé les crédits ANR ; il est conscient des difficultés financières des établissements et le MESR souhaite accompagner leurs CA en dehors de toute tutelle rectorale pour mieux appliquer ses principes budgétaires qui articulent sommes disponibles en contraction et application différenciée de la rigueur budgétaire selon les secteurs ; il récuse toute tentative d’asphyxie des EPST et souligne que sur la précarité les syndicats ont été entendus ; il remarque qu’aucune loi n’a jamais été approuvé au CNESER et que celle-ci l’aurait été si les élus étudiants favorables à la loi avaient pu voter (mais ils ne le pouvaient pas car leurs élections avaient dû être refaites) ; se veut rassurant sur la politique linguistique (nécessité pour les étudiants étrangers de maîtriser le français et absence de parcours de formation uniquement en anglais) ; annonce un plan en 7 ou 8 volets de promotion des SHS avec pour objectif une régulation nationale afin de « vérifier la vitalité des disciplines à faible effectif » susceptibles d’être menacées par les politiques de site, annonce assortie de cette affirmation martiale qui vaut d’être rapportée in extenso «  nous ne croyons pas dans la main invisible des forces académiques qui feraient émerger les bonnes formations sans aucune intervention de l’Etat stratège  » ; il ajoute même que l’intérêt quelque peu « chaotique » des élus locaux pour l’ESR peut causer de légitimes inquiétudes mais souligne qu’il n’y aura pas de contrat tripartite région/universités/État et que les contrats de site resteront entre État et opérateurs y compris dans le futur acte III de la décentralisation dans lequel si la région veut intervenir elle devra le faire selon un « schéma » validé par le gouvernement (mais à la question sur les amendements déposés par des députés du PS sur cette même question de la contractualisation tripartite, la réponse est dilatoire) ; il ajoute que beaucoup de choses dépendront de la loi de finances à venir et des décrets d’application de la loi et que d’autres moments de concertation pourront avoir lieu au moment voulu, notamment au CNESER…

Et comme il faut toujours garder le meilleur pour la fin nous finirons par la réponse de G. Houzel sur la nouvelle mission de « transfert » : celle-ci ne relève que d’une volonté de « clarification sémantique » pour dire ce qu’il y a vraiment derrière « le mot-valise de valorisation » (visiblement G. Houzel ne sait pas ce qu’est un mot-valise…) mais comme même les conseillers ministériels les mieux formés ne contrôlent pas leur inconscient, au lieu de parler de transfert « vers le monde socio-économique » le conseiller se mit à parler de «  transfert des résultats de la recherche vers le marché  » (sic !)

NB : Il était un peu gêné quand même quand l’un d’entre nous lui a fait remarquer que puisqu’il était attaché aux précisions et clarifications sémantiques, il devait se rappeler que le texte de loi heureusement ne comportait pas le mot de « marché »…

CQFD